South Park : The Stick of Truth est une adaptation en RPG de la célèbre série de Trey Parker et Matt Stone. Confié à Obsidian, le développement aura été particulièrement mouvementé suite au naufrage de THQ, éditeur originel du jeu, et à la reprise du projet par Ubisoft. Autant dire que les fans de la série étaient sceptiques quant au résultat final, Obsidian n'étant par ailleurs réputé pour la qualité technique de ses productions. Et pourtant, force est de constater que nous tenons ici la première adaptation vidéoludique de qualité de la licence.

La première chose qui saute aux yeux, c'est bien évidemment la réalisation. On se croirait dans un épisode de la série, au niveau des graphismes bien sûr, mais des voix également grâce à la participation des acteurs officiels. À ce sujet, pas de voix françaises ici malheureusement. Le doublage VO est excellent mais il est regrettable de ne pas avoir le choix de la langue, surtout au vu des qualités de l'adaptation française (bon, sauf les bitonnets de poissons peut-être) et de l'éternel débat qui oppose défenseurs de la VO et de la VF.
Une bonne surprise par contre : Obsidian livre pour une fois un jeu fini techniquement, stable, toujours fluide et avec des temps de chargement plus que raisonnables, même sur mon PC vieillissant. Ce n'est pas l'habitude du studio, espérons que Pillars of Eternity bénéficiera du même soin dans la finition.

The Stick of Truth nous place dans la peau du New Kid, un enfant venant juste d'arriver dans la petite ville du Colorado et envoyé en quête de nouveaux amis par ses parents. On débarque en plein milieu d'un jeu de rôle géant opposant les Humains du Roi Sorcier Cartman et les Elfes menés par Kyle, alors que ces derniers s'emparent du Bâton de Vérité, puissante relique permettant à son possesseur de contrôler l'univers (c'est-à-dire de décider des règles du jeu). Nous voilà chargé de réunir les combattants humains pour reprendre possession du Bâton des mains des elfes, point de départ d'un scénario complètement crétin qui nous retiendra une dizaine d'heures pour la quête principale, un peu plus si on se livre à l'accomplissement des quêtes annexes. South Park oblige, les situations les plus improbables s'enchaînent dans la vulgarité la plus scandaleuse, les références sont innombrables et tout est l'occasion d'un détournement provocateur. Cela commence dès la création du personnage, offrant le choix entre le classique triptyque guerrier-mage-voleur et le juif, ce dernier devenant plus puissant lorsqu'il est proche de la mort... Autre exemple, le mutisme du personnage principal, trait fréquent dans le jeu vidéo, est régulièrement tourné en dérision par les différents protagonistes. Je n'en dévoilerai pas plus pour ne spoiler les gags du jeu mais le rythme des plaisanteries est effréné et on retrouve la quasi totalité des personnages de la série. La participation des créateurs de la série à l'élaboration du scénario permet de respecter parfaitement l'esprit de la série et offre à ce jeu une place cohérente dans l'univers de la franchise.

Mais le plus étonnant sans doute c'est que derrière le fan service permanent, The Stick of Truth est également un excellent jeu de rôles. Le système de combat s'inspire des classiques du J-RPG avec un tour par tour bien old school. À chaque tour, le héros et l'allié qui l'accompagne peuvent utiliser une action ou un objet de soutien (soin, buff, etc.) puis une capacité offensive, que ce soit une attaque classique, une capacité spéciale propre à sa classe (la fronde de David pour le Juif par exemple...) ou une magie (un bon vieux pet, concrètement). L'originalité vient du fait que le joueur reste actif durant le déroulement des actions puisque les différentes attaques nécessitent une combinaison de touches (bourrer une touche, appuyer en rythme, ou autres classiques) et qu'il est possible de diminuer les dégâts reçus par les attaques adverses en se protégeant au bon moment. Possible, et même rapidement nécessaire tant les ennemis font mal lorsqu'on se prend leurs attaques de plein fouet. Ce système force le joueur à rester attentif en permanence et dynamise les combats. De plus, il existe une grande, variété de buffs et debuffs aux effets divers et variés (saignement, ralentissement, énervement, etc.), ce qui permet d'obtenir au final un système de jeu plus profond qu'il n'y parait de prime abord. Rajoutez à cela des animations toujours barrées dans l'esprit irrévérencieux propre à la série (les invocations en particulier sont incroyablement crétines) et vous obtenez des combats vraiment plaisants tout au long de l'aventure.

Alors, ce South Park est-il parfait? Évidemment, non. D'abord, on pourrait reprocher au soft sa durée de vie assez limite pour un RPG. Je ne crois pas cependant que ce soit un véritable défaut dans la mesure où on se retrouve ici face à une aventure extrêmement dense. Rajouter du contenu aurait pu causer une indigestion sur le long terme. Dommage par contre que la plupart des quêtes secondaires ne soient pas très inspirées et sentent un peu le remplissage sans intérêt, même si elles poussent à explorer la map qui reprend la totalité de la ville.
Un autre reproche assez répandu est que le jeu serait trop facile. Je nuancerais cela. D'une part, il convient de jouer en Difficile. Ensuite, comme dit précédemment, les ennemis font excessivement mal dès lors qu'on se rate lors de sa défense. Il est ainsi possible de mourir très rapidement si l'on ne fait pas attention et la vigilance est donc constamment de mise. Enfin, il est tout à fait possible de se rajouter de la difficulté en ne consommant pas de potion pétée à chaque tour comme certains peuvent le faire ; et de jouer Juif de la façon prévue par les développeurs, c'est-à-dire en se laissant en permanence à l'article de la mort pour profiter de dégâts largement renforcés.

Mais plus gênant, le principal reproche que j'adresserais au jeu est sa tendance à recycler de façon excessive des situations déjà rencontrées dans la série. On comprend aisément que le but est d'assurer le fan service mais cela sent parfois le manque d'inspiration, constat qui vaut également pour les dernières saisons de la série, comme si son apogée était derrière elle. Ce n'est pas forcément rédhibitoire puisque l'aspect fan service est on ne peut plus assumé mais cela reste peut-être le seul point qui m'ait vraiment fait tiquer une fois le jeu fini.

South Park : The Stick of Truth est donc indispensable pour tout amateur de la série. Les autres pourront également se laisser séduire par un RPG plus intéressant que ce qu'on aurait pu croire, à condition de ne pas être rebutés par l'humour putassier propre à la franchise. 17 ans après sa création, il était temps de doter la licence d'un jeu de qualité ; c'est désormais chose faite. Merci Obsidian!
Semyaza
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le 23 mai 2014

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Semyaza

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