Metro Exodus
7.3
Metro Exodus

Jeu de 4A Games et Deep Silver (2019PC)

Les deux premiers jeux de la saga post-apocalyptique Metro étaient des FPS ultra linéaires, dont le plus grand défaut était de se cantonner quasi exclusivement à un environnement souterrain répétitif et peu inspiré. 6 ans après le dernier opus, les développeurs de 4A Games se sont probablement dit que la Russie avait d’autres choses à montrer que des rames de métro abandonnés. Et ils ont eu raison, parce que la Russie du futur, c’est aussi un wasteland irradié infesté de mutants, de cannibales, de sectes et d’esclavagistes. Vivement 2036.

Regarder le train qui passe



Plastiquement, Metro Exodus est magnifique. C’est même probablement un des plus beaux jeux disponibles actuellement sur PC. Les toundras enneigées succèdent aux déserts ensablés et aux espaces verdoyants. Chaque environnement est un nouvel étalon du post-apo réaliste vidéoludique.
Cette esthétique est sublimée par son interface utilisateur minimale. Le HUD n’apparaît que dans les situations où il est indispensable, et la plupart des informations sont données au joueur directement via une panoplie de gadgets incorporés au bracelet high-tech du protagoniste (compteur Geiger, boussole, radar indicateur d’ennemis, durée du filtre du masque à gaz…). La carte de la zone et l’objectif actuel sont inscrits sur un porte-bloc, que l’on peut consulter en temps réel, à la manière d’un Far Cry 2. Résultat, aucune information superficielle ne vient interrompre l’immersion.
Pour parfaire le tableau, le sound design est impeccable, qu’il s’agisse de bruits environnementaux (mention spéciale aux tumbleweeds qui manquent de me donner une crise cardiaque quand ils bruissent à côté de moi), du punch des armes à feu (malgré des armes silencieuses un poil trop bruyantes) ou des cris des mutants, tous uniques et identifiables.

L’ouverture des portes



Metro 2033 et Metro Last Light aussi étaient beaux. Mais ils étaient aussi répétitifs et très mal rythmés. Les gars de 4A Games ont dû s’en apercevoir, et après avoir réalisé (comme nous tous) que S.T.A.L.K.E.R. 2 ne sortira jamais, ils se sont dit qu’il y avait peut-être un bon coup à jouer.
Parce que oui, la grande force de ce dernier Metro, c’est qu’il troque les souterrains linéaires pour des environnements plus ouverts que le joueur est libre d’explorer comme il le souhaite. Les points d'intérêts annexes se mélangent aux objectifs principaux, et on sera parfois agréablement surpris de voir qu’on nous envoie récupérer un wagon dans un repaire de bandits que l’on avait déjà nettoyé une heure avant. Le jeu alterne avec brio entre phases d’exploration libre et missions dans des environnements linéaires très bien conçus. Lors de ces passages, la liberté du joueur est certes entravée, mais surtout compensée par une excellente narration environnementale et un level design plutôt inspiré. On se rappellera entre autres du repaire du poisson chat géant vénéré par la secte d’illuminés, ou de l’ancien bunker gouvernemental infesté d’araignées géantes photophobes.

La clique de l’Orient-Express



Globalement, cette force narrative constitue un des véritables piliers de l'expérience Metro Exodus, puisqu’elle donne du corps et de la vie au wasteland. Un wasteland que l’on prendra plaisir à parcourir avec notre crew, notre équipage de fortune dont la taille variera au fil de événements. On se plaira à voyager en train et à entendre ce que les divers personnages ont à nous dire, et à se dire entre eux. Pour un dépaysement et une immersion totale, il faudra préférer les voix russes aux voix anglaises. Les dialogues sont longs, bien écrits et ne nécessitent pas toujours la présence du protagoniste pour exister, ce qui confère au train une ambiance de vie très réussie, qui rappelle un peu le camp de la troupe de Red Dead Redemption II. On parvient même à oublier que notre personnage, Artyom, semble faire preuve d’un mutisme circonstanciel permanent, sans doute moins motivé par une volonté de narration que dans un soucis de cohérence par rapport aux précédents opus de la franchise.
À la manière d’un road movie, on comprend vite que la destination de notre périple importe peu comparé au plaisir même du voyage. Et traverser la Russie au sein d’un train à compartiments, c’est le fantasme même de toute personne qui porte l’envie de voyage et d’escapade dans son cœur. Et après de longues heures à arpenter un wasteland pour le moins inhospitalier, quel bonheur de retrouver l’ambiance chaleureuse du train pour continuer le périple en sécurité.

The Lastov Us



Car dès lors que le protagoniste sort de sa confortable couchette pour explorer le monde qui l’entoure, c’est un monde post-apocalyptique dangereux qui l’attend. Un monde dans lequel il devra survivre tant bien que mal. Un monde dans lequel les ressources sont rares et où un headshot raté peut-être fatal.
En mode difficile, Metro Exodus est un jeu de choix. Pas de choix narratifs à la feu Telltale Games, non, de choix de gameplay. Dans les deux premiers jeux de la saga, toute l’économie du jeu était fondée sur le fait que les munitions servaient également de monnaie. Un concept séduisant sur le papier, mais qui, dans les faits, m’ont fait éviter soigneusement tous les marchands du métro afin de conserver la totalité de mes munitions. Dans Exodus, on sort de la société à peu près définie des métros souterrains de Moscou, il n’y a plus de marchands, plus d’économie.
Maintenant, tout est régi par le loot et le crafting. Des systèmes simplifiés car il n’existe que deux types de ressources, qui permettent de crafter tous les les consommables du jeu : munitions, filtres à air, trousses de secours, grenades, couteaux… Le problème, c’est que ces deux ressources sont rares, et que le craft est relativement coûteux. Le joueur doit donc choisir la priorité du moment, car il est constamment en flux tendu. À la manière d’un The Last Of Us, le craft s’effectue aussi en temps réel, et les passages où l’on est contraint de fabriquer une trousse de soin dans l’urgence offrent de savoureux moments de tension.
Le concept de choix lié aux ressources se retrouvent également dans l’exploration. Au fil de nos repérages dans une zone, on découvrira divers points d'intérêts. Mais à la différence d’un open-world moderne lambda, et au grand dam des complétionistes, tous les lieux n’ont pas vocation à être explorés. Puisque l’accumulation de ressources est au cœur de l’expérience, il convient de juger chaque situation selon ratio risque/récompense. Il faut donc jauger le danger potentiel d’un lieu et surtout, son coût en munition, et donc en ressource. Un campement de bandit ? Chouette, je vais pouvoir m’infiltrer en alignant discrètement les headshot et fouiller leurs armes et leurs cadavres. Une station-service infesté de mutants humanoïdes ? Si je les alerte, je risque d’y passer toutes mes cartouches de fusil à pompe, on va plutôt les contourner. Et c’est plutôt rafraîchissant d’avoir ce choix dans l’exploration, de ne pas se sentir forcé à sonder tous les recoins de la carte. C’est mettre du gameplay concret au service de son propos : arpenter une zone dangereuse avec des objectifs précis : accumuler des ressources et effectuer les missions ponctuelles justifiées par le scénario. Pour le reste, on n’est pas là pour faire du tourisme.
Avec Metro Exodus, la saga de 4A Games réussit avec une élégante insolence son passage en monde (semi) ouvert. Son esthétique impeccable, sa maîtrise du rythme et son gameplay en total cohérence avec sa narration en font une oeuvre majeure du post-apo vidéoludique. On espère que certains sauront en prendre note.

HDogson
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le 26 mai 2019

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