Limbo
7.5
Limbo

Jeu de PlayDead, Arnt Jensen, Dino Patti et Jeppe Carlsen (2010PC)

Limbo fait partie de ces jeux indépendants d'habitude confinés à l'ombre des blockbusters et des jeux en boîte d'une manière générale, qui ont eu l'aubaine (et le mérite ?) de se retrouver exposés à la lumière des projecteurs, à la faveur de critiques favorables et de réactions enthousiastes des premiers joueurs. Tout comme Braid, le jeu de PlayDead s'oriente vers un jeu mêlant poésie pour l'enrobage, et réflexion et plate-forme pour le gameplay. Pour le même succès ?

Le jeu démarre sans introduction, la jouabilité se résume à deux boutons (un pour le saut et un pour activer des mécanismes) et l'on de suite éblouie par la direction artistique du titre. Noir et blanc mâtinant des décors troubles, sublimés par un effet similaire aux vieux films des années 30, animations simples proches de certains dessins animés, le jeu séduit de par son cachet unique. On admire la pluie à peine visible tel un fin rideau d'opacité sur un monde déjà bien sombre, à peine éclairci par les lueurs intermittentes de débris d'enseignes, vestige d'un hôtel peut-être habité jadis par le personnage du jeu ou par la fille qu'il souhaite ardemment rejoindre ; on parcoure une forêt peu hospitalière où les ronces nous écorchent vif et où le maître des lieux n'est autre qu'une araignée particulièrement redoutable ; plus loin on se creusera la tête pour progresser dans une usine aux multiples pièges et dont la structure se révèlera occasionnellement instable et variable.
L'ambiance est vaguement oppressante, la musique pratiquement toujours absente, rendant les coups de pattes de l'araignée encore plus violents qu'ils ne le paraissent déjà à l'écran, rendant plus stridents encore les bruits de scie circulaire et plus mats les bruits de masse écrasant le sol. On clapote dans l'eau, on s'empale sur des pics, on s’électrocute et chaque pas est souligné par ces bruitages remarquables et par cette musique qui se réserve pour certains petits moments de stress. Chaque mort est brutale.

Car l'on meurt souvent dans Limbo, non pas que le jeu soit difficile, mais les développeurs se sont amusés à nous faire tomber dans les pièges pour mieux pouvoir les résoudre. Une progression par l'échec qui divisera, mais qui se révèle relativement douce grâce aux checkpoints omniprésents. La complexité des énigmes n'est pas trop élevé, à des années lumières d'un Braid, mais se veut juste assez pénible pour nous obliger à essayer diverses choses afin de trouver la solution. Il y a aussi quelques phases requérant un tant soit peu de dextérité et de vitesse d’exécution, mais là encore sans jamais mettre le joueur devant un challenge redoutable.
On l'a compris, Limbo est avant tout une petite pause détente entre deux gros jeux demandant de l'investissement et du temps.

Justement Limbo ne s'accaparera pas une grande quantité de ce temps précieux que consume le joueur (hyper)actif ! En trois ou quatre heures on arrivera à la fin, magique et délicate comme le reste, du parcours laborieux de notre frêle héros. Laborieux pour lui, plaisant et enchanteur pour le joueur qui n'aurait pas refuser de faire un petit peu de rab, ravi de résoudre à la chaîne des puzzles aux mécaniques bien huilés, assez flatteurs pour son ego sans jamais le mettre en rogne à lui en faire jeter sa manette.
Alors bien évidemment il est difficile de passer outre cette durée de vie ridicule, qui souffre d'une rejouabilité sans grand intérêt (malgré quelques objets cachés à dénicher au prix d'une réflexion plus poussée) ; et si l'on ne regrette pas son achat aujourd'hui, c'est que l'on a payé 3 euros sur Steam cette petite merveille à la lueur tremblotante qui s'éteint trop rapidement, telle la flamme d'une bougie à la chaleur précaire.

Mais jamais traversée des limbes n'aura été si belle dans un jeu vidéo, et Limbo fera partie de ces jeux dont on se souvient, qui par la grâce d'une beauté mélancolique, par l'intelligence de mécaniques de jeu limpides, par une narration peu poussée mais pourtant tellement prégnante, se créent une identité propre, résidu de flamme éteinte, étincelle jaillissant des ténèbres pour retrouver les feux de la rampe.

Et ne plus retourner dans l'ombre.
ngc111
6
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le 9 nov. 2012

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ngc111

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