"People can eat d***"

J'avais mes doutes.

Une suite est souvent un pari risqué, un préquel encore plus, surtout vu le succès de Life is Strange. Le changement de producteurs succédant aux frenchies de Dontnod n'était pas là pour rassurer : allaient-ils émousser et rajouter un politiquement correct typiquement US aux aventures des immoraux adolescents? Et plus encore, un Life is Strange sans la capacité de remonter le temps a-t-il un quelconque intérêt? Ne risquait-on pas de tomber dans un Telltale à la sauce indie ?

Et bien rien de tout cela ne s'est passé ! Ce préquel est une toute nouvelle aventure qui ne perd pas son temps à référencer le jeu original, les ados de Blackwell boivent, fument, volent, disent des gros mots sans personne pour nous dire que c'est pas bien, et le pouvoir de remonter le temps a été remplacé par le pouvoir de parler mal aux gens !

Le personnage de Chloé, notre héroïne de jeu, pourrait être le stéréotype d'ado typique, mais le jeu donne au contraire toute sa profondeur à la vie d'ado américaine qui a envie d'envoyer le monde se faire foutre. Pendant la première heure de jeu, on se retrouve dans la tête de Chloé, et on finit nous aussi par en avoir notre claque des mamans préoccupées, des demi-pères envahissants, des adultes moralisateurs, des cours de l'école et des grandes gueules de l'université ! En même temps, le jeu nous donne plein de petites interactions qui ne sont rien en tant que tel, mais sont autant de respirations pour la Chloé que nous jouons.

Et pour jouer, on joue ! En tant que personne derrière la manette, on se surprend à se demander si telle réponse correspond bien au personnage de Chloé, comment elle réagirait à la fascinante Rachel qui rentre dans sa vie, quel prochain graffiti on pourrait faire, et est-ce qu'on a vraiment envie de tester toutes les possibilités du jeu en allant parler à des personnages énervants alors que certaines digressions geeks bien sympas nous attendent.

On est de retour dans Life is Strange ! Ses paysages de l'Oregon si simples et jolis à regarder, ses ambiances musicales, ses petits moments d'apesanteur, et son humour si normal que l'on respire un grand coup, en attendant avec impatience le prochain épisode !!!

[Mise à jour après l'épisode 2]
On accordera quand même un petit bémol à la réalisation graphique qui est beaucoup moins inspirée, et à la bande son moins surprenante, mais Before the Storm reste une série bien mouvementée en rebondissements, tout en prenant son temps, et certaines séquences de cet épisode 2 sont de vrais moments de grâce qui m'ont accompagné bien longtemps après avoir fini le jeu. On aimerait que ça ne se termine jamais.

[Mise à jour après l'épisode 3]
L'épisode final de Before the Storm me fait ramener ma note de 10 à 7 étoiles, ce qui m'embête bien. Le dernier épisode semble laisser tomber toutes les pistes intéressantes si simples, mais en même temps si bien déroulées de la série, pour partir sur une histoire tirée par les cheveux de mamans éloignées et de dealers en carton pâtes. L'histoire en perd en originalité, et nous y perdons en capacité de faire des choix, car les dialogues s’appauvrissent, et les situations et personnages deviennent de plus en plus clichés. Le jeu s'est essoufflé en un épisode, a laissé tombé tous les efforts sur la réalisation graphique, et j'avoue ne pas me retrouver du tout dans la conclusion de l'épisode qui semble nous éloigner de la Chloé que nous avions mis du temps à construire.

Bref, je fais le choix arbitraire de remonter le temps jusqu'à la fin de l'épisode 2, et de m'imaginer ma propre histoire en faisant abstraction de cet épisode "Hell is empty" : ce n'est hélas pas tant l'Enfer qui est vide, que ce préquel qui a été vidé de toute sa saveur.