2002, tapi dans l'ombre de GTA III sorti quelques mois auparavant, Mafia s'était transformé en simple OVNI du jeu vidéo. Pourtant du même éditeur, le premier avait profité d'une campagne publicitaire en grandes pompes tandis que Tommy Angelo ne récupérait que les quelques miettes budgétaires restantes. De par ses qualités et son ambiance exceptionnelle, Mafia a su convaincre les joueurs, toutefois, cela avait un prix, Lost Heaven était un monde moins ouvert que Liberty City et le jeu ne s'embêtait pas d'artifices préférant se concentrer sur tous les éléments qui allaient plonger le joueur dans les années 30. 2010, les développeurs Illusion Softworks s'appellent désormais 2K Czech suite au rachat par Take 2 Interactive en 2008 et l'équipe a bien changé en 8 ans. Mafia quant à lui a droit à son successeur dont le nom se retrouve affublé d'un II logique. Mafia II est là, mais cette fois-ci, il est multiplateformes et si le studio a affirmé avoir pris soin de sa version PC, il faut le voir pour le croire. C'est chose faite.

Fécondation in Vito


Dans Mafia II, vous incarnez Vito Scaletta, un jeune Sicilien aussi intelligent qu'insolent, déterminé à devenir quelqu'un à tout prix. Il émigre aux États-Unis alors qu'il n'est qu'un enfant. Dans le ghetto italien d'Empire Bay, Vito voit son père se tuer à petit feu au travail avant de le voir sombrer lentement dans l'alcool. Il passe son enfance dans la rue et la pauvreté, il rencontre alors Joe Barbaro, arrogant et imprévisible, il est l'exact contraire de Vito. Pourtant, durant la décennie qui a suivi, les deux comparses sont inséparables accumulant les petits délits et les trafics en tout genre, les deux rêvant un jour de faire parti des plus riches mafiosi de Little Italy. Mais un flic qui passait par là tandis qu'ils dérobaient les produits d'une vitrine va couper court à leur rêve. Vito se fait prendre mais le gouvernement américain a de biens meilleurs projets pour les immigrants condamnés, le joueur prend alors les commandes du jeune homme qui retourne sur son île natale, la Sicile. Jouant le rôle de traducteur pour l'armée de l'Oncle Sam, il apprend à conduire et à tuer.


Deux ans plus tard, alors que l'un des hivers les plus froids frappe Empire Bay, vous revenez de Sicile et retrouvez votre famille, Maria votre mère et Francesca alias Franny, votre sœur. Vous apprenez que votre père qui s'est noyé a laissé les deux femmes sans argent et doivent pourtant une somme modique à prêteur sur gage. Avec une seule petite semaine pour le rembourser, vous ne tardez pas à comprendre que la seule manière d'obtenir cette argent va être de truander. Vous décidez donc de recroiser le chemin de Joe qui a intégré la pègre et se porte alors garant pour vous y faire rentrer. C'est le début d'une aventure qui va vous emmener aux quatre coins de la ville où les trois familles de la Mafia mènent de fructueuses magouilles. Vous croiserez des irlandais au sang réchauffé par des litres et des litres d'alcool, des afro-américains qui ont fait des bas-fonds de la ville leur royaume et des chinois qui veulent se faire une place dans l'économie souterraine. Vos affaires douteuses ne tardent pas à vous renvoyer au tribunal mais cette fois-ci, la guerre désormais terminée, elle ne pourra pas vous empêcher de finir en prison.


Avec quinze chapitres qui se plient entre dix et quinze heures selon votre aptitude à savoir profiter des avants et après missions, Mafia II pourtant doté d'un énorme background pour ses personnages n'a pas le temps d'aller en profondeur. Vito pourtant très lié à sa famille va ignorer sa sœur à l'exception d'une petite mission alors que la jeune secrétaire a passé son adolescence à convaincre Vito de ne pas sombrer dans la délinquance, le récompensant pour chacune des bonnes actions du gaillard. Vous croiserez aussi le destin d'un freluquet dont les nombreux visionnages de gangsters l'ont convaincu d'en être, mais il est loin d'avoir la carrure, un personnage qui aurait gagné à être plus travaillé et qui aurait pu créer un vrai conflit entre Joe qui l'a recruté et Vito, convaincu que c'est une erreur. Pire que ces exemples, les développeurs terminent leur jeu avec une fin crédible pour une histoire de mafieux mais « extensible », ce qui ne plaira pas à tout le monde. Les personnages ne manquent pas pour autant de consistance et globalement, n'ont rien à envier à leurs concurrents emmenés par Niko Belić. Seulement, Mafia premier du nom avait un nombre de protagonistes plus restreint et une durée de vie d'une vingtaine d'heures si l'on occulte les phases de freeride.

Une excellente ambiance


Le joueur se consolera par l'ambiance et l'univers d'Empire Bay. Commençant votre aventure en plein hiver, la neige sur le toit des voitures à l'arrêt. Les rues envahies par les chasse-neiges. Les stalactites ne supportant plus leur poids tombent sur le trottoir. Un vieux au coin de la rue glisse sur une plaque de verglas. Dans le salon de coiffure, un homme se refait une beauté. Dans le bar d'à côté, des irlandais boivent du whisky sans soif. A deux pas d'ici, un couple s'engueule car le mari n'arrive pas à réparer la voiture tandis qu'un jeune homme vend des journaux dont les gros titres parlent d'une fusillade à Chinatown. De l'autre côté de la rue, un vendeur de hot-dogs demande à une dame si elle veut du ketchup ou de la mayo. Derrière une vitrine, vous entrapercevez plusieurs clients qui réfléchissent sur les achats qu'ils vont faire. C'est terriblement scripté mais que c'est bon, du laveur de carreaux jusqu'à la police qui arrête une voiture en excès de vitesse et se laisse soudoyer sous nos yeux en passant par la course poursuite en bagnoles en écoutant « Mr Sandman » chanté par les Chordettes.


Mafia noue avec un réalisme que l'on ne voit que trop rarement, la conduite des véhicules est pleine d'authenticité et il ne faut surtout pas s'attendre au côté arcade d'un GTA IV, l'option de conduite placée sur « simulation », vous aurez la garantie de poursuites sur les routes enneigées d'Empire Bay pour le moins stressantes. Rouler vite et bien oblige le joueur à être précis, le moindre choc pouvant être fatal. Au fil des missions, vous découvrirez toutes les possibilités qu'offre ce Mafia II. Trainer un cadavre pour le planquer dans le coffre avant de broyer la bagnole dans une casse de voitures. Neutraliser votre cible sans faire de bruit et sans faire appel à vos armes. Le panel est large et très réussi mais l'on regrette alors une découverte, c'est que plusieurs de ces actions sont possibles uniquement dans le cadre d'une mission, n'imaginez pas tuer discrètement quelqu'un dans la rue en arrivant dans son dos, ne pensez pas que pourrez ensuite mettre votre victime dans le coffre puis le balancer par-dessus un pont. Tout ça n'est pas possible et l'on a du mal à comprendre pourquoi les développeurs se sont emmerdés à ajouter ces limites. Plus loin que ces défauts qui sont finalement commun à tous ces jeux du genre, on ne comprend pas non plus pourquoi Mafia n'a pas imité GTA dans tous les éléments qui permettent plus de réalisme. Un exemple évident, les transports, des bus et un métro traversent la ville mais ne pourront être pris, ni par vous, ni par les PNJ. Les taxis sont anormalement vides, c'est pourtant une animation bienvenue pour donner vie à une rue. Plus dérangeant cette fois, des actions que Tommy pouvait faire et que Vito ne peut pas comme tirer tout en conduisant. Ou des éléments réalistes disparu, nous pouvons entasser les véhicules dans le garage sans problème, conserver les balles d'un chargeur que l'on jette parterre, profiter du recul trop faible de certaines armes néanmoins compensé par une précision réduite dès que l'on tire plus d'une salve ou bien encore la possibilité de porter sous son manteau tout un armement que l'on pourrait imaginer que dans un GTA quand Tommy traînait difficilement une arme de poing et un fusil.


L'ambiance fifties de la ville est savoureuse mais l'on voudrait toujours plus. D'un autre côté, que ce soit Mafia I ou II, aucun n'avait pour ambition de détrôner l'indétrônable GTA, encore moins de lui ressembler. Mafia s'apparente davantage à un jeu d'action qui s'appuie sur un background concret tel que sa cité et ses rues plutôt qu'un monde ouvert où vous vous amuserez à vivre la vie d'un pompier ou à jouer aux fléchettes. Son manque de missions annexes le prouve, une fois le scénario conduit, il n'y a plus qu'à vivre quelques échauffourées avec la police et braquer quelques boutiques. Il y a pourtant des missions annexes mais il ne faut pas les rater, rien sur la carte ne les identifie clairement, à chaque chapitre, il faut aller voir tous les caïds que l'on connaît pour savoir s'ils ont quelque chose à nous confier. Signaler les personnages sur la carte par une couleur définie aurait permis de faciliter le joueur et éviter un inéluctable ennui.

Un gameplay fébrile

Admirer la ville est le seul moteur qui vous poussera réellement à vous promener dans les rues, découvrir Chinatown, les ruelles de Little italy, les bars irlandais de Kingston. Car les braquages eux, finissent vite par se ressembler, vous entrez dans une boutique, vous tuez la caissière, vous prenez l'argent et repartez avant que la police ne débarque et vous n'êtes pas poursuivi. Même dans une armurerie, le commerçant armé de son fusil ne tirera pas le premier ce qui fait qu'une balle dans la tête suffira à mettre tout le monde d'accord. Ces braquages vous permettent d'amasser l'argent avec une simplicité déconcertante mais pas grave puisque vous ne dépenserez cet argent dans rien, bah oui, en braquant la boutique, vous repartez avec tout ce que vous voulez. C'est sûrement pourquoi le scénario nous dépouille plusieurs fois de tout notre argent. Vous l'aurez compris, Mafia II n'est pas un jeu bac à sable.


Et une fois que l'on a compris ça, l'Objet Non Identifié peut à nouveau prendre son envol, on savoure des missions qui peuvent se vanter de nous faire découvrir l'univers carcéral avec brio, de nous faire patauger dans les égouts, de nous faire vendre des cartouches de cigarettes, de ranger des caisses dans un camion. Le tout mêlé de missions au combien plus valorisante pour Vito, des missions qui vous feront visiter l'intérieure d'une villa ou tout un étage d'un hôtel huppé voire dialoguer avec les don les plus respectés de la ville. Enfin, les gunfights seront légions et votre arsenal s'accommodera parfaitement de vos obligations. La visée est simple, la hit-box fonctionne à la perfection et si un coup de fusil à pompe vous fait voir les anges, c'est la même chose pour vos ennemis. Le joueur prend vite en main les diverses options qui s'offre à lui, on pourra dire que le gameplay est banal mais pas plus que GTA IV pour continuer la comparaison. Surtout que le level design viendra parfaire ces situations en proposant des lieux uniques où il est possible de prendre à revers et se mettre à couvert derrière des objets parfois destructibles. Même les phases d'infiltrations permettent d'envisager une mission sous différents angles alors ne vous formalisez pas avec ce point qui vous dit où aller et prenez plutôt le temps de faire le tour d'un bâtiment pour voir s'il n'y aurait pas une autre fenêtre par laquelle entrer.

En revanche, l'IA est en demi-teinte, si pour toujours plus de réalisme, les flics pourront vous coller une amende ou vous lancer une brimade sans que cela se termine en bain de sang. Ils ne sont pas suffisamment réactifs, vous pouvez forcer une serrure devant eux, ils s'en foutent, vous pouvez griller des feux et si vous sortez du lieu d'un braquage avant qu'ils se retrouvent pile devant la vitrine alors ils ne vous trouveront absolument pas suspicieux. A l'inverse, les vrais méchants sont diablement efficaces, ils visent aussi bien que vous, tirent à l'aveugle et peuvent faire des tirs de couvertures pour permettre à l'un de leurs hommes de vous contourner et bien souvent sans le hurler comme un idiot. Heureusement, la quasi-totalité de vos gunfights se feront avec ces derniers sans l'intervention de la police. En mode difficile, le jeu ne mettra pas le joueur à genou, il n'y a pas de missions aussi difficile que la descente de l'immeuble dans Mafia premier du nom par exemple. Vous paierez cash la moindre erreur mais à partir du moment où vous êtes concentré et ne foncez pas dans le tas, vous êtes un winner.

Per aspera ad astra


Dixit le dernier chapitre, par des sentiers ardus, Mafia II tente de monter jusqu'aux étoiles. Il y parviendra pour certains, pour d'autres non. Mais qu'on se le dise, Mafia n'a jamais eu pour ambition d'être un concurrent à GTA, un éditeur comme Take 2 n'est pas idiot au point de cannibaliser ses productions. Comparé avec son grand frère Mafia : The city of Lost Heaven, Mafia II s'avère être un digne successeur et n'hésite d'ailleurs pas à multiplier les clins d'œil. Pour le bonheur des fans, il n'est toujours pas question ici de jouer les conducteurs de taxi, de démolir toute une armée à coup de bazooka ou de traverser un fleuve entier à la nage juste pour le fun. Par contre, la moindre balle peut potentiellement vous tuer, foncer dans un poteau pliera votre voiture si vous n'allez pas suffisamment vite, bref, un jeu aussi réaliste que son prédécesseur. Le studio n'a cependant pas eu le courage de garder toutes les difficultés de gameplay de son ainé à commencer par la gestion des armes et des munitions, on dirait bien que c'est le passage incontournable pour ne pas voir des paquets de joueurs se plaindre.

Mafia II profite d'une narration et de dialogues irrésistibles en anglais, un peu moins en français (dommage de ne pas pouvoir sous-titrer en français) et permet de vivre un scénario solide dont le plaisir dépendra des goûts de chacun. Ce scénario écrit par Daniel Vavra, déjà scénariste unique de Mafia : The city of Lost Heaven, donne cependant la désagréable impression qu'il manque des chapitres, un sentiment qui se complète avec l'énorme potentiel des personnages qui n'a pas été utilisé par le studio et la durée de vie qui, si elle est correcte semble pour le moins faiblarde pour un tel jeu. L'ambiance est quant à elle au rendez-vous et visiter la ville aussi bien l'hiver que l'été donne un cachet indéniable aux décors.

En définitive, on vit une belle aventure dans une ambiance mafieuse d'exception et lorsque l'on replace le jeu dans son contexte, un jeu d'action peaufiné jusqu'au bout du bout, les défauts deviennent mineurs. D'une certaine manière, 2K Games et 2K Czech l'avouent eux-mêmes en proposant le jeu pour la modique somme de 35€ et à ce tarif, les nostalgiques de la Mafia traditionnelle en auront pour leur argent. Notons que ce prix attractif sera vite compensé par des DLC en pagaille et certains geeks ont déjà décelé les méthodes douteuses de 2k Games et les DLC que les joueurs PC ont connu avec Bioshock 2. Finalement, le responsable des déceptions des joueurs n'est peut-être pas 2K Czech mais 2K Games. Cela me rappelle Activision et Blizzard.
pathfinding
8
Écrit par

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur.

Créée

le 10 oct. 2010

Critique lue 260 fois

1 j'aime

pathfinding

Écrit par

Critique lue 260 fois

1

D'autres avis sur Mafia II

Mafia II
artificier
9

Critique de Mafia II par artificier

Franchement je vous le dis, GTA avait de sacrés soucis. Il offrait une liberté mais honte à ceux qui osait dire liberté "totale". Au contraire, on se retrouvait libre de ses mouvements à pouvoir :...

le 9 nov. 2010

27 j'aime

6

Mafia II
Calaius
9

Critique de Mafia II par Calaius

Quand j'ai lancé le jeu, je pensais qu'au final je lui mettrais une moins bonne note qu'à Mafia premier du nom. Et en fait non. Une véritable claque immersive, voilà ce que ce jeu représente pour...

le 28 août 2010

25 j'aime

2

Mafia II
upselo
4

Le cul entre deux voitures

Le problème avec Mafia II, ce n'est pas que c'est déplaisant à jouer, il est assez inoffensif de ce point de vue là. C'est plutôt que je n'ai pas l'impression qu'il sache ce qu'il veut raconter, j'ai...

le 15 avr. 2011

19 j'aime

1

Du même critique

Velvet Assassin
pathfinding
8

Criant de vérité

S'il y a des jeux qui vous prennent les tripes, qui viennent ébranler ce pourquoi est fait un jeu vidéo : le divertissement. Velvet Assassin en fait partie. Se déroulant durant la fin de la Seconde...

le 9 oct. 2010

9 j'aime

3

NightSky
pathfinding
8

Critique de NightSky par pathfinding

NightSky est un jeu de réflexion développé et édité par Nicalis. Il est disponible depuis le 6 janvier 2011 en téléchargement. Le jeu nous propose de diriger une bille à travers une série de tableaux...

le 29 janv. 2011

8 j'aime

2

Two Worlds II
pathfinding
6

Critique de Two Worlds II par pathfinding

Seconde tentative dans l'univers impitoyable du RPG pour le studio polonais Reality Pump. Après un premier essai qui a eu le mérite de laisser une trace chez tous les joueurs, soit par ses bonnes...

le 2 déc. 2010

7 j'aime