Metal gear ??


Peut-on commencer une des plus grandes sagas du jeu vidéo par son cinquième et dernier épisode ? Evidemment, c'est ce que j'ai fait. De là à recommander l’expérience il reste du chemin à parcourir tant la rencontre fut déstabilisante. Il faut dire que Metal Gear Solid 5 : the Phantom Pain ne facilita pas non plus la tâche en se présentant par le biais d’une longue cinématique parvenant à rassembler un type en feu, son cheval visiblement dans le même état et un gamin affublé d’un masque à gaz lévitant sans efforts. Ma confusion fut encore plus grande quand le jeu me proposa un menu de création de personnage, avec tous les bons instruments pour façonner un fier soldat, dont il est possible de déterminer la date de naissance, pour ensuite me faire jouer le Punished « Venom » Snake, a.k.a Big Boss pour les intimes, avec sa tronche telle qu’elle est présentée sur la couverture du jeu. Pourtant la cinématique qui précédait parlait explicitement d’une opération chirurgicale pour changer le visage de Big Boss. Cette confusion, voulue par Kojima, était renforcé par ma méconnaissance de la série. Bref au bout d’une mission c’était déjà le bordel dans ma tête.


Le premier contact avec l’infiltration saveur Kojima fut également âpre. Habitué au genre par le biais des récents Deus Ex et les Dishonored d’Arkane, j’en découvrais une vision bien plus rigide et froide. La faute à un level design ouvert et peu vertical qui rend la tâche fastidieuse. Pas facile d’être discret quand les seuls couverts disponibles sont quelques hautes herbes au milieu d’une plaine. On peut également incriminer le système de sauvegarde, fonctionnant de manière automatique à des checkpoints définis, sans possibilité de sauvegarde manuelle. Ce qui se traduit concrètement par la nécessité de tout recommencer en cas de pépin au cours de l’infiltration, si on veut faire le jeu en mode fantôme (oui.). Le constat s’imposa de lui-même : ce n’était pas l’infiltration confort de Dishonored ou Deus Ex avec ses pouvoirs, son level design et ses quicksaves permissives, qui incitaient le joueur à expérimenter les techniques les plus débiles pour abuser l’IA du jeu. De plus, le jeu nous oblige souvent à marcher de longues minutes avant de pouvoir accéder à l’action, ce qui n’est pas pratique du tout. Il est ainsi beaucoup plus avantageux de repasser par les menus entre deux missions se déroulant dans la même zone. La base est également atteinte par ce syndrome, et après quelques minutes d’exploration on laissera les plateformes annexes de côté pour se concentrer sur le vrai jeu. Rapidement frustré par ce mauvais départ, je lâchais MGS après quelques heures au cours de l’été 2016.


Je décidais de donner au jeu une seconde chance deux ans plus tard, en avril 2018, bien décidé à dépasser mes premières impressions. Quelques heures plus tard, j’ai appris à apprécier l’expérience proposée. Si j’ai qualifié l’infiltration façon Arkane d’infiltration confort, le meilleur moyen de décrire ce que MGS5 a à proposer serait l’infiltration gestion de crise. Avec un personnage cloué au sol, on sait qu’on va finir par se faire avoir d’un moment à l’autre, et le système de sauvegarde nous incite fortement à ne pas relancer et assumer nos responsabilités dans la tournure que prend la mission. Quand on est repéré, on sort les flingues et on arrose tout ce qui bouge en pleurant toutes ces recrues potentielles gâchées. Cet aspect gestion de crise se transcrit parfaitement par le bullet time qui s’active lorsqu’on se fait chopper la main dans le sac, il faut absolument se débarrasser de ce témoin embarrassant avant qu’il ne se remette de ses émotions et n’alerte ses camarades. Les erreurs restent très punitives et la stratégie optimale consistera à neutraliser le plus d’ennemis possible avant que ça ne se canarde dans tous les sens.


On n’est pas tout seul


L’infiltration non létale est possible, plus complexe mais récompensée par le jeu : vous pouvez envoyer directement les ennemis endormis ou dans les vapes à votre base flambant neuve pour les recruter dans vos forces armées de mercenaires : les Diamond Dogs. Et oui, on ne peut pas être Big Boss sans une bande de larbins à commander. Des soldats qui seront contents de vous voir quand vous rentrerez à la base et qui vous remercieront quand vous vous servirez d’eux pour votre entraînement quotidien aux arts martiaux. C’est con, mais on finit par les apprécier. Ainsi, à votre casquette de soldat légendaire s’ajoute celle de recruteur, parcourant des régions hostiles pour dénicher les talents de demain. Au fur et à mesure que votre staff s’épaissit, de nouvelles possibilités d’action sur le champ de batailles s’ouvrent à vous. Récupérez des traducteurs pour comprendre les communications de l’ennemi, recrutez des membres pour votre équipe de renseignements pour être mieux informé des positions ennemies. C’est en investissant dans votre base et votre équipe que vous deviendrez plus efficace sur le terrain. Mieux équipé et mieux préparé.


Vos alliés les plus précieux seront vos buddies, des compagnons suffisamment doués pour escorter le Big Boss dans ses missions. Le premier d’entre eux, le cheval est assez inutile mais c’est avec Diamond Dog, le loup de combat et Quiet, votre future sniper préférée, que votre éventail de possibilité s’élargira au maximum. Ces deux personnages peuvent recevoir des ordres simples qui vous permettrons d’éliminer plusieurs ennemis simultanément et de vous couvrir dans les fusillades. Vous préférez le metal à la chair ? Pas de problème ; sortez avec un D-Walker, le mécha monoplace officiel des Diamond Dogs. Une fois passées les premières heures de jeu, on se retrouve donc à planifier son infiltration en distribuant les ordres à la volée, tous les systèmes se complètent agréablement et chaque mission est un plaisir. En cas de difficultés sur une mission ou si vous n’avez pas envie de vous prendre la tête, vous pouvez toujours ordonner à Quiet de d'arroser tout ce qui bouge, c’est très fort et ça fait gagner beaucoup de temps.


Tout ceci renforce un trip militaire parfait pour les gens sachant apprécier les échanges bien codifiés entre soldats à leur juste valeur. Vous distribuez les ordres, on vous répond immédiatement avec une grande précision en vous donnant du Boss ! par ci par là. Vous demandez à Quiet de vous couvrir, vous ordonnez une livraison de munitions ou d’un lance-missile pour faire face à une menace inattendue et vos gars se plient en quatre pour vous larguer ce dont vous avez besoin en moins de deux. Vous êtes le Big Boss des Diamond Dogs, vous avez des dizaines de soldats dévoués qui comptent sur vous et vous partez seul en mission en vous assurant de vous montrer à la hauteur de votre réputation. C’est ça MGS5.


Seeing is believing


Vous l’avez compris à ce stade, le gameplay tue. Tellement qu’on lui pardonnera sa manie de forcer des combats de boss dans un jeu d’infiltration, ce qui casse parfois bien le délire. Intéressons-nous au reste. Ce qui choque immédiatement un nouveau venu dans la saga Metal Gear, c’est le sens de la cinématique de Kojima. Elles sont plutôt rares, en général peu bavardes, mais chacune a un impact fou. Ces timings, ces placements de caméra, la gestuelle des personnages… c’est époustouflant. Rarement un jeu vidéo ne m’avait mis une telle claque à ce niveau. Chapeau bas.
L’histoire est aussi plutôt pas mal foutue. Malgré une bonne dose de remplissage à base de missions secondaires pour l'histoire mais présentées comme principales, la sauce prend bien, le plan de l’ennemi est dévoilé de façon progressive et Kojima sait comment susciter la curiosité du joueur avec des concepts barrés qui donnent des visuels assez fous. Combinés à ses talents de réalisation, ça livre des scènes grandioses, dégoûtantes, quoiqu’il en soit, ça ne laisse pas indemne. On pourra se plaindre de la volée de cassettes que le jeu nous balance à chaque fin de mission pour servir de background au jeu, mais entre ça et des pavés de notes à la con, y’a pas photo. Si vous vous fichez du scénario vous pouvez les laisser tomber, sinon elles font office de distraction pendant que Big Boss marche dans la savane jusqu’au camp de soviets qu’il doit infiltrer.


J’sens plus mes jambes


La plus grande partie des thématiques abordées dans MGS5 tourne autour de la phantom pain, douleur fantôme, cette douleur ressentie par les amputés au niveau du membre qu’ils ont perdu. Cette douleur c’est celle du Big Boss et de son lieutenant Miller, qui ont tous deux perdus des membres. Mais elle se retrouve aussi sous une forme plus générale dans le titre : c’est la douleur de ce qui nous manque. Ainsi, le Boss et Miller sont tourmentés par la perte de la première Mother Base et de leurs troupes et amis qui y résidaient il y a 9 ans et sont en quête de vengeance. La perte de soldats des Diamond Dogs est également vécue durement par les différents protagonistes. Ce sentiment de manque est aussi, par un concours de circonstances, ressenti par le joueur. C’est en effet une bonne partie du contenu qui a été amputée du jeu et le scénario se retrouve brutalement coupé avant la fin prévue par Kojima. Le développement du jeu à été mouvementé et perturbé par les relations du studio avec Konami se détériorant progressivement. Le jeu est sorti avant d’être terminé, et après tellement de moments agréables passé sur un jeu si généreux avec ses joueurs, l’absence d’une vraie fin se fait douloureusement sentir, d’autant plus qu’il s’agit du dernier jeu Metal Gear de Kojima. On sent d’ailleurs que ce dernier a tout fait pour essayer de combler les trous mais rien n’y fit. MGS5 est sorti amputé de son développement et rejoindra donc le club des jeux dont le concept a fini par prendre forme matérielle.


Quoi qu’il en soit, MGS5 est un diamant brut, un jeu fantastique malgré ses imperfections marquées qui témoigne tout l’amour que Kojima porte à sa série et le respect qu’il manifeste envers les joueurs.

HolyDonut
8
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le 24 mai 2018

Critique lue 277 fois

HolyDonut

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