Toujours adepte du dépaysement le plus total, Ubisoft nous plonge en pleine montagne avec Far Cry 4, qui prend la recette du précédent opus et y applique un nouveau décor. Cela sera-t-il suffisant pour convaincre les joueurs?


Il n’y a point de génie sans un grain de folie. Cette célèbre phrase d’Aristote s’appliquait parfaitement à Far Cry 3, un bon FPS, très agréable à jouer et marqué par Vaas, un charismatique et déjanté pirate des îles. Si le jeu n’était pas exempt de défaut, il offrait beaucoup de possibilités au joueur pour faire ce qu’il souhaite dans un monde ouvert permettant des approches diverses et variées. Le tout était tenu par un scénario volontairement décalé et comportant divers clichés sur les FPS. Son méchant principal, Vaas, a grandement participé au succès du jeu et les joueurs attendaient avec une certaine impatience de retrouver un nouveau terrain de jeu, puisque c’est ce qu’est devenu Far Cry, diront certains détracteurs. Pour ces derniers, Ubisoft a tué la licence dès le second opus qui était, il faut le dire, plutôt pénible avec la gestion hasardeuse des maladies, ce qui a plombé le gameplay. Toutefois, il n’est pas forcément plus logique de penser que Crytek aurait fait mieux, il suffit de voir la série Crysis, qui fait l’éloge du graphisme léché mais ne propose rien de bien original dans son contenu.


Ubisoft persévère et, fidèle à sa réputation, dévoile Far Cry 4 via un leak bien orchestré. Au revoir l’archipel de Rook Islands et bonjour à Rykat, petite province nichée au cœur du massif de l’Himalaya, notre nouveau terrain de jeu. Plus étendue, cette zone offre une approche quelque peu différente pour le joueur, devant faire attention à la configuration des lieux, aux pans de montagnes très escarpés ou encore aux endroits assez reculés pouvant rapidement prendre le joueur au piège. Avec une superficie légèrement plus grande que dans le troisième volet, l’aire de jeu promet de bons moments, offrant davantage de verticalité et ajoutant des éléments de gameplay pour des approches différentes.



Un Kyrat au riz, amas



Le joueur incarne Ajay Ghale, exilé américain qui revient dans la province de Kyrat pour y disperser les cendres de sa mère, selon son dernier souhait. Tout ne va évidemment pas se dérouler comme prévu, Ajay va faire la rencontre de Pagan Min, ancienne connaissance de sa défunte mère et accessoirement roi tyrannique auto proclamé de Kyrat. Ce dernier l’invite à sa table pour un déjeuner un peu à part et laisse Ajay seul quelques instants, le temps de répondre au téléphone. Le moment est venu pour notre héros de fuir, l’urne dans les bras, de cet endroit de cinglé. Il existe cependant une fin alternative dès le début du jeu, en attendant tout simplement le retour de Pagan Min. On vous laisse le soin de la découvrir. Les premiers instants dans Far Cry 4 posent les bases du scénario et ne s’avèrent pas du tout frustrant. On comprend que toute la région est tenue par l’armée royale de Pagan Min, qui doit faire face à la résistance du Sentier d’Or, ce groupe combattant pour retrouver sa liberté. Le Sentier d’Or est dirigé par Sabal, malheureusement souvent en désaccord avec Amita, une dualité sur l’orientation du groupe assez intéressante, le joueur devant assumer son choix et prendre parti en réalisant une mission pour Sabal ou Amita. Le tout est de varier les choix (si vous le souhaitez) pour garder un équilibre au sein du Sentier d’Or.


Fondé par le père d’Ajay Ghale, il combat l’oppression par divers moyens déjà connus de Far Cry 3: en reprenant le contrôle des camps ennemis ou en sabotant les tours radio transmettant des messages de propagande à la population. Ces actions permettent de lever le voile sur la map et de faire reculer la présence ennemie dans la zone. Pour lutter contre l’armée royale, Far Cry 4 ajoute deux nouveaux éléments: l’assaut d’une forteresse dirigée par un sous-fifre de Pagan Min, idéal à faire en coopération, même si cela reste assez facile en solo à condition de bien explorer les lieux. L’autre élément instaure la notion de Karma, un aspect utile et non négligeable pour gérer les troupes du Sentier d’Or. Cela se traduit par divers événements notifiés en jeu, comme la préparation d’une embuscade, une attaque ennemie ou un otage emmené par soldat. Ces actions demandent en général un massacre pur et dur, de la troupe qui prépare son mauvais coup, du coup de main pour ses partenaires en difficulté ou en libérant l’otage en tuant son escorte. Accomplir ces actions permet de gagner du Karma, utile pour appeler du renfort, notamment. Vos alliés peuvent également faire diversion lors de l’attaque d’une tour radio, vous permettant de passer sur le flanc et d’escalader la bâtisse en toute tranquillité, vous laissant parfois un dernier ennemi à neutraliser.



Ajay de sept mètres



Far Cry 4 propose donc une large diversité dans son gameplay, toutefois un peu atténué par une difficulté peu élevée, même au niveau « Normal ». Assumant les incohérences et son côté accessible aux amateurs du genre, le jeu se joue sans trop de difficultés, à condition bien sûr de faire preuve de prudence. Foncer tête baissée ne garantit pas forcément la succès d’une mission, puisqu’il y a toujours la possibilité d’emprunter un itinéraire bis. Petite expérience personnelle : la première forteresse attaquée se présentait un peu comme Fort-le-cor, la forteresse imprenable du Gouffre de Helm dans le Seigneur des Anneaux. Configuration similaire, début du jeu, donc peu d’armes puissantes et une totale méconnaissance des lieux. Par talkie-walkie, Amita nous prévient de la dangerosité d’une telle attaque, l’ennemi étant encore très peu affaibli.


Toutefois, cette forteresse présente une faiblesse de taille, creusée directement dans la montagne. En contournant les lieux et après un peu de grimpette, on trouve un point d’ancrage pour y loger son grappin et escalader. Tout à fait, un grappin, que l’on trouve rapidement au début du jeu, qui sert donc à escalader de grandes parois rocheuses pour atteindre des coins assez retranchés. Très simple à utiliser, pour descendre ou monter, cet ajout bien trouvé correspond à la configuration des lieux en offrant une alternative intéressante. Pour revenir à la forteresse officiellement imprenable, il a fallu la contourner, et se hisser assez haut pour remarquer un trou béant dans la roche menant directement au cœur de la bâtisse. Une descente en rappel intelligente a permis de se faufiler pour ensuite se cacher derrière une caisse et observer les lieux. Quelques secondes suffisent pour identifier l’opposition armée dans la pièce, à savoir deux soldats patrouillant et deux pécores à la machette près du foyer central. Les ennemis identifiés sont marqués et donc visibles à travers les murs, comme si ce n’était déjà pas assez facile de pénétrer l’enceinte. Un peu de discrétion, quatre flèches envoyées rapidement et voilà la salle vidée. N’en revenant pas d’une telle facilité, il ne restait plus qu’à nettoyer la cour et le mur d’enceinte de la forteresse pour la passer sous pavillon allié. Constat alarmant, les soldats devaient être en balade, l’opposition s’est résumée à trois gardes, chacun ayant reçu sa flèche et basta. Une forteresse prise trop facilement, des ennemis avec une IA encore très limitée, mais qui visent tout de même mieux. La nuance avec d’autres FPS dans Far Cry est qu’il faut tenir compte de la faune aux alentours. On se retrouve assez régulièrement dans des combats entre l’armée, le Sentier d’Or et quelques tigres fous furieux. Un joli carnage.



Kyrat, le coach



Cette facilité change un peu au fur et à mesure de l’avancée dans le jeu pour proposer un challenge plus relevé, notamment dans la chasse de certaines bêtes et avec des postes de garde et forteresses mieux gardés. On retrouve cet aspect chasse et dépeçage d’animaux permettant d’upgrader son matériel, comme par exemple des holsters d’arme supplémentaire, un carquois plus grand, un portefeuille plus gros ou des emplacements pour porter plus de couteaux, de grenades, ou de munitions. Du supplément non obligatoire mais fortement conseillé, au moins pour la partie holster, le sac à butin et le portefeuille. Kyrat est peuplé de babioles et de choses à ramasser sur les corps ennemis, sur les bêtes ou parfois même en pleine nature. Toutes ces choses remplissent le sac, les objets inutiles vendus font de la place mais en prennent dans le portefeuille, argent qu’on dépense ensuite dans les armes (même si beaucoup sont trouvées ou débloquées), dans les plans des coffres, masques ou affiches de Pagan Min à retirer, ou dans le gilet pare-balles. On se retrouve ainsi à jongler entre le loot, la vente et l’achat assez souvent, si bien qu’on finit par ne plus fouiller certains corps.


Plus encore que dans Far Cry 3, Ubisoft a rempli son jeu de choses à faire si bien que les adeptes du 100% vont devoir s’arracher les cheveux pour tout voir, tout prendre, tout tuer. Postes à libérer, forteresses, chasse, loot, masque mystiques à trouver, monde parallèle à découvrir (on vous laisse la surprise), livraison de matériel, attaques de convois de l’armée, courses contre la montre, en coop comme en solo, le contenu est gigantesque, tout comme la carte, qui ne donne pas d’impression de cloisonnement au milieu des montagnes et interroge même le joueur sur ses limites. Les hauts sommets que le joueur peut apercevoir depuis le village Banapur au début du jeu semblent être la limite de la zone de jeu mais on se rend compte en explorant et en regardant la carte qu’il ne s’agit que du début de la seconde moitié de Kyrat! Les explorateurs en auront pour leur argent et pourront savourer pleinement Far Cry 4, qui doit d’ailleurs se jouer de cette manière. Vouloir torcher la campagne et ne libérer que quelques postes obligatoires pour avancer n’est pas réellement amusant. Le vrai plaisir de jeu, il provient de la liberté d’action, permettant au joueur de découvrir telle zone comme il le désire, de partir à l’assaut de tel fort même s’il est finalement très reculé et donc en plein terrain ennemi.



Pagan Min, antipersonnel



Le gameplay souple et accessible de Far Cry 4 n’en fait pas non plus un FPS de bas niveau. A vrai dire, les gunfights sont plutôt nerveux et intenses par moment, la discrétion nécessite une véritable observation des lieux même si l’on peut se sortir assez aisément d’une situation mal engagée. Le choix des armes est très large, on retrouve les classiques du genre, personnalisables pour la plupart (silencieux, viseur, chargeur plus grand) ainsi que des armes spéciales originales. Le système d’expérience permet d’améliorer ses compétences, pour se fabriquer ses propres seringues de boost ou de résistance, d’affiner sa discrétion, d’augmenter sa santé, etc. Réparties sur deux catégories, celle du tigre et de l’éléphant, ces compétences peu nombreuses sont rapidement acquises. Si les premiers instants dans Far Cry 4 sont synonymes de léger tâtonnement, à l’instar du héros qui découvre un univers qui lui est inconnu, on s’adapte rapidement à cette ambiance et on finit par déambuler et foncer en quad sur des animaux sans le moindre doute.


C’est sur ce point que Far Cry 4 se différencie clairement de sa concurrence, par ce grain de folie. Jouez comme il vous semble, Kyrat est un grand terrain d’amusement permanent, si vous le souhaitez. Comment tuer un rhinocéros ? L’arc ou le pistolet ne feront que peu d’effet. Privilégiez le camion, foncez lui dedans à toute allure et finissez-le à la mitrailleuse, c’est plus sûr. Partir à l’assaut d’une forteresse peut se dérouler de plusieurs manières. La manière douce citée plus haut dans cet article peut laisser place à une arrivée explosive, en ouvrant la porte à la grenade puis en cramant tout le monde au lance-flammes. Ça marche aussi. Vous pouvez également monter un éléphant et foncer nettoyer l’intérieur de la base en écrasant tout sur votre passage. Terriblement fun. De manière plus vicieuse, vous pouvez libérer le tigre en cage en tirant au silencieux sur la porte de sa cage et regarder le spectacle. En dehors de ces moments, la folie peut s’emparer de vous à tout moment, comme lorsque vous roulez en camion, apercevez une patrouille de l’armée et décidez de leur envoyer le véhicule après avoir sauté de celui-ci. Pour finir le boulot, une grenade qui fera exploser le camion et un cocktail molotov qui brûlera les derniers survivants. Far Cry 4 s’adapte à votre humeur du moment, que vous ayez envie de finesse ou de tout péter.


Tout cela est également permis par une qualité technique quasi exemplaire, offrant une fluidité de tous les instants, des temps de chargement corrects, peu de bugs constatés, bref, une vraie optimisation sur PC. Graphiquement, un léger pas en avant a été effectué depuis le précédent volet, offrant un jeu coloré mais pas criard, pour un rendu global de Kyrat assez bluffant, surtout de jour. On pourrait se permettre de chipoter un peu sur certains passages, notamment dans les hauteurs de l’Himalaya, exigeant de la discrétion et de la rapidité tout en subissant les caprices de la météo et donc du blizzard. Le joueur amateur de réalisme risque de passer un mauvais moment, lorsqu’il pourra tuer des ennemis, vent de face, simplement en tirant à l’arc, la flèche n’étant ni ralentie ni même déviée… Ces petits détails gâchent un peu l’instant mais s’oublient grâce à l’ambiance et au côté agréable du soft.


Far Cry 4 est au final exactement comme on l’attendait, avec ses qualités et ses défauts. Très bonne durée de vie, plein de choses à faire, un univers très prenant, un Kyrat vivant et une capacité de laisser libre cours à ses envies les plus folles assez intéressante. Toutefois, le méchant Pagan Min ne vaut pas le cinglé Vaas et le scénario principal passe rapidement au second plan pour laisser place aux problèmes internes du Sentier d’Or et à son développement. Agréable en coopératif comme en solo, Far Cry 4 se savoure, ne se prend pas au sérieux et plaira à beaucoup de joueurs.

RobinBeaugendre
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le 16 juin 2016

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Robin Masters

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