Récemment, j'ai eu accès à une Xbox 360. L'occasion pour le joueur Sony que je suis d'enfin découvrir les quelques exclusivités made in Microsoft sur lesquelles je n'avais jamais pu mettre la main. Deux licences en particulier me faisaient de l'œil depuis quelques temps : les sagas Halo et Gears of War. Ayant eu la chance de dégoter le premier opus de cette dernière pour pas grand chose, je me suis donc lancé à l'assaut de la planète Sera.


Faisant abstraction de tout avis ou ressentiment que je pourrais avoir sur le titre, je pense que l'on peut qualifier Gears of War de classique de sa génération. Sorti en 2006, un an après le lancement de la 360, le jeu a été développé par Epic Games, studio qu'il ne me semble pas nécessaire de présenter en cette année 2019. Si Gears a marqué les esprits, c'est avant tout par son utilisation de l'Unreal Engine 3, moteur propre à Epic Games, ainsi que par les apports qu'il a fait naître chez le genre du TPS (popularisé par Resident Evil 4 un an avant). Bref, Gears a posé les bases de ce qui allait devenir l'un des styles de jeu les plus appréciés de la génération à venir.


L'intrigue se déroule sur la planète Sera, colonisé par les humains durant leur expansion spatiale. Mais leur arrivée à provoquée un conflit avec une race extraterrestre, les locustes, sortes de trucs humanoïdes moches vivant dans un réseau de galeries sous la planète. Gears of War débute alors que notre personnage, un ancien soldat du nom de Marcus Fenix, est sorti de sa cellule de prison par un vieux potes d'armes. Pourquoi avait-il été enfermé ici pendant tant d'années ? Et bien vous n'en saurez rien, du moins, pas dans cet opus. Mais voilà, les troupes humaines vont mal et sont au bord de l'extinction. Il faut un homme pour sauver la situation : vous. Ainsi, votre mission sera d'atteindre une usine désaffecté pour entrer dans les tunnels locustes et y placer un appareil qui servira à cartographier le réseaux de tunnels. Inutile de tirer sur l'ambulance, on sait très bien que Gears n'est pas la pour nous vendre du grand scénario. D'un autre côté, on sait aussi très bien que l'on est pas la pour voir du grand scénario. Mais je considère que, lorsque l'on fait l’effort de poser un univers et de narrer un semblant d'histoire au joueur, on le fait jusqu'au bout. Gears of War manque CLAIREMENT de contextualisation. Prenez par exemple la saga Killzone, concurrente directe de Gears par bien des aspects. On sait qu'on incarne les humains de l'ISA, qu'on affronte les salopards d'Helghast et que le tout se déroule sur la planète Helghan. Le jeu ne brille pas par son scénario mais pose un contexte clair et défini, se permettant même parfois de proposer une petite réflexion sur le conflit auquel le joueur participe. Tout cela participe à donner du volume et une cohérence à l'univers du jeu.


Dans Gears of War, à aucun moment on prend le temps d’expliquer au joueur où il est, qui il affronte, qui l'accompagne... Pour tout vous dire, j'ai cru pendant tout le jeu qu'on était sur terre et non pas sur une planète étrangère. On nous donne le nom de l'antagoniste principal uniquement à la fin du jeu (dans un marqueur d'objectif qui plus est), alors qu'on le croise au moins 3-4 fois durant l'intrigue. On visite des zones qui semblent chargées d'histoire (Palais des Souverains en tête) mais on se contente de les traverser en tirant sur des aliens. On nous fait comprendre que le monde à été bouleversé par un grand événement (« Le jour de l’émergence ») mais on ne nous explique jamais vraiment de quoi il s'agit ne serait-ce que par des indices pour comprendre par nous-mêmes. Les membres de notre escouade se ressemblent tous (mais tout le monde se ressemble dans Gears). Marcus, personnage principal, n'est d'ailleurs pas beaucoup plus développé. Alors oui, le jeu tente bien de nous présenter quelques bouts de l'univers au travers des (rares) dialogues entre membres de l’escouade mais c'est clairement insuffisant. La fin très ouverte et les nombreuses suites laissent également présager que tous ces aspects seront abordés plus tard mais je trouve ça complètement absurde de ne donner aucune clé de compréhension dès le premier opus. Je pense que le pire étant lorsque, dans l'Acte IV...


On est envoyé récupérer des données dans la maison du papa de Marcus. Maison dans laquelle, on le suppose, le héros a grandi et vécu pendant plusieurs années. Pourtant, aucune remarque de Marcus durant ce passage. Aucune évocation de son passé, son père, au fait qu'il connaisse l'endroit... Non, les héros se contentent de traverser cette zone comme ils le feraient avec n'importe quel autre couloir en tirant sur tout ce qui bouge. On ne saura d'ailleurs rien du tout sur le père de Marcus y compris les raisons pour lesquelles il était en possession de ces fameuses données. J'ai clairement eu l'impression que le jeu se foutait de ma tronche durant ce chapitre.


Bon, passons à la question graphique. Question épineuse encore une fois car si je veux bien croire que le jeu ai pu mettre sur le cul en 2006, c'est beaucoup moins vrai aujourd'hui. On sent vraiment que deux générations de consoles sont passés par la entre temps. Les environnements se limitent très souvent à des bâtiments en ruine faits de textures grisâtres, de papiers peints en .jpeg moches et avec pour seule décoration la même commode vintage derrière laquelle on pourra se couvrir. Les explosions des grenades sont aussi très moches. Au niveau du chara design c'est pas beaucoup mieux. Les humains (enfin, les quatre membres de l'escouade) se ressemblent tous avec la même armure en forme de frigo, leurs bibis saillants et leur mâchoire carré de bonhommes pleins de testostérone. Par contre, tout n'est pas à jeter pour autant. Le design des armes est vraiment cool (mention spéciale à la mitraillette-tronçonneuse) et certaines phases se démarquent vraiment comme cette fin de jeu ou l'on doit remonter un train en marche sur fond de soleil couchant. En 2006, Gears était sûrement très beau car à la pointe de la technologie. Mais le jeu n'avait aucune DA à côté pour le porter, il était juste très beau techniquement. Quinze ans après, avec les progrès techniques, le jeu en devient alors assez vieillot et perd d'une grande partie de son charme. Je sous-ligne néanmoins que la version Remastered a vraiment remis le jeu au goût du jour graphiquement. On peut se demander pour combien de temps, cette version risquant de subir le même sort que la version 360 d'ici dix ans (à moins qu'on nous ressorte une Gears of Wars : Ultimate Collection Edition).


Mais venons en à ce qui nous intéresse vraiment : Le gameplay. Gears of War est-il fun ? Oui, il l'est mais pas la où je l'attendais. Vu la gueule du jeu, je me voyais déjà courir au milieu du champ de bataille, enchaînant gros coup de tronçonneuse suivis d'éliminations successives au shoot-gun avant de faire une roulade arrière pour achever les survivants à distance à coup de mitrailleuse. Sauf que, in game, ça marche absolument pas comme ça. A ma grande surprise, Gears of Wars est extrêmement exigeant. En normal, rester plus de cinq secondes à découvert implique bien souvent la mort sans aucune autre forme de procès. Les ennemis sont assez résistants, il faut généralement leur vider un bon gros chargeur dans le torse pour en venir à bout. Et puis, le système de recharge est très particulier. Ici, il ne s'agira pas juste d'appuyer sur une touche mais de réussir un mini-jeu qui vous demandera de recharger au bon moment. Si vous réussissez, le rechargement est automatique et votre puissance de tir est décuplé. Si vous ratez, votre armé s'enraille et le rechargement prend bien 4-5 secondes. Bien sûr, tout ça n'a pas manqué de me faire pester pendant le premier chapitre. Face à ces contraintes, on est obligés de rester quasiment tout le temps à couvert, de choisir le bon moment pour recharger et la prise de risque est très facilement sanctionné. Le jeu dynamique et rapide que j'attendais était bien loin... Et pourtant, j'ai fini par accepter Gears comme ce qu'il était vraiment : un jeu lent, technique et exigeant. Votre réussite va se jouer sur des aspects bien différents de d'habitude. Le choix de votre planque par exemple : les ennemis ont la fâcheuse habitude de vous contourner et il faudra faire en sorte de vous positionner de sorte à éviter cela. Heureusement, le level design est très bien foutu à ce niveau là et vous laisse souvent plusieurs formes d'approche (prendre petit à petit du terrain sur l'ennemi, le contourner furtivement, l'attendre dans un coin et le tenir à distance...). Le rechargement, pourtant bien chiant au début, s'incorpore très bien dans ce gameplay technique. Il n'est plus qu'une simple pression de bouton mais fait vraiment parti de l'action. Recharger en plein cœur d'un gunfight, ça veut dire laisser à l'ennemi le temps de s'approcher ou de se planquer. C'est sûrement l'un des éléments de Game Design les plus réussis du jeu et je pense que je n'ai jamais vu un TPS/FPS aussi bien incorporer la notion de rechargement au sein de son gameplay. On peut aussi parler des armes, peu nombreuses mais très différenciés et toutes très sympas à manier. L’arbalète par exemple, est sûrement l'arme la plus fun du jeu lorsqu'on apprend à l'utiliser. Le joueur est limité à deux armes (+ un petit pistolet de base) et je regrette un peu que le duo shoot-gun/mitrailleuse soit autant favorisé.


L'escouade qui nous accompagne est aussi un peu trop mise en retrait. On a la possibilité de leur donner des ordres, mais ils sont beaucoup trop sommaires comme pour être utiles (Attaquez, Défendez, Regroupez-vous). De toute façon l'IA fait n'importe quoi et vous verrez souvent vos potes quitter leur couverture pour aller affronter au CAC deux ennemis armés de lance grenades. Autre cas fréquent, l'IA qui reste planté dans un couloir et qui décide de ne plus vous suivre (voir de faire rebrousse chemin). Dans ces cas la, une seule solution, se mettre derrière eux et leur donner des coups de crosse jusqu'à ce qu'ils se réorientent dans le bon sens. Pour palier à ce problème, l'aventure est faisable intégralement en coopération (locale ou online). Ayant fait le jeu tout seul, je ne pourrais pas beaucoup parler de cette option mais je salue tout de même l'initiative. Si le gameplay s'en sort donc relativement bien (avec des hauts et des bas) la progression est quant à elle assez répétitive se résumant à : Arriver dans un couloir, nettoyer le couloir, arriver dans une salle, nettoyer la salle, arriver dans un couloir... Bref, vous avez compris. Sur les douze heures de jeu que propose la campagne solo, vous passerez la plupart de votre temps à faire en boucle les mêmes gunfights. Certes, le jeu tente bien de casser ce cercle de progression en incorporant quelques phases un peu différentes comme une ballade en voiture ou une phase de rail shooter en chariot. Tous ces petits ajouts, bien que sympathiques, ne parviennent pas à élever le rythme de l'aventure qui reste malgré tout assez monotone et répétitive, surtout vers la fin. La progression s’effectuant tout le temps dans les mêmes types d'environnements n'aide pas vraiment non plus.


Malgré son statut de jeu culte, ce premier Gears of War me laisse un arrière goût de raté dans la bouche. Certes, je me suis amusé dessus et les combats étaient relativement bien fichus. Mais de l'autre côté, le jeu souffre de beaucoup trop de défauts, le coinçant au stade de « TPS sympatoche ». Avec le recul, je pense que Gears of War souffre d'une maladie commune à beaucoup de jeux dis « précurseurs » : celle d'avoir posé les bases de son genre. Car si, en 2006, le jeu a pu être terriblement original, cela n'est absolument plus le cas 13 ans après. Tellement de jeux ont suivis et apportés leur pierre à l'édifice du TPS que Gears en a perdu toute son originalité. Personnellement, après avoir joué à des titres tels que Uncharted 2, The Last of Us, Red Dead Redemption ou la saga Mass Effect je ne peux m’empêcher de ne voir en Gears of War qu'un jeu « moyen ». Découvrez GTA III après avoir dosé le cinquième opus et vous comprendrez où je veux en venir. Gears of War est donc un papy du jeu vidéo. Une œuvre qui a beaucoup apporté en son temps mais qui n'est plus forcement pertinente à découvrir aujourd'hui. Malgré tout, elle reste sympathique à jouer et j'ai tout de même envie de laisser une chance à ses suites. Déjà parce que j'en déduis que la saga a évolué avec son genre mais aussi parce que j'ai vraiment envie de tester ce mode « horde » dont tout le monde me parle avec tant d'amour...

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le 3 avr. 2019

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