Un point'n click cyberpunk... Le graal ultime. Mon type de jeu préféré couplé avec mon genre SF préféré. Que demander de plus ?


Ce graal, Wadjet Eye l'a cherché depuis plusieurs années déjà. Gemini Rue était hélas maladroit et mal écrit alors qu'il visait trop haut. Primordia avait une grande cohérence esthétique, mais un gameplay assez rébarbatif, dû à un choix délibéré d'interface vieillotte à la Fallout, et des énigmes soit très basiques, soit immondement dures (pas sûr que mon cousin qui a fait Polytechnique les auraient résolu). Et puis le jeu reprenait un peu trop la recette du personnage principal affublé d'un assistant capable d'atteindre des zones sinon hors d'accès (Joey dans la saga des Blackwell).


Mais ce coup-ci, c'est la bonne. Technobabylon regorge de références pour le fan et est fort bien écrit. La cité de Newton, en Afrique équatoriale, est une conurbation de 9 millions d'habitants peu regardantes sur les tabous habituels, avec de grandes corporations à l'oeuvre, notamment en informatique et en génétique. Un ordinateur d'un calibre jamais vu, Central, administre la cité en temps réel. L'environnement urbain rappelle beaucoup Blade Runner (décorum asiatique, béton et verre déshumanisé), les personnages utilisent un argot qui rappelle un peu celui de l'univers de Neuromancien de W. Gibson (dont on retrouve le goût pour la violence sèche et/ou macabre, le zeppelin, une vision pessimiste mais à certains égards crédible du futur). L'environnement cyber est ici appelé la Trance, on peut s'y connecter grâce à un dispositif organique de nanomachines qui connectent le cerveau.


L'histoire est bien, on suit en alternance une jeune chômeuse douée pour la Trance dont on veut attenter à la vie et un duo de policiers : Max, transsexuelle asiatique qui est la techie du groupe et Regis, le bon vieux flic à cheval sur les principes et autodestructeur, qui se révèle avoir un lourd passé.


Le niveau des énigmes est bien dosé cette fois, j'ai adoré l'idée des modules échangeables sur les synths ; c'est presque parfois trop facile. Surtout, contrairement à d'autres productions Wadjet Eye qui font un peu dans l'économie en terme d'animation, les personnages ont beaucoup de mouvements différents, et la cinématique sur la mort de Vargas, par exemple, est très impressionnante. Il y a tout de même quelques énigmes vraiment retorses, qui vous feront rager, notamment près de la fin. J'ai fini par craquer, moins parce que c'était dur que par impatience de voir la fin.


Globalement, le jeu est bien plus sombre que les précédents Wadjet Eye, vous allez avoir droit cette fois à du démembrement, des corps carbonisés, ou écrasés (ce bruit de l'ascenseur, bon Dieu). J'étais assez surpris, car Dave Gilbert aborde souvent des thématiques profondes, mais sans avoir besoin du sordide. Cela dit cela colle bien avec l'environnement dystopique. On retrouve d'ailleurs des clins d'oeil, en cherchant bien, à l'univers Blackwell (cherchez le succès Dave Goldfarb).


Ce qui fonctionne particulièrement bien, et devrait nous parler plus, c'est le contraste entre la liberté éthérée dont jouit Latha dans la Trance et le monde réel, sinistré, dont elle essaie de s'évader. Les déconnexions de Trance donnent parfaitement cette impression de retombée, c'était bien vu. J'ai regretté qu'on n'évolue pas davantage dans les rues, comme le Trance Den. Au fond, une grande partie de l'intrigue se passe sur des scènes de crime, en général dans les couches supérieurs de la société, et c'est dommage. Une discothèque ou je ne sais quoi, ça aurait été sympa aussi. La durée de vie est raisonnable, mais on est triste que le jeu s'arrête.


Pourquoi pas le maximum ? Je ne sais pas, j'ai déjà eu un gros coup de coeur en cyberpunk avec le Policenauts de Kojima, j'ai du mal à mettre le maximum sur un genre qui me tient autant à coeur. Wadjet Eye a énormément progressé depuis ses premières productions, il reste encore une petite marge d'amélioration au niveau des arrière-plans, souvent assez flous et moyennement jolis. C'est vraiment pour pinailler.

zardoz6704
9
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le 29 déc. 2015

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