Hitman
7.5
Hitman

Jeu de Io Interactive et Square Enix (2016PC)

L'aboutissement d'une saga et l'excellence d'un jeu aux possibilités infinies

Il y a pour ainsi dire un an jour pour jour, je jouais pour la première fois à la série de jeux "Hitman". Le premier opus avait failli me faire immédiatement abandonner la saga mais, persévérant, j'avais enchaîné sur le second opus, véritable perle pour l'époque, qui avait réussi à me séduire. (Voir par exemple ma précédente critique.) J'ai alors enchaîné directement tous les opus, un hitman contracts un peu trop fainéant à mon goût mais somme toute correct, un hitman blood money qui a vraiment réussi à s'imposer comme l'oeuvre majeure de la série et finalement un hitman absolution qui se proposait de détruire des bases solides pour reconstruire quelque chose ... de très discutable. En réalité chaque opus avait ses particularités propres, hitman 2 proposait davantage de niveaux "militaires" d'infiltration pure (la référence étant le fameux cauchemar de Rotherdam dans hitman 1), là où blood money avait vraiment porté aux nues la tradition des niveaux "hôtels" (le resto chinois ou Budapest dans hitman 1) avec déguisements à foison et planification minutieuse des assassinats via des éléments de décors nombreux et variés. Hitman Absolution, tout en conservant ces deux types de niveau, avait quand même dangereusement sacrifié le côté "assassinat" (qui est pourtant ce qui rend la saga hitman unique) pour devenir un jeu d'infiltration plus basique. Visuellement très réussi et ayant osé pousser davantage le scénario du jeu, on en était malheureusement arrivé à une narration ridicule et atterrante par sa vulgarité crasse. Pour beaucoup de fans de la première heure, traumatisé par ce hitman absolution, le nouvel opus hitman (2016) était attendu comme une sorte de messie qui allait revenir aux sources (comprenez, revenir à la forme de blood money) et qui permettrait de pardonner les erreurs du passé. Si telle était sa mission, on peut dors et déjà dire qu'elle est accomplie haut la main et toutes les critiques que l'on peut lire vont évidemment dans ce sens. Mais ce nouvel opus va, à mon avis, tellement plus loin encore qu'il serait un peu trop réducteur de simplement le qualifier de "digne successeur à blood money". Certes, c'est le cas, et on le comprend immédiatement dès que l'on s'essaie au premier niveau, mais le jeu est pourvu d'une telle richesse en terme de level-design, de gameplay, d'intelligence artificielle et, surtout, de créativité, que j'ai véritablement envie à travers cette critique d'expliquer en quoi il est devenu pour moi le parachèvement de la saga Hitman.



Des bases solides renouvelées et grandement améliorées



Comme je l'expliquais dans l'introduction, les niveaux de ce hitman sont essentiellement (à l'exception d'un seul peut-être), des niveaux de type "hôtel", c'est à dire débordants de pnjs dans tous les sens qui ont chacun leur petite vie propre : les gardes, les policiers, les cuistots, le personnel d'entretien, les VIP, etc ... Il faut donc gérer tout ce petit monde de manière cohérente et intéressante, tout en permettant des interactions riches avec le joueur. Le point crucial selon moi, et le jeu était attendu au tournant à ce niveau suite à la catastrophe d'Absolution, est donc l'intelligence artificielle des pnjs ! Je vais peut-être choquer ceux qui ont eu à redire à ce niveau mais moi je trouve qu'on a là un des meilleurs jeux qui soit en terme d'optimisation de l'IA et en tout cas, sans discussion possible, le meilleur Hitman en terme d'IA.


Dans la série, on a à peu près tout connu en terme d'IA. Dans hitman 2 par exemple, elle était tellement sensible, que le seul moyen de ne pas se faire repérer était de marcher au rythme d'une limace à côté des pnjs. C'était à un point tel que cela prenait des proportions tout bonnement ridicules par moment. Dans blood money, c'était parfois le problème inverse, on pouvait littéralement danser sur sa tête sans se faire repérer. Et pour finir dans absolution, c'était tout simplement inégal et incohérent mais régulièrement l'IA devenait extrêmement sensible, ce qui rendait le jeu d'autant plus dur qu'il nous poussait dans son concept-même à une infiltration très stricte et sans déguisement. Pour pallier à ces inégalités, Hitman (2016) introduit un nouveau concept, assez trivial au final et pourtant terriblement bien pensé : les cercles de connaissance. En effet, à présent, chaque pnj a "des connaissances" parmi les autres pnjs. Ainsi un policier, connait évidemment le visage et le nom de la plupart de ses collègues, mais ne connait pas du tout les pnjs du personnel d'entretien. De cette façon, lorsque vous ôtez le costume d'un policier (assommé au préalable de manière non léthale bien sûr !) pour le porter, vous êtes immédiatement suspect pour les pnjs qui sont dans le cercle de connaissance du-dit policier. Par contre, vous passez totalement inaperçu auprès de ceux qui ne connaissaient ni d'Eve ni d'Adam le policier en question. Quand on y réfléchit, tout ça est d'un bon sens assez inattaquable, au point tel qu'on peut s'étonner qu'il faille attendre ce sixième opus pour que l'idée soit exploitée. Certains ont pu reprocher le côté "tout est permis" auprès des gens qui ne sont pas dans le cercle de connaissance. Comprenez par là que l'on peut effectivement galoper comme un dératé et se cogner contre les murs sans être repéré si l'on se trouve au milieu de pnjs n'ayant rien à voir avec le costume que l'on porte. Mais de deux choses l'une : premièrement, il est très rare de se retrouver dans une assemblée au sein de laquelle personne ne connait le pnj auquel on a volé le vêtement, autrement dit on a toujours un risque permanent d'être suspecté. D'autre part, il ne faut pas demander à une IA quelque chose qu'elle est (pour le moment) incapable de fournir, à savoir un réalisme absolu.


Je prends un autre exemple à ce niveau, qui pourrait en effet faire croire que l'IA est mauvaise. Je devais tuer un chef, protégé par un garde du corps. Déguisé en serveur, je prépare un cocktail que j'empoisonne avec un vomitif. (Pas de poison léthal disponible à ce moment-là) Le chef fonce au toilette vomir et son garde du corps surveille la porte des toilettes. Et là, sans aucun problèmes, je peux rentrer dans les toilettes (le garde ne me connait pas, donc ne me suspecte pas), noyer le chef dans la cuvette des WCs et resortir tranquilou sans être inquiété. Mais d'une part, ceci est pratiquement le seul exemple aberrant que j'ai trouvé sur un jeu dont la durée de vie se chiffre en plusieurs centaine d'heures, et d'autre part, si vous refaites blood money, vous verrez que les aberrations du genre étaient légion. Plutôt que de se concentrer sur des problèmes véniels très occasionnels (un pnj qui nous repère à travers un mur, etc ...), je pense qu'il faut analyser globalement le jeu et admettre qu'il est tout simplement très au dessus de la moyenne actuelle en terme d'IA. Je ne me suis pratiquement jamais retrouvé dans une situation où je pensais pouvoir exploiter une faiblesse de l'IA pour faire des choses compliquées de manière très facile. (Bien sûr, certains youtubers le font, mais eux ils ont décortiqué le jeu de manière anatomique, ce ne sont plus des joueurs lambdas donc ils ne comptent pas selon moi. ) Mieux, chaque pnj a sa propre petite vie avec son "routing" habituel, mais il arrive parfois que ce routing change de manière aléatoire, rendant la situation imprévisible et exigeant de nous des facultés d'adaptation digne d'un grand assassin ! En réalité, ce facteur aléatoire est très peu présent et la plupart des pnjs auront un train de vie qui ne changera pas beaucoup, mais j'ai été très agréablement surpris de voir à plusieurs moments un pnj changer son mode opératoire en réponse logique à mes propres actions. On pointe du doigt les situations ridicules occasionnelles, mais on oublie de rappeler que 95% du temps, le jeu réagit avec une logique imparable et une très grande pertinence à toutes nos actions. En ce sens, ce hitman a totalement dépassé ses prédécesseurs.


Laissons de côté l'IA pour parler du gameplay en lui-même. La base reste la même que dans blood money, il y a des cibles à tuer et le jeu nous invite cordialement à ne faire aucune victime collatérale et à ne jamais se faire repérer. (Je reviendra un peu plus tard sur le titre honorifique du silent assassin) Pour cela, on peut étourdir les pnjs pour leur voler leur costume et cacher leur corps dans des frigos ou des armoires afin que ceux-ci ne soient pas trouvés par leurs collègues. Une fois cela fait, on peut parcourir plus en détail les niveaux gigantesques pour essayer de détecter des opportunités. Par opportunité, j'entends une discussion révélant une faille logistique permettant par exemple de créer un accident autour de la victime. (Un lustre mal fixé, un baril de pétrole qui a percé, un rendez-vous qui permettra d'isoler la cible pour la faire tomber dans le fleuve, etc ...) Bref rien de nouveau sous le soleil, il s'agit de la recette classique d'hitman (du moins jusqu'à blood money.) Il est néanmoins important de préciser les nouveautés du jeu qui rendent ce gameplay traditionnel beaucoup plus fluide et agréable, tout en conservant un très bon niveau de difficulté. Premièrement, on peut étourdir les ennemis "à la main", sans nécessairement avoir besoin de seringues tranquillisantes. Il est donc permis de littéralement "nettoyer" une map, en attirant les pnjs un par un et en les étourdissant tous à la chaîne, créant ainsi une montagne de corps superposés dans le coma. Bien sûr, c'est dans la pratique très difficile à faire, mais j'ai vraiment apprécié que le jeu laisse cette possibilité au joueur. En effet, même si je joue toujours à hitman en assassin silencieux, j'aime l'idée que le monde soit au courant qu'un voile mortel invincible passe au dessus de leur tête, et quoi de mieux pour ça que de retrouver une montagne de gens étendus dans une pièce qui sont incapables de dire qui les a agressé. (Et sans avoir besoin de les tuer !) Deuxièmement, les capacités de distraction ont augmenté, on peut toujours lancer des piécettes, ce qui est fort pratique, mais les armes laissées à terre détourneront également l'attention des gardes qui les prendront pour aller les déposer dans des armureries avoisinantes. (Ces armureries sont souvent des points stratégiques clés) Enfin, le jeu déborde dans son level design de moyens de distraire et d'isoler des pnjs, couper l'électricité, allumer la radio, briser une vitre, etc ... Des choses déjà présentes dans blood money mais qui sont cette fois-ci décuplées et disséminées de manière réellement intelligente, poussant le joueur à la découverte et à la réflexion. Le gameplay a désormais une flexibilité tellement grande, qu'on peut apporter toutes les nuances que l'on souhaite dans notre manière d'incarner l'assassin silencieux. On n'a plus simplement à choisir entre "gros bourrin" ou "fantôme total", on peut à présent totalement paramétrer "le niveau de propreté" que l'on souhaite donner à l'assassinat. J'aborderai cette richesse, qui est pratiquement intarissable, dans la section suivante consacrée au level design.


Enfin je terminerai cette section en parlant du niveau de difficulté du jeu. Hitman (2016) abandonne le choix traditionnel du niveau de difficulté en début de jeu. En effet, ce niveau de difficulté était en réalité souvent lié à la sensibilité de l'IA, mais comme le concept même de l'IA a totalement changé, régler son niveau de sensibilité devenait assez obsolète. A présent il n'y a qu'un unique niveau de difficulté mais beaucoup d'aides que l'on peut choisir d'activer ou non. Si on les active toutes, on se retrouve avec un jeu qui nous guide à chaque étape et nous donne les solutions pour perpétrer notre forfaiture dans la plus extrême propreté. L'idéal pour les débutants qui ne sont pas habitués à l'esprit hitman. Au contraire, si on les désactive toutes, le joueur est parti pour un très grand nombre d'essais erreurs et des heures de voyage à travers les niveaux pour peaufiner minutieusement son plan d'action. Il est clair que je conseille à tout joueur, souhaitant réellement profiter de l'expérience de jeu, de désactiver les aides et de vraiment se plonger dans la peau de l'assassin qui doit faire du repérage avant de pouvoir agir. Seul cette méthode permet selon moi de totalement incarner l'agent 47 et de sentir quelle est la réelle profondeur du jeu. A noter que j'ai quand même conservé une aide (et je crois que beaucoup l'ont fait), c'est celle qui met en surbrillance les objets clés du jeu. En effet, sans cela, il est parfois absolument IMPOSSIBLE de repérer un objet sur un bureau, tellement l'objet est petit et la texture trop peu marquée.



Une durée de vie colossale, un jeu qui se renouvelle sans cesse



Je passe à présent au point qui, à mon sens plus que tous les autres, permet à ce hitman de se présenter comme l'aboutissement de la série, le meilleur opus en terme de rejouabilité, d'inventivité et de possibilités : le level design. Tout d'abord les niveaux sont simplement gigantesques, que ce soit verticalement ou horizontalement. Certains font sans problèmes le double de la taille d'une map de blood money. Aussi, si à la base j'étais un peu déçu de voir que le jeu ne proposait que 6 grosses missions (et 4 petites), en réalité on s'aperçoit assez vite qu'une grosse mission équivaut à 2 missions dans les opus précédents. Là encore j'avais un a priori, j'avais peur de me sentir noyé au sein de ces maps gigantesques, que les yeux des concepteurs aient été plus gros que leur ventre et que cela casse totalement le rythme du jeu. Mais en réalité il n'en est rien car le jeu permet de commencer à une échelle restreinte et facilement maîtrisable pour s'agrandir progressivement vers une maîtrise plus globale du niveau. Vos premiers assassinats, il ne fait nul doute que vous les réussirez avec des méthodes assez "banales et imparfaites" n'utilisant qu'une portion locale du niveau. Mais déjà au niveau local, au sein d'une même salle, vous repérerez sans problèmes au moins 5 façons de tuer la cible. Je vous laisse alors imaginer le nombre de possibilités lorsque l'on envisage les choses de façon plus globale, en jonglant entre les salles et les étages. Pour vous pousser à découvrir tous ces moyens cachés, le jeu utilise un système de défis (initialement introduit de manière bancale dans absolution, mais totalement bonifié ici) qui vous pousseront à refaire le level encore et encore pour pouvoir tous les compléter. Plus vous compléterez de défis, plus votre maîtrise du niveau augmentera, plus vous obtiendrez d'objets, de costumes et de nouveaux lieux de départ pour vos assassinats. Ainsi, de manière tout à fait naturelle et sans avoir l'impression d'être noyé, le joueur découvre chaque pan de la map progressivement jusqu'à établir toutes les jonctions et avoir une maîtrise totale du niveau. Tout ça est selon moi parfaitement sensé et met totalement le jeu dans une logique poussant le joueur à toujours devenir de plus en plus ambitieux et perfectionniste, à tendre véritablement vers le statut d'assassin suprême. Après des dizaines d'heures de jeu sur la même map (oui, on ne voit absolument pas le temps passer !), vous ne serez plus du tout effrayé par le gigantisme du niveau et serez capable d'échafauder un plan machiavélique pour assassiner toutes vos cibles d'un coup ! Il faut compter 25h pour simplement parcourir le jeu basiquement (faire une fois chaque niveau) et par après encore 25h PAR NIVEAU pour les compléter à 100%. Par 100% j'entends faire tous les défis, mais également tous les contrats escalade.


Que sont les contrats escalades ? Et bien ce sont des contrats établis par les joueurs mais officiellement intégrés dans le jeu comme défis à remplir. Ces contrats peuvent avoir pour cible n'importe quel pnj d'une map et le niveau de difficulté, comme dit par le titre, augmente sans cesse. Au total vous devrez faire jusqu'à 5x la même mission mais à chaque fois avec une condition supplémentaire vous obligeant à repenser la manière d'arriver à vos fins. (Enfin cela dépend, car certaines conditions sont parfois assez inutiles et trop faciles, il faut bien le dire) Mais peu importe en réalité que certaines de ces escalades soient moins biens que d'autres, puisque par principe il y en a autant qu'on veut. Et si l'on a terminé toutes les officielles, on peut se rabattre sur les contrats inventés par les joueurs qui prolongent l'expérience de jeu de manière quasi infinie. Si je veux insister sur ces contrats inventés par les joueurs, c'est bien parce que ceux-ci permettent de se rendre compte de la prouesse réalisée par les concepteurs du jeu en terme de level-design. En effet ,chaque pnj que vous devrez tuer vous montrera des richesses supplémentaires au sein du décors que vous n'aurez pas remarqué préalablement. Pourtant elles étaient bien là dès le début, dès les missions principales du scénario ! Mais il fallait ces missions spéciales consacrées à des pnjs pour les voir, tellement elles étaient cachées et subtiles. A partir d'un même niveau, on se surprend pendant des dizaines d'heure (rendez-vous compte !) à toujours découvrir de nouvelles choses, à féliciter l'ingéniosité du jeu, à se dire "pouah mais qu'est-ce que c'est bien pensé", tout simplement à profiter de cet immense bac à sable qui permet à tous les joueurs de créer à l'envi des puzzle meurtriers et de les résoudre. On pourrait râler en disant que refaire 50x le même niveau avec des cibles différentes coupe un peu le scénario du jeu et nous sort de la quête principale. Mais comme je l'expliquerai dans la section suivante, le jeu assume de toute façon son côté ascénarisé et son envie d'être une expérience ludique dépassant totalement ce que la saga avait pu faire jusqu'à là.


Un dernier mot concernant le fameux titre "assassin silencieux" tant prisé par les joueurs. Au fil du temps, les conditions à remplir pour obtenir le titre avaient changé et pas qu'en bien. Ainsi dans hitman absolution, assommer une victime et lui piquer son costume empêchait d'accéder au titre suprême, ce qui était parfaitement exaspérant car cela impliquait de faire des zigzags en se planquant derrière des murs sans cesse, comme si hitman devenait un bête jeu d'infiltration alors que c'est un jeu unique centré sur les assassinats. Dans hitman (2016) la question est réglée grâce à une séparation en deux titres distincts. Tout d'abord "l'assassin silencieux" traditionnel, qui autorise comme de juste à changer de costume tant que l'on est pas repéré; mais également un nouveau titre "assassin silencieux en costume" qui est le même que le précédent mais qui rajoute la condition de tout faire sans jamais changer une seule fois de costume. (Cependant il est autorisé d'assommer des pnjs et de commencer le niveau dans un costume qui n'est pas celui de 47) Fidèle à la mentalité de cet opus qui permet au joueur de créer sa propre difficulté, les joueurs les plus acharnés ne manqueront pas de s'imposer des défis toujours plus difficiles comme celui de ne jamais assommer personne. A titre personnel, je trouve le titre "en costume" parfois très dur à obtenir (et pour certaines escalades c'est tout simplement techniquement impossible) mais l'assassin silencieux traditionnel est vraiment accessible et plus que jamais le jeu nous incite vraiment à jouer de cette façon. Néanmoins, j'ai voulu une fois tenter une approche de gros malade mental qui veut tuer tout le monde au fusil d'assaut ... et j'ai trouvé les sensations de fps assez excellentes je dois dire ! Comme quoi le jeu excelle même là où on ne l'attend pas. (Néanmoins si vous voulez faire ça, sachez que vous mourrez à la moindre balle prise, donc planquez-vous bien !)



Un scénario inexistant mais une incarnation encore plus profonde du mythique agent 47



Si l'on résume la critique jusqu'à présent, on est pratiquement en présence d'un sans fautes. Du point de vue ludique, le jeu atteint une telle richesse que l'on peut parler d'une oeuvre qui se renouvelle à l'infini par elle-même. Alors pourquoi pas un 10/10 ? Et bien simplement parce que ce hitman, dans la lignée des précédents, a décidé encore une fois de ne mettre pour ainsi dire aucun scénario. Et cette fois-ci c'est même encore davantage assumé vu les choix qui ont été faits au niveau du moyen de distribution du je. J'y reviendrai.


Je ne vais pas tourner autour du pot, le scénario pour l'instant c'est du zéro pointé, ça tient sur une mine de crayon et, pour être tout à fait honnête, je l'ai déjà pratiquement oublié. Pourquoi je dis "pour l'instant" ? Et bien tout simplement car ce hitman est pour l'instant une "saison 1" et qu'il y aura probablement une saison 2 qui, je l'espère, permettra de mieux découvrir l'antagoniste qui est tout de même assez menaçant, bien que trop peu charismatique à mon goût. Mais de toute façon le jeu (et même la saga en général) se contrefout du scénario de manière assumée et je pense même que les joueurs en sont ravis. Je vais essayer d'expliquer ce point qui est également lié à la débâcle des films hitman dans l'opinion public. Hitman nous a brièvement parlé des origines de 47 dans le laboratoire de Roumanie via l'épisode 1 et son remake dans contracts. Dans Hitman 2, de manière beaucoup plus intéressante cette fois, le thème tournait autour de la rédemption avec un agent 47 que l'on découvre plus nuancé et plus moral, ayant des discussions intéressantes avec le prêtre du monastère mais qui finalement ne pouvait s'empêcher de revenir aux assassinats. En réalité, décrit comme ça, cela parait déjà être un scénario sympathique et assez profond, mais il faut rappeler qu'il ne concernait que quelques très rares moments du jeu et qu'en réalité, 95% du temps, hitman 2 ne se jouait que pour son côté ludique et son gameplay et pas du tout pour une quelconque narration. Pareil pour blood money même si à partir de cet opus, la tendance scénaristique change totalement de voie, pour se focaliser sur la relation qui lie l'agent 47 à Lydia, son agent de liaison. Il y a d'ailleurs une scène assez marquante à la fin de blood money qui sert, il faut bien le dire, de cache misère pour faire oublier la vacuité totale du scénario. Absolution a voulu réellement tenter quelque chose, un scénario complet, un agent 47 qui doit veiller sur une gamine à la terminator, un agent 47 qui culpabilise et essaie de se mutiler et de s'arracher son code-barre, mais à nouveau ... toutes ces potentielles bonnes idées furent rapidement laminées en morceaux et noyées sous le déluge de "fuck dick shit fuck fuck shit dick" tarantinesque. Les joueurs ont tellement gueulé sur le scénario, tellement gueulé sur les films également, que leur parole a été entendue par les concepteurs. Pas de scénario donc pour ce nouvel hitman. Enfin si, il y en a bien un "par principe" mais de nouveau je ne peux même pas en parler tellement son inexistence est flagrante. Et comme je l'ai dit précédemment, je pense que beaucoup de joueurs en sont ravis. En effet, Hitman se trouve dans une sorte d'impasse scénaristique à cause de l'aura extraordinaire qu'a fini par obtenir son héros: l'agent 47. On dirait que ce personnage est devenu tellement charismatique, tellement mythique, tellement iconique, qu'à peu près n'importe quelle tentative de le mettre dans une histoire est automatiquement considéré comme une souillure à l'égard du personnage. Ca se voit notamment avec les films hitman qui ne sont, je pense, pas SI catastrophiques qu'on le dit. Et même absolution a des bonnes idées à la base qui ont pourtant été critiquées aussi. Dès qu'on veut scénariser autour de 47, c'est obligé, la horde de fans se déchaîne et réclame qu'on laisse son héros en paix, comme s'il s'agissait d'une relique sacrée et intouchable. Bien sûr, ils se défendront en disant que les scénaristes sont systématiquement des incompétents, mais à titre personnel je ne crois pas. Ceux qui ont scénarisé les quelques scènes narratives de hitman 2 étaient bons par exemple. Bien sûr, il faut voir s'ils pourraient tenir la route pour écrire une histoire dense et complète sur plusieurs dizaines d'heure (ce dont étaient totalement incapables les scénaristes d'absolution), mais moi je crois que c'est possible, je ne rejette aucunement l'idée par principe et je déplore donc cet abandon total du volet scénaristique par les développeurs du jeu.


Suite à cet abandon, le jeu a pu se permettre un mode de diffusion qui fut contreversé mais qui, a posteriori a parfaitement du sens, il s'agit de la diffusion par "épisodes". Comme je l'ai expliqué auparavant, il y a 6 grandes maps dans le jeu et grosso modo, chaque épisodes fournissait une nouvelle map sur laquelle s'amuser pendant plusieurs dizaines d'heure. Il n'était pas donc pas si scandaleux de payer un prix plein à chaque épisode, puisque ceux-ci deviennent littéralement des jeux à part entière ayant la durée de vie d'un jeu complet. Ces différentes maps permettent de traverser des environnements aussi riches que variés, un grand hôtel à Bankok, une base militaire dans le Colorado, l'ambiance typiquement Italienne des rues de Sapienza, etc ... chaque épisode est littéralement une expérience à part entière. A titre personnel j'ai déjà plus de 50h de jeu sur ce hitman et je n'ai exploré à 100% qu'une seule map (celle de Paris). Je comprends ainsi tout à fait que le jeu propose un délai de quelques mois entre chaque map. Celles-ci sont tellement denses qu'il faut bien tout ce temps pour les apprécier dans les moindre détails. De plus, pour inciter les gens à acheter épisode par épisode, les développeurs proposent des missions "fugitives" qui disparaissent au cours du temps et qui ne sont plus accessibles une fois le délai écoulé. Pour moi qui ai acheté le jeu dans sa version complète plus d'un an après la sortie de l'épisode 1, j'ai raté pas moins de 15 cibles fugitives ! J'ai un peu pesté, il faut bien le dire, mais comme le jeu est tellement bon, je me soumets volontiers à ce nouveau mode de distribution et j'achèterai épisode par épisode ceux de la future saison 2. Je trouve assez ridicule les notes de 1 sur 10 mises par des membres qui n'ont même pas essayé le jeu et qui voulaient simplement critiquer le système commercial. Certes, a priori, il est très critiquable mais je pense que presque plus personne ne le critique une fois qu'il a réellement le jeu entre le main. Tout dans la conception du jeu et de ses chapitres est pensé pour s'accorder à ce système commercial, il n'y a selon moi aucune incohérence à ce niveau.


Enfin, pour conclure sur un dernier point positif, je tiens quand même à parler de la profondeur du jeu qui est belle et bien présente malgré l'absence de scénario. Lorsque l'on parle d'une oeuvre vidéoludique avec un fond intéressant, moi par exemple je pense immédiatement à des séries comme the witcher ou mass effect, qui ont une écriture excellente et proposent des expériences narratives à part entière. Pour un jeu purement ludique et non narratif comme ce hitman, il peut sembler à priori compliqué d'atteindre un tel niveau de profondeur... et pourtant ! Cette volonté d'iconiser à outrance le personnage de l'agent 47, son côté froid et calculateur, son absence totale d'hésitation, son ingéniosité à toute épreuve, finit par porter ses fruits grâce à tous les points que j'ai pu soulever précédemment. En effet, plus que jamais ce hitman nous pousse à l'excellence, il nous pousse donc à incarner en profondeur l'agent 47 dans toutes ses qualités. Il est clair que quelqu'un qui joue de manière bourrin en se faisant repérer n'est PAS l'agent 47, il ne peut tout simplement pas l'être. Mais le jeu est ici tellement bien ficelé, que vous ne ressentirez même pas cette envie d'être indiscret. Vous serez l'agent 47, véritablement, vous ferrez corps avec tout ce qui le caractérise et à chaque fois que vous recommencerez une mission, à chaque fois que vous ferrez un contrat d'escalade tordu, vous deviendrez encore davantage l'agent 47. Les possibilités d'amélioration sont sans limites, on a jamais terminé de devenir un assassin encore plus brillant et méticuleux. L'agent 47 devient notre horizon indépassable et le jeu a ce talent de nous investir à 200% dans cette quête vers la perfection. Seuls un gameplay et un level design d'une telle qualité pouvaient réussir un tel exploit.


Alors certes, on priera pour que les concepteurs se décident un jour à engager de vrais scénaristes, mais en attendant on continuera à prendre un plaisir sans cesse renouvelé sur cet opus d'Hitman !

Christophe_Dubu
9
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le 2 janv. 2017

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Titi mathy

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