Final Fantasy XV
6.5
Final Fantasy XV

Jeu de Square Enix et Hexa Drive (2016PlayStation 4)

Le 29 novembre 2016 est venu mettre fin à une attente longue de près de 10 ans. Quelle attente ? Celle d'un jeu qui porte le titre d'une des sagas du JRPG les plus brillantes de la galaxie vidéoludique : Final Fantasy. Le quinzième du nom se dévoile donc à nous après un dur labeur de Tabata et de ses équipes, et c'est avec l'espoir de retrouver une aventure d'un génie semblable à ce qui avait été accompli jadis que nous attaquons le périple prometteur. Malheureusement, on sait depuis Sénèque que celui qui ne sait pas où il va n'aura pas de vents favorables, et Final Fantasy XV semble aussi perdu qu'un âne dans un poulailler.


Un monde qui brille de 1000 rien


Le premier changement dans l'orientation de la saga, c'est le grand saut dans la modernité du monde ouvert. L'histoire de Final Fantasy XV prend place dans le monde de Eos, une terre ravagée par le conflit entre deux Empires et un prince en fuite vers un destin qui prend la tournure d'une quête initiatique aux milles dangers. Il faut d'abord souligner que les panoramas qui s'offrent à nous sont plaisants à regarder : le dernier né de Square-Enix se veut plus réaliste, plus "fantasy based on reality" et déployant un univers très proche de notre réalité terrestre, jonché de régions aux accents Etats-Uniens dont les plaines et plateaux rappellent fortement la région du Nevada. On pourrait lui objecter qu'à trop vouloir faire dans le réaliste, le jeu prend le risque de s'appérenter plus à un clone d'un GTA qu'un titre censé dévolopper un univers fantaisiste : mais il n'en n'est rien, puisque le monde ouvert de Final Fantasy XV ne propose de toute façon rien.


Rien, sauf à considérer que visiter des stations services et faire le tour de gros cailloux à quelque chose d'exaltant, car en dehors des villes c'est grossomodo la seule chose que vous aurez à voir : Eos semble en effet vide de subtance et d'âme et oscille entre le passable et le franchement raté. La faute à des environnements trop plats, trop vides, et des passages secrets ou assimilés qui ne récompenseront jamais réellement votre curiosité, pas même pour un simple plaisir des yeux. Reste quelques exceptions intéressantes, notamment lors du passage dans la troisième région, où le grand lac, les pins et les balades à dos de chocobos se feront le sourire aux lèvres et feront un peu oublier la médiocrité du reste de l'exploration. Soulignons aussi les quelques donjons, annexes et principaux, ayant pour finalité l'obtention d'armes spectrales, arsenal indispensable pour mener à bien votre mission royale, mais là encore rien de très concluant : le level-design se veut quelconque, entre grandes zones très carrés inter-connectées par des couloirs qui n'en finissent pas.


Reste alors les villes, comme mentionné précédemment. La découverte d'une nouvelle ville dans un Final Fantasy ou dans un RPG de manière plus ample est généralement un moment d'exaltation; une ville est par définition pleine de promesses pour un jeu du genre, entre pléthore de quêtes annexes, avancement dans le scénario, temps de répis et d'immersion dans une architecture nouvelle. Ca ne sera pas le cas pour le quinzième du nom. Le jeu ne comporte que deux villes dignes de ce nom : Lestallum et Altissia. A noter que cette dernière n'arrivera qu'après une bonne vingtaine d'heures (dix, si vous vous contentez de suivre la quête principale) et qu'elle permet au jeu de ne pas avoir honte de sa direction artistique; la ville est en effet semblable à celle de Venise, entre gondoles, climat méditéranéen et animations nocturnes de très bonnes factures. En revanche, l'ambiance générale des deux villes est à déplorer : les PNJ ont l'air aussi inspirés que Guy Carlier devant une salade d'endives et, mise à part la quête principale et les quêtes annexes, rien ne justifie de s'attarder plus que de raison dans ces villes finalement assez proches d'un MMORPG lambda de 2008.


L'aventure avec un grand tas de flageolets


Du MMORPG, FFXV n'a pas que la structure de ses villes, mais aussi sa narration et l'indigence (voir l'incohérence) de ses quêtes annexes. Un mot d'abord sur le scénario, point capital pour beaucoup de rôliste avide de twists et de révélations. Un seul élèment sauve à mon sens l'histoire de FFXV : le chancelier Ardyn, subtile mélange entre la folie d'un Kefka et le machiavélisme habile d'un Vayne, il est celui par lequel repose in fine l'ensemble de l'intrigue. Pour le reste, on retrouve les poncifs classiques du JRPG, et, sans qu'ils soient déplaisants, ils sont toutefois très mal racontés avec des chapitres tantôt trop vite expédiés, à grand coup d'ellipses qui ont autant de sens que la table périodique des élèments dans la chambre de Frank Ribéry. Pour la faire courte : des personnages disparaissent parfois et reviennent sans que la narration prenne le temps de poser le pourquoi du comment. Beaucoup décriée, c'est à mon sens la seconde partie qui offre quelque chose de beaucoup plus abouti avec une belle tention narrative de l'arrivée à la fameuse ville d'Altissia jusqu'au dénouement final. Toutefois, l'incompréhensible chapitre 13 viendra en parti saboter et tourner en ridicule ce qui avait pu être amorcer quelques chapitres avant, vous laissant une seule question en tête "Pourquoi avoir fait ça ?"


Mais le diable est dans les détails, et c'est dans les quêtes annexes qu'il s'épanouira comme une grenouille de bénitier. Même avec toute la meilleure volonté du monde, il est bien difficile de ne pas être consterné par ce qu'on vous propose de faire. Déconnectées du lore car pour la plupart absurdes, elles consisteront à diverses tâches "fedex" comme il est coutume de dire, avec la recherche de grenouilles proche d'un étang pour le compte d'une scientifique qui semble aussi dubitative que vous sur la crédibilité du scénario, chercher des plaques de soldats morts au combat dans une zone prédéfinie qu'il faudra passer au peigne fin que vous ferez avec Google, ou encore l'incompréhensible recherche de cargaison de flageolets qui a l'audace de se prendre très au sérieux. Le tout se fait sans le moindre enrobage narratif, de manière totalement décousue et laisse très fortement le sentiment qu'elles sont là parce qu'elles devaient être là, pour justifier l'Open World et ses recoins à meubler. On trouvera aussi les paresseuses missions de chasse, sur le modèle une cible, une localisation, un combat, une prime et de l'expérience de rang de chasse, permettant d'affronter des ennemis toujours plus puissants, pour un bestiaire plutôt inspiré, riche et varié réellement plaisant à affronter.


Un système de combat qui fait le travail, mais qui manque cruellement de finitions


Pour l'essentiel, Final Fantasy XV reprend le système de Kingdom Hearts, c'est à dire celui d'un ARPG qui se joue en temps réel, sans transitions. Les combats s'enchaînent formidablement bien, et de manière plutôt jouissive, avec la possibilité de se téléporter d'un monstre à l'autre avec la fameuse attaque éclipse mise en lumière dans le film prologue Kingsglaive. A cette fluidité s'ajoute le dynamisme du quator et sa bonne synergie, pour une expérience de groupe jamais atteinte dans un Final Fantasy et probablement dans un JRPG. Les nuits au campement, passage obligé pour bénéficier de l'expérience accumulée, renforcent ce sentiment de complétude avec le groupe et accentuent le sentiment agréable d'un bon road trip entre amis.


Mais comme tous les malheurs du monde ont décidés de s'abattre sur l'oeuvre de Tabata, le système de combat est couvert de quelques salissures : on peut déplorer d'abord le fait qu'il suffit de rester appuyer sur la touche rond pour faire l'ensemble des attaques, et que les combos se feront automatiquement, avec néanmoins la possibilité de changer d'arme à la volée en les assignants préalablement dans l'un des quatre slots possibles. Plus grave, le "système" de magie qui se résume à récolter des essences sur l'Open World pour confectionner ses propres sortilèges. S'équipant comme les armes, elles prendront donc un précieux slot pour une efficacité toute relative et nécessitant de retourner farmer les essences une fois le stock épuisé. Peu ergonomique, tant dans leur confection que dans leur utilisation, les magies deviendront vite secondaires, au contraire des habitudes de la série. Enfin, les invocations. Bien que visuellement spectaculaires, elles ne s'offriront à vos yeux que sous certaines conditions encore difficiles à déterminer, et uniquement dans certains lieux. Pour ces raisons, elles sont donc très aléatoires, et en plus de 100 heures de jeu, il ne m'a été donné l'occasion de voir uniquement les spectaculaires Ramuh et Titan, donnant le sentiment un cours instant que FFXV aurait pu être un grand jeu.


Pour lui trouver un intérêt et prendre un peu de plaisir sur Final Fantasy XV, il faudra faire l'effort d'oublier qu'il s'agit d'un Final Fantasy, et le considérer comme un JRPG un peu lambda qui fait deux ou trois choses très bien, comme offrir un système de combat de bonne facture, offrir quelques paysages sympas dans un Open World qui artistiquement n'est pas en deça de la concurence, ou proposer un méchant charismatique comme il en a manqué trop souvent ces derniers temps de le JRPG. Mais si vous n'êtes pas contortioniste et que vous prenez les choses telles qu'elles sont, alors Final Fantasy XV est sans doute l'expérience Final Fantasy la plus décevante et la plus déconcertante de l'histoire de la saga. La faute sans l'ombre d'un doute à son développemment chaotique, mais aussi, peut-être, d'avoir cèder au péché capital de la modernité, en proposant une expérience qui se calque trop sur les attentes occidentales. Pour le XVI, et si on faisait un Final Fantasy ?

Aelphasy
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le 16 déc. 2017

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