Esclavage ludique

On m'a fait remarqué, à juste titre, ma note généreuse pour un jeu finalement plutôt moyen dans son ensemble avec des mécaniques pompées à droite à gauche et une répétitivité absurde. Oui mais...Je crois que découvrir une œuvre, quelle qu'elle soit, c'est d'abord une histoire de timing. Pour vous donner un exemple, j'ai lu Les Possédés de Dostoïevski à l'âge de 18 ans et je me rappelle très bien à cette époque avoir trouvé ce roman nul et ennuyeux n'ayant pas assez de recul sur tout un tas de sujets historiques ou philosophiques pour apprécier l’œuvre à sa juste valeur. Pour Mad Max, ce n'est pas exactement une question de pré-requis intellectuels ou culturels (même pas du tout) mais plutôt d'humeur du moment. Vous pouvez parfois faire preuve de mansuétude à l'égard d'un film, d'un livre ou d'un jeu vidéo car il n'agresse pas vos convictions personnelles, d'une part, malgré l'évidente nullité du scénario ou d'autre part, parce que subitement vous êtes prêt à faire preuve de clémence.

Toute cette digression à deux balles pour dire que ma partie de Mad Max coïncidait avec une période de ma vie où je n'avais tout simplement pas envie de réfléchir. Un moment passager où l'idée de suivre bovinement des objectifs marqués sur la carte et de les accomplir machinalement me faisait du bien. J'avais un peu l'impression de réussir ma vie. Vous savez lorsque vous nettoyez une décharge à 100%, que vous détruisez un bastion rempli d'ennemis ou, mieux encore, que vous terminez toutes les activités d'une région...ce sentiment d'accomplissement artificiel accompagné du déverrouillage délectable et symbolique du succès. Un délice. Un aboutissement. La consécration. Ma vie pendant 15 jours s'est résumée à cela. J'ai éclaté le jeu en 60 heures avec près de 95% des succès dont celui correspondant à toutes les décharges finies à 100%. Pour vous dire à quel point j'étais mal dans ma peau. Hahaha ! La vie est parfois surprenante car je sais qu'en d'autres circonstances, je ne serai pas allé au terme de l'aventure insultant les développeurs de tous les noms.

Le squelette du jeu reprend très exactement celui de Far Cry 3 ou 4 ou des jeux Assassin's Creed, bref le moule obscène Ubisoft. Soit l'amoncellement d'activités insensées, inintéressantes et répétitives que vous débloquerez en observant la région depuis un point haut prédéfini : ici des montgolfières. Pour que cette critique soit autre chose qu'un misérable journal intime, je vais vous faire une liste très exhaustive de ces activités : détruire des tours de sniper, détruire des totems, libérer des bastions, intercepter et détruire des patrouilles ennemies, fouiller des décharges, neutraliser des champs de mines et gagner des courses automobiles. Voilà en gros ce que Mad Max propose aux joueurs de répéter ad nauseam pendant au moins 50 heures. En revanche, si l'on se contente de suivre les quêtes principales et secondaires, je pense qu'en moins de 15 heures c'est plié.

Le gameplay au combat ressemble à celui des Batman nouvelle génération. Vous mettez des claques de maçon dans la bouche de vos ennemis, les coups variant selon la combinaison de touches. Ne vous excitez pas derrière votre écran, il y a cinq combos à tout casser et les ennemis, malgré l'évolution et la montée en puissance de votre personnage au fil du jeu, mettront toujours trois heures avant de mourir faisant preuve d'une résistance physique absolument ahurissante. Oui, dans Mad Max, tu peux briser une nuque et voir ton ennemi se relever sans problème. La conduite automobile et la customisation de ces dernières prendront une part importante dans la progression du jeu. Normal, c'est un peu le point central de la franchise. Franchement, j'ai rien de particulier à dire sur cet aspect. C'est du bon boulot. Les bagnoles sont variées, avec des statistiques en fonction de leur nature et des modifications apportées. Le gameplay en véhicule est très bien foutu même en phase de combat. Mon interrogation porte surtout sur les compétences à déverrouiller et les points de talents à débloquer en fonction de vos actions. C'est simple, en à peine 10h de jeu tu peux facilement tout avoir. La question de l'utilité du mystérieux personnage dont j'ai oublié le nom se pose. Ce dernier disparaitra soudainement une fois votre perso au niveau maximum... Jamais vu un truc aussi mal branlé de toute ma vie.

Côté technique et réalisation : bah c'est juste magnifique. Les décors, les effets de lumière, les explosions, la profondeur de champs (quand vous jouez avec les paramètres en ultra), tout est très très beau même trois ans après sa sortie. A coup sûr la plus grande qualité du titre. Rien à dire de plus, du bon boulot.

Enfin côté scénario, franchement ça ne casse pas trois pattes à un canard mais ce n'est pas aussi nul que je ne l'aurais imaginé. Sans vouloir spoiler, la fin est assez inattendue et plutôt sombre. J'ai bien aimé au final.

En conclusion, Mad Max est un jeu décevant bénéficiant de gros moyens de production ce qui, d'une certaine manière, le sauve du naufrage complet. Dans le droit fil des jeux cancers à la Ubisoft, Mad Max est long et répétitif à l'envi malgré les bonnes intentions dont il fait preuve sur de nombreux aspects : réalisation graphique, customisation du personnage et des véhicules, compétences à déverrouiller, scénario pas si abjecte, aspect arcade assumé et réussi. Mad Max s'apparente donc à une daube commerciale enveloppée dans un bel emballage. Le plus drôle dans tout ça, c'est que j'ai kiffé mes 60 heures à cravacher comme un esclave pour obtenir les succès. Faudrait peut-être que je me soigne ?