Plutôt inégal, Le Testament de Sherlock Holmes propose une aventure sympathique pendant les premières heures de jeu puis finit par s'enliser dans une histoire à dormir debout, le tout baignant dans une succession d'énigmes et de casse-têtes pas toujours réussis. Les "twists" sont trop nombreux pour être plaisants en plus d'être tirés par les cheveux. Enfin, je trouve que l'enquête initiale ainsi que l'implication supposée de Holmes dans les crimes ou les diverses péripéties rencontrées par nos deux protagonistes sont très mal agencées, bref les scénaristes de Frogwares nous livrent une histoire décousue privilégiant le spectacle à la crédibilité de l'ensemble.


Même si graphiquement, un effort a été fourni pour donner un nouveau souffle au genre du point & click grâce à un univers en 3D donnant le champs libre au déplacement, le résultat est plutôt en deçà de que l'on est en droit d'attendre en 2012 sans parler d'une animation catastrophique quasi inexistante à certains moments. On saluera le rendu de quelques lieux plutôt réussis comme l'appartement de notre duo d’enquêteurs et le soin tout particulier apporté à l'inclusion de peintures anciennes réelles ou du moins crédibles sur les murs des appartements visités. Je n'ai jamais vu ça ailleurs dans un jeu vidéo. Le personnage de Holmes est intéressant en plus d'être assez ambivalent dans certaines situation donnant le sentiment parfois d'avoir affaire à un antihéros. Watson, l'inséparable acolyte, est son juste opposé, les deux formant un duo très équilibré et, disons-le, souvent perspicace au point de prêter à sourire. Les déductions de Holmes, bien que logiques, restent à mon humble avis des coups de poker. Sa capacité hors du commun en déduction n'a d'égal que sa chance. En tout cas, c'est le sentiment qu'on peut avoir dans Le Testament.


La plupart des énigmes sont simples et lorsqu'une difficulté ose pointer le bout de son nez, il est carrément possible de passer le puzzle et de le résoudre en pressant une simple touche. De quel droit ? Voici la recette de la facilité primaire ou comment se renier en un instant. Jusqu'à preuve du contraire Le Testament de Sherlock Holmes est un jeu de réflexion et d'énigmes mettant en scène le plus avisé des détectives. Dès lors, pourquoi proposer aux joueurs la possibilité de passer les puzzles ? C'est complètement con. Si les joueurs n'ont pas le QI ou la patience nécessaire à la résolution des énigmes, ils peuvent au choix : insister un peu car c'est souvent loin d'être impossible ; regarder à la limite des indications ou la soluce sur internet ; arrêter de jouer à des jeux de réflexions et télécharger Fast & Furious 8 plus à leur niveau ou installer le dernier Call of Duty. Je suis scandalisé de voir le jeu vidéo en général sombrer dans cette quête inlassable de la facilité qui a pour corollaire de toujours créer chez le joueur un sentiment de satisfaction biaisée à l'opposé de celui de la frustration (que l'on rencontre en cas d'échec répété). Aujourd'hui, l'industrie est confrontée à deux extrêmes car la grande majorité des jeux faciles qui ne demandent aucune aptitude pour les finir et les jeux artificiellement ou grossièrement difficiles (notamment par le biais d'un dimension aléatoire trop prégnante) se taillent la part du marché. La production de Frogwares insulte de fait la typologie de jeu à laquelle elle appartient même si, d'un autre côté sa volonté de renouveler le genre est à saluer sur deux points : volonté de rendre immersif le genre par la 3D et le gameplay novateur voire multiple. Il est possible en effet de jouer de trois manières différentes : vue à la troisième personne, vue à la première et caméra plan fixe (dans la pure tradition du genre) où l'on déplace le curseur à la recherche d'indice.


Pour conclure, je n'irai pas jusqu'à affirmer que Le Testament de Sherlock Holmes est raté, passant à côté de son sujet, mais la casualisation du jeu de réflexion commence à me pomper l'air et la surenchère scénaristique (on croise des simili "zombies", je vous le jure !) est ridicule, symptomatique de notre époque vivant à grands coups de rebondissements holywoodiens imposés à intervals réguliers sous peine d'être boudé par le public drogué aux explosions et plans courts quasi épileptiques. Il y a cependant quelques bonnes idées, un univers enchanteur qui nous rappelle très bien l'oeuvre de Conan Doyle et une volonté de dépoussiérer le genre qu'il faut encourager. Pour ma part, moins bien que Crime et Châtiments (2014) mais à faire pour les amateurs du célèbre détective londonien.

silaxe
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le 14 avr. 2017

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