Le meilleur film de l'histoire des jeux vidéos (ou l'inverse)

En finissant Metal Gear Solid 3 : Snake Eater, j’avais une sorte de boule au ventre assez difficile à contenir. Finir MGS3 signifiait, finir le dernier grand Metal Gear aux yeux du public. Tout ce qui passait ensuite n’était que du réchauffé, du sympathique sans plus, du moins bon. Alors quelle ne fût pas ma surprise quand, en lançant Metal Gear Solid 4 : Guns of the Patriots je compris que la saga me réservait encore bien des surprise.


C’est simple, j’ai fini le jeu en six jours, je ne l’ai pas lâché. J’avais cet éternelle envie de retrouver tous ces personnages et de savoir comment ça allait se terminer. Parce que oui, même si je connaissais la scène finale dans un cimetière, je ne savais rien d’autre du récit de ce Guns of the Patriots si ce n’est qu’il mettait les bouchées doubles en matière de fan-service. Il faut dire aussi que l’approche de cet épisode a tout pour me surprendre et c’est sans doute ce qui fait que j’ai été à ce point comblé.


Non, à aucun moment, Guns of the Patriots se veut être un jeu vidéo attractif. Ce que Hideo Kojima veut avant tout, c’est conclure son histoire. Conclure une licence vieille de vingt ans. Et même si d’autres épisodes sont apparus par la suite, Guns of the Patriots est la Fin. Et plus encore que la Fin, Guns of the Patriots se pose comme la synthèse des Metal Gear Solid, ni plus ni moins. Il est pensé sous ce prisme, pensé pour tout conclure, invoquer tous les éléments de la saga pour y poser une réflexion et un regard teinté de nostalgie. Alors oui, c’est une forme de fan-service, on fait revenir tous les personnages qu’on a aimé, on retrouve des lieux clés des opus précédents, on fait revenir des thèmes musicaux cultes, mais pour moi, ça n’a jamais paru vain, ça m’a même paru nécessaire.


A ce moment-là, logique que le gameplay soit calibré pour soutenir l’histoire plutôt que l’inverse. Ça a toujours été la marque de fabrique des MGS, quitte à rendre certains passages lourdingues. Moi, je m’en fous un peu que la déambulation dans Shadow Moses se fasse dans le plus grand des silences avec très peu d’action, l’intérêt n’est pas là, il est dans la narration, dans l’émotion qu’un tel lieu peut procurer pour les personnages et pour le joueur. Et ça, c’est une chose dont Kojima a tout à fait conscience. Son histoire avant tout, ses délires avant tout, perso, je suis totalement enclin à le comprendre.


Mais même en délaissant en parti son gameplay, je trouve que Kojima ne se fout pas de notre gueule. L’infiltration n’a jamais été aussi variée que dans Guns of the Patriots. Et ça, c’est notamment dû à la pluralité des lieux. Ici, il n’est plus question d’un incident dans un lieu précis (Shadow Moses, Big Shell) mais d’une aventure qui se déroule aux quatre coins du globe. Une aventure en cinq actes où chacun propose des alternatives intéressantes en matière d’infiltration. Pour la première fois, on s’infiltre en pleine guérilla au Moyen-Orient et en Afrique du Sud. Pour la première fois, on fait du pistage en suivant des traces de pas tandis que des mercenaires tentent de nous retrouver dans une forêt. Pour la première fois, on fait de la filature dans une ville d’Europe de l’Est. Bref, on évoque plein de formes d’infiltration dans des lieux différents et ça marche. Et même pour des mecs comme moi qui ont tendance à la jouer bourrin en tirant partout dès que je suis repéré, ça m’a forcé à être plus discret, notamment lors de la filature. Donc même quand je dis que Kojima a délaissé son gameplay, c’est en parti faux. D’autant plus que niveau équipement en armes et instruments d’infiltration, on n’a jamais été aussi mieux servi. Cette tenue de caméléon non mais quelle classe. Le Snake Eye, quelle tuerie. Le Metal Gear Mark II d’Otacon, l’Octo Camo, y a tout un panel d’outils vraiment cools à utiliser pour peu qu’on s’y attarde. Donc pour moi, le contrat du gameplay, il est rempli. On peut cracher dans la soupe en clamant que ces phases de gameplay sont noyées sous le flot de cinématiques longues à en crever, mais si on les prend à part, elles sont efficaces comme ça a rarement été le cas dans les MGS.


Mais là encore, moi, quand j’ai lancé Guns of the Patriots, ce n’était pas pour le jeu mais bien pour l’histoire. Une histoire complexe et riche, cela va de soi, mais surtout contée par monsieur Kojima. Ce qui inclut des aberrances assez folles, un quatrième mur brisé et un ton qui oscille constamment entre moments épiques sulfureux (l’acte final) et purs moments WTF (Akiba et son énorme diarrhée ou Mantis ne pouvant plus lire nos pensées car la PS3 n'utilise plus de carte mémoire). Et je sais pas vous, mais moi, dans cet épisode, j’ai été happé comme j’ai rarement été happé devant un jeu vidéo. Plus encore que devant Sons of Liberty qui est pourtant mon MGS préféré. Parce qu’au-delà d’incarner Solid Snake (incroyable performance vocale de David Hayter), j’avais l’impression de suivre un personnage qui atteignait le paroxysme de son écriture. Jamais Snake n’avait été aussi passionnant à suivre, et ça, c’est évidemment grâce aux nombreuses cinématiques. Ça joue aussi avec la présence de pas mal de personnages et ses interactions avec eux. Faire revenir Meryl, c’était évident, pareil pour Raiden ou Naomie Hunter. Là où Snake était toujours un personnage solitaire (si on omet son amitié avec Otacon), ici, il brille par les relations qu’il entretien avec les autres. Ce moment touchant où Sunny demande où est passé Snake à Otacon, se demandant si elle pourra le revoir un jour, ça m’a touché en plein cœur, ça m’a fait réaliser à quel point, il était devenu important pour moi. J’ai aimé Snake, j’ai aimé sa dualité avec son frère Liquid (combat final exceptionnel), j’ai aimé le voir vieillir et faiblir notamment dans le passage des micro-ondes où il n’a jamais été aussi vulnérable et héroïque. Et j’ai pleuré en lui disant adieu. Sans m’en rendre compte, Snake était devenu le personnage de jeu vidéo le plus complet à mes yeux. Logique quand on développe un protagoniste sur vingt ans de jeux. Ça en dit long sur le talent de Kojima mais aussi le culot qu’il a eu d’étendre un récit sur plusieurs jeux, chose finalement rarissime dans ce médium (surtout en 2008). Au final, Snake a atteint la qualité d’écriture qu’ont pu avoir Joel et Ellie de The Last of Us, cinq ans avant. J’appelle ça, un exploit.


Donc oui, d’accord, le jeu a ses longueurs, les briefings de trente minutes où les personnages méditent sur la qualité des œufs de Sunny, ça peut faire chier, mais ça n’est pas si vain puisque ça les rend juste…plus humains (on n'fait pas une omelette sans casser les oeufs, ahaha). Mais le jeu a tellement de moments uniques et intenses que c’est ceux-là que j’ai envie de retenir : le passage à Shadow Moses, la scène finale, la course-poursuite à moto en Europe de l’Est, les micro-ondes suivis du combat final, probablement un des moments les plus intenses que j’ai pu voir devant un jeu vidéo. Pour moi, ça n’a pas de prix et ça me donne envie de tout oublier pour tout recommencer à zéro. Peut-être, je me suis fait prendre par ce fameux fan-service si décrié par beaucoup. On pourra me le reprocher, évoquer certains points que je n’ai pas soulevé dans cette critique (les boss moyens, le côté très décousu du récit dû au découpage en cinq actes), et je suis tout à fait enclin à les entendre et même à les comprendre. Mais que voulez-vous, le jeu a eu cet effet sur moi que peu ont réussi à véhiculer, même au sein des Metal Gear Solid en général. Le sentiment d’avoir affaire à quelque chose de grand, d’imparfait certes, mais de sincère et unique, alors juste pour ça…merci Hideo.

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le 18 janv. 2023

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James-Betaman

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