Petit, quand j’étais trainé contre mon gré en promenade dominicale je troquais souvent ma mauvaise humeur contre une glace ou un arrêt à la place de jeu. Devant mon marchandage avide, mon grand-père me faisait à chaque fois remarquer que le plaisir de la promenade n’était pas dans l’objectif mais dans la marche elle-même. Un conseil dont Ori & the Blind Forest a su faire bon usage contrairement à moi.


Le premier élément indispensable d’une bonne balade, c’est le cadre. Le plaisir n’est pas le même que l’on déambule dans une décharge ou une belle forêt. Sans surprise et comme son nom l’indique, dans Ori le joueur explorera les sous-bois d’une imposante forêt lors d’une promenade dans un univers d’un seul tenant. Si certains usent de ce stratagème pour donner une illusion de liberté, Ori propose un monde dont le joueur peut réellement s’emparer. Evidemment, on trouve une trame principale non négociable mais tout ce qui l’entoure est sujet à modification. Suivant son talent, ses choix dans l’arbre de compétences et sa curiosité, le joueur pourra élargir plus ou moins vite sa palette de possibilités. Ainsi, les passages obligés pourront se négocier bien différemment selon que l’on ait débloqué le triple saut ou plutôt augmenté la puissance de son attaque principale. On n’ose d’ailleurs imaginer le défi qu’a dû représenter le design de la forêt pour qu’elle garde une consistance en tout temps malgré la grande liberté laissée au promeneur. Ori ne tombe jamais dans la facilité: là où beaucoup se contentent de mettre une porte rouge qui se débloque avec un pouvoir idoine, ici chaque recoin caché de la carte demande au joueur un minimum de jugeote et une solution originale pour y accéder. Une façon d’aborder la promenade qui force le respect tant Ori semble se plier en quatre pour nous donner l’envie d’avoir envie.


On retrouve cette même philosophie dans la conception des chaussures, deuxième composant essentiel de notre promenade idyllique. En effet, rien n’est plus frustrant que de déambuler sur de charmants petits sentiers chaussé de talons aiguilles nous massacrant chevilles et doigts de pieds. Là aussi Ori se montre infiniment prévenant: dès la première prise en main, alors que seule une fraction des possibilités de déplacements finales sont disponibles, le joueur a déjà l’impression de pouvoir franchir des montagnes. Tous les mouvements d’Ori se font avec douceur, précision et surtout élégance. Chapeau bas aux artistes qui ont su rendre le ballet enchanteur pour les yeux sans jamais entraver sa précision. D’autant que la palette de mouvements s’enrichit sans jamais s’égarer tout au long de la dizaine d’heures que compte le jeu. Chaque addition présente non seulement de nouvelles possibilités en tant que telles mais vient également enrichir la palette de combinaisons des mouvement existants. Cette richesse culmine d’ailleurs régulièrement dans des séquences de fuites exigeantes et jouissives à la fois.


Lors de l’E3 2014, gonflé de préjugés, j’avais rapidement balayé l’annonce de ce titre par un Microsoft en manque conséquent de jeux indépendants. Avec son intitulé à rallonge, ses visuels éthérés et ses créatures mignonnes « à la Ghibli », Ori & the Blind Forest était trop hipster-écolo pour être honnête. Les chances pour qu’un studio sorti de nulle part accouche d’un jeu digne d’intérêt plutôt que d’une exclusivité bouche-calendrier, me semblaient nulles. Aujourd’hui, je dois bien avouer avoir été touché tant par ses qualités ludiques que son histoires simple mais sincère. Un exploit d’autant plus appréciable que vingt ans après mes marchandages à la petite semaine avec mon grand-père, je ne suis toujours pas un grand amateur de promenades.


Publié sur [uncoindepixel.ch][1]

Sandro
8
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le 10 avr. 2015

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