MAD MAX – La route est chaude, elle est sauva-age

Bon, cher lecteur, je crois que je comprends ton problème. Tu as aimé, et le mot est faible, Mad Max, Fury Road. Disons que ce film t’a mis en transe, sans que tu saches clairement pourquoi.
Est-ce le rythme de l’action qui t’a maintenu collé à ton siège, avec les riffs du guitariste aveugle et les perches de feu des warboys ?
Est-ce le vrombissement des moteurs poussés dans leurs ultimes retranchements, qui te font pâlir d’envie alors que tu ne conduis qu’une modeste fiat panda ?
On ne le saura probablement jamais mais toujours est-il que tu attends l’arrivée de Mad Max dans le monde merveilleux du jeu vidéo avec un mélange d’excitation et d’appréhension.


L’excitation est tout à fait normale et naturelle pour les raisons que l’on vient d’évoquer.


L’appréhension c’est normal aussi. Tu es un peu comme Max, en fait, il y a une petite voix qui te parle dans la tête et qui te dit « Attention ! ».


Et elle ajoute « T’es un type malin, lecteur. Tu sais que jeu à licence rime souvent avec étron (ok ça rime pas vraiment mais on se comprend), et ce pour des raisons purement budgétaires ».


Bien sûr, tu essaies de faire taire la petite voix, mais elle insiste.


« Imaginons que je sois producteur de jeu et que j’ai 100 euros pour faire un jeu (j’ai bien dit que c’était une image). Soit je claque 90 euros pour payer les programmeurs, les scénaristes, les graphistes, les gars du marketing, les filles de la communication, etc. et je mets 10 euros sur un compte en Suisse (oui, faut penser à la retraite). Alors j’ai des chances de faire un jeu potable. Soit je claque 90 euros pour payer une licence de fou (pas les schtroumpfs, hein) à un studio de Hollywood et je garde 10 euros pour payer tout le reste. Là y a des chances que le jeu soit juste une bouse. Ce qui est drôle c’est que dans les deux cas, comme tous les joueurs ne sont pas aussi malin que toi, les chiffres de vente ne vont pas favoriser le jeu potable mais la bouse. On vit décidément dans un monde étrange. Finalement le futur post apocalyptique que nous prédit Mad Max n’est peut être pas si fou que ça… ».


La voix continue à parler mais tu as réussi à trouver le bouton du volume et seul un léger grésillement te rappelle sa présence. Elle est gentille la voix, mais un peu à côté de la plaque. C’est Warner Bros qui distribue Fury road . Et c’est sa division interactive qui a un beau jour passé un coup de fil à Avalanche Studios pour leur proposer de bosser sur le jeu. Selon le calendrier initialement prévu, le jeu devait sortir en 2014 et participer à la promotion faite autour du film. Les dieux du marketing avaient prédit que l’alignement astral ainsi disposé était le plus propice à faire gonfler les poches des investisseurs. Hélas, trois fois hélas, les dieux du jeu vidéo, fidèles à leur réputation de retardataires, n’ont laissé le jeu sortir qu’en 2015. Une fois de plus, de simples questions de calendrier et de gros sous ont un peu fâché tout le monde, du coup l’éditeur et le développeur sont un peu en froid. Il faudrait un paquet de jeux vendus pour réchauffer l’atmosphère.


Mais trêve de blabla et abordons la question qui t’intéresse cher lecteur et que l’on peut résumer de façon très simple, dois-je te conseiller de jouer à ce jeu ou pas ?


Je dirais oui, et je vais t’expliquer pourquoi, mais ne t’emballe pas trop vite et réfléchis bien avant de dégainer ta CB.


Les développeurs ont fait le choix d’introduire deux types de gameplay pour ce jeu, conduire des véhicules et se déplacer à pied.


Tout le monde conviendra qu’il est plus agréable de conduire une voiture que de se déplacer à pied. Cela s’appelle l’évolution. Et bien dans le jeu c’est pareil. La partie roulante est beaucoup, beaucoup, plus drôle et mieux construite que la partie piétonne.


Examinons cela dans deux points intitulés en référence à des monuments de la chanson française.


I/ Je marche seul


Là où la voiture ne peut pas aller, c’est Max qui prend le relais avec ses petits pieds. Dans la très grande majorité des cas, il s’agit de visites de camps de l’ennemi et l’on s’ennuie ferme. On retrouve à peu près le même niveau d’intérêt que dans les années 90 avec le jeu de Mindscape. Il faut ramasser des trucs, tuer des gars, et ne pas se perdre en chemin. Les cartes des camps ne sont pas très intéressantes une fois qu’on a détruit les défenses avec la voiture. Au bout de quelques camps, on optimise ses déplacements au maximum pour perdre le moins de temps possible dans cet enfer vidéoludique. D’ailleurs les développeurs ont fini par le comprendre à mon avis car dans presque tous les camps il y a une tyrolienne en fin de parcours qui permet de rejoindre le point de départ.


Dans une petite minorité de cas la vie de piéton a ses attraits. Il s’agit principalement de certaines parties en souterrain qui dégagent une ambiance plus prenante grâce à une bonne gestion des effets de lumière et d’ombres. L’utilisation de la torche apporte alors un réel plus. Mais les meilleures séquences sont celles de certaines missions secondaires où l’on arpente des ruines de la civilisation déchue. Le travail sur ces cartes est vraiment de bonne qualité et on passe de bons moments.


L’autre truc sympa quand on est à pied, c’est qu’on a le temps de bien regarder les explosions, ce qui est important car elles sont très jolies. On peut les provoquer avec les jerricans ou les lances de feu. Privilégier toujours ces dernières car il faut un tout petit peu de skill pour viser.


Et oui, car le principal problème de cette partie de jeu, c’est l’absence totale de difficulté. Aucun passage ne demande une technique particulière ou un apprentissage de combinaison pour être franchi. Je n’ai rien contre le côté casual de certains jeux, je n’aime pas particulièrement la souffrance, mais là on est allé trop loin. Les seules fois où mon personnage est mort quand il était à pied, c’est parce que je baillais et que je me trompais de bouton.


Je suis peut être un peu sévère pour l’intérêt des combats. Certains me disent apprécier ce système de combat que l’on dit inspiré de celui de Batman. Soit. Je suis quelqu’un d’ouvert. Mais rappelons tout de même qu’on est en 2015 et que Mad Max s’inspire au mieux du système de combat d’Arkham Asylum sorti en 2009, et encore. Ajoutons que les boss de Mad Max sont juste une plaisanterie. Toute personne ayant joué un tantinet à Dark Souls ne peut que se mettre à pleurer de pure tristesse face au premier caïd. Et l’IA des ennemis dans tout ça ? Figure toi cher lecteur que je la cherche toujours. J’avais parfois l’impression d’être dans ces vieux films de kung fu où le héros affronte des hordes d’ennemis qui attendent bien sagement qu’il ait le temps de parer leurs coups pour l’attaquer.


Je ne parle pas du volet plateforme car il n’existe tout simplement pas. Mad Max fait des bonds d’environ 20 centimètre de haut (et je suis gentil), ce qui fait que tout trottoir un peu haut est pour lui un obstacle infranchissable. Ce n’est pas demain qu’il fera concurrence à Lara Croft.


Mais cher lecteur, tout cela n’est rien à côté du volet « énigme » que nous propose le jeu. Je mets des guillemets à dessein, car crois moi, là on touche le fond. La preuve par l’exemple ? Allons-y. Tu montes quatre échelles, tu arrives face à un groupe électrogène à sec. Qu’à cela ne tienne, tu descends les échelles, tu vas récupérer ton jerrican, et tu le remontes. Le problème c’est que tu dois faire ça pratiquement dans chaque camp. Véridique. Autant te dire que rapidement tu vas partir à l’assaut des campements ennemis avec un jerrican plein à la main. C’est d’un ridicule, pfff. Je t’achève en te disant que les échelles, les portes, les barres pour grimper et même les passages « secrets »… sont peints en jaune pour que tu les vois mieux. Si c’est vrai.


C’est pathétique, et on dit merci en soupirant de soulagement quand on voit enfin la tyrolienne pointer le bout de sa poulie. Car ça veut dire que la délivrance est proche et qu’on va enfin pouvoir retrouver sa voiture chérie.


II/ Monté comme un piston, je suis en pôle pôle pôle position


Monte dans la voiture, on sera en sécurité. Ce proverbe contemporain semble fait pour Mad Max. Quand il est au volant, rien ne peut lui arriver. Ni tonneau, ni harpon, ni tempête ne le feront dévier de sa course. Enfin, ça c’est le sentiment que tu auras cher lecteur au bout de quelques heures de jeu, quand tu auras amoureusement augmenté les options de LA voiture. Et je ne parle pas de sièges chauffants ou d’autoradio mp3, non, non, non… mais de nitro de beau gosse, de pots d’échappement de bonhomme et de pare chocs des familles.


La première fois que j’ai conduit un véhicule dans Mad Max, je me suis dit « pétard, c’est mou du genou ! » (je viens d’une autre époque, excusez moi). Puis j’ai rencontré Chumbucket. Une personne admirable. Sans éducation, mais travailleuse et très fervente. Un mécanicien doué, et latiniste de surcroît. Bref, nous étions fait pour nous entendre et sur ses conseils avisés nous avons transformé un tas de boue en machine diabolique dédiée à bouffer de l’asphalte.


Car si l’on joue à Mad Max, c’est avant tout pour sentir le vent dans ses cheveux et entendre le râle d’agonie de ses adversaires quand on leur plante un coup de grappin entre les omoplates, au terme d’une course frénétique dans un nuage de poussière, ouais. Et là, le jeu remplit très honnêtement ses objectifs. Tout n’est pas parfait, bien sûr, la conduite des véhicules reste très arcade et manque de précision, mais qu’est-ce qu’on s’amuse ! Je regrette l’absence de variété dans les véhicules, il n’y a pas de motos ou de camions gigantesques, mais c’est déjà pas mal d’avoir un éventail d’armes sympas sur les voitures quand on se lance à l’assaut de tout un convoi. Là encore, le jeu nous sert la soupe avec une difficulté grandement diminuée. La faute à l’usage abusif du ralenti automatique dans les phases de visée. C’est un peu pénible mais ça reste supportable.


A part le fun, l’autre gros point de la partie roulante (ou plutôt de la partie chauffard vu la façon dont le code de la route est appliqué dans le jeu) c’est la beauté de la carte, du ciel et des paysages. Sur PC, avec tous les détails en « très élevé », c’est vraiment très beau, et l’on se prend à admirer des couchers de soleil et de chercher des points de vue pour mieux le contempler. Mention spéciale pour le travail sur la skybox et sur la diversités des paysages, c’est vraiment réussi. Tout ça va te donner envie, cher lecteur, de faire vrombir ton moteur pour le seul plaisir d’avaler des kilomètres dans le sable. Et pour moi, ça sauve clairement le jeu et ça m’a donné la volonté de le terminer malgré ses défauts.


Avant de conclure, un petit mot sur le scénario, sans spoiler promis. Certains disent que le scénario est mauvais ou banal ou léger. Je ne suis pas d’accord. Le début et la fin sont très biens, de même que quelques quêtes secondaires, mais l’ensemble souffre de la vacuité de nombreuses quêtes qui ne sont là que pour faire du remplissage. Clairement le jeu n’est pas fini et ça rejaillit sur le scénario. Mais sérieusement lecteur, si tu décides de sauter le pas et de commencer le jeu, ne lâche pas l’affaire jusqu’à ce que tu boucles au moins la trame principale : l’histoire est tout à fait honorable et les dernières missions sont accrocheuses.


J’insère juste ici un mot sur un truc cool parce que ça n’allait nulle part ailleurs, mais l’arbre des compétences de Mad Max est plutôt bien fichu. Pas tant par les compétences elles mêmes (assez classiques) que par la façon de les obtenir. On doit remplir des défis, genre détruire des véhicules latéralement ou faire des éliminations au sol sur les ennemis, et ça fait progresser Max. Au bout d’une dizaine de défis remportés, on gagne un nouveau titre qui ouvre l’accès à de nouveaux équipements. C’est simple, efficace et dynamique, mais il fallait y penser. Et surtout il fallait le faire correctement. Bien joué.


J’aurais bien aimé parler d’un III/ mais il n’y en a malheureusement pas à critiquer. Je vais donc aborder pour conclure toutes les choses qui manquent à mon sens pour transformer ce jeu en réussite. Nous sommes en septembre, c’est donc un peu tôt pour la lettre au père Noël, mais bon, on va lui donner quelques pistes, au vieux bonhomme en rouge :


– on veut des quêtes avec davantage de profondeur, les quêtes Fedex et le remplissage, ce n’est plus possible dans les jeux qui sortent en 2015,


– on veut soit des séquences de plateforme, soit de l’infiltration, parce que là faire le zozo à porter des jerricans, c’est juste pas permis,


– on veut des énigmes avec des trucs qui tournent, qui bougent, qui obligent à se gratter la tête pour se demander comment ça marche, tourner une vanne pour éteindre une flamme c’était bon quand on avait quatre ans,


– on veut de la gestion et des choix à effectuer pour faire évoluer l’histoire, toutes les forteresses ont les mêmes upgrades, quel intérêt ?


– on veut un jeu où le côté survie ne soit pas une vaste blague ; je n’ai jamais eu l’once d’un problème pour trouver de l’eau, de la bouffe, des munitions ou du carburant ; on s’éloigne beaucoup trop de l’essence même (hahaha, désolé) du jeu.


Comme suggéré ici et là dans ce test, on sent un jeu avec du potentiel, mais qui souffre de lacunes très handicapantes. C’est vraiment dommage car les points positifs donnent vraiment envie d’aimer le jeu. Les développeurs ont lâché dans plusieurs interviews que les tensions avaient été importantes avec l’éditeur. C’est un peu la maladie des jeux AAA ou jeux à gros budgets. Il y a beaucoup de moyens mais du coup la pression pour rentabiliser l’investissement est importante. Ce qui peut conduire les décideurs à effectuer des choix en cours de projet qui vont s’avérer délétères pour nous autres pauvres joueurs. Le jeu est sorti et j’ai pris du plaisir à y jouer, malgré toutes mes réserves. Mais je ne parierai pas un centime sur les chances de Mad Max d’entretenir l’intérêt autour de sa formule pendant plusieurs mois et de fédérer d’autres joueurs sur la période. Et je ne vois pas quel DLC pourrait relancer tout ça. Dommage.


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le 7 sept. 2015

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