The Elder Scrolls V : Winterfell
Le monde du jeu vidéo est un dérivé vulgaire du monde du cinéma, on le savait depuis longtemps grâce aux Call of Medal repompés sur tous les films de guerre, aux Mafia repompés sur La Tante et autres cinématique in-game plus intéressantes que les jeux sus-nommés. Les rares fois où l'on fait le truc en sens inverse, ça donne Street Fighter avec Van Damn ! C'est dire.
Il était une fois le jeu de rôle. Le jeu de rôles était grand, il était beau. Dans la cervelle de trois adolescents pustuleux, le jeu de rôles pouvait créer des cités majestueuses - toujours pourvues d'au mois un bar d'autant plus enfumé et dangereux qu'aucun des joueurs n'en fréquentait - des méchants terrifiants, des histoires magiques. Le jeu de rôle connaissait les siens, et les siens le connaissaient. Un jour, une femme débarqua dans l'histoire et ce fut le début de la fin, comme d'habitude : elle s'appelait "Casualisation dans le monde du jeu vidéo". Son principe, mille fois éprouvé des films ricains sur les méchants indiens jusqu'à l'UMP, était de mettre à la portée du premier corniaud venu ce qui jadis demandait des efforts. Dans ce bel effort de simplification ethnique de la pensée (qui consiste à ne plus voir le monde qu'en noir et blanc) on inventa des sous-genres encore plus débiles : le T-rpg, pour les adorateurs d'excel, le A-rpg, pour les jeunes de la rue, mmorpg, pour les analphabètes fonctionnels.
Finalement, un jour, plus aucun salopard ne sut ce qu'était le Le jeu de rôles, si ce n'est quelques vieux radoteurs pontifiants. On pouvait alors prétendre comme ses concepteurs que Diablo était un jeu de rôle parce qu'on pouvait échanger l'équipement, là, avec des statistiques dessus. Ou Mass Effect pour des raisons analogues.
La casualisation du monde, c'était l'infini à portée de la coulée de bave aux commissures des lèvres des imbéciles.
Vint un jour Daggerfall. Dans une tentative désespérée de nous rendre un peu de l'essence du Le jeu de rôles, on nous balança une tripotée de classes, de compétences, de quêtes plus ou moins toutes bâties sur cinq ou six modèles différents, d'affiliations (plus d'une centaine) et de regroupements (quelques dizaines, la guilde des mages n'était qu'une option parmi beaucoup d'autres). Naturellement, pour de si grandes ambitions la technique était encore loin d'être au point. Mais tout ceux qui se souvenaient avoir saigné des yeux sur les jeux de SSI inspirés des romans d'Ad&d, c'était le début d'une ère nouvelle. Une tentative de refaire un peu de place à l'imagination, avec des lieux variés, des affiliations diverses et de l'aventure à n'en plus savoir qu'en foutre.
Et depuis ce jour, la licence Elder Scroll n'a cessé de rétrécir au lavage, troquant la variété contre la beauté. Bien sûr, ceux d'entre nous qui ont eu le privilège de sortir avec une jolie idiote savons que ce n'est pas la panacée. Une truie géniale n'est pas forcément mieux, mais il y a loin de la coupe aux lèvres. Skyrim est cette fille superbe, que tout le monde regarde discrètement en bavant légèrement, mais dont la profondeur évoque la contribution d'un Berlusconi à son pays : léger, léger.
Si donc, vous n'avez jamais couché au-dessus de vos moyens, et que vous ne vous êtes jamais sentis souillés par la même occasion, Skyrim est certainement le "rpg" que vous attendiez. Il contient même - oh joie - des "finish him !". En fait, Skyrim à le génie de piquer par-ci par-là, sans génie, des morceaux de mods passés de la licence, des morceaux de Fable (un comble !) et sans doute d'autres encore. Si l'on considère que la série n'a jamais cessé de diminuer sa surface de jeu, ses affiliations, sa variété de quête et de donjons, on peut facilement anticiper que The Elder Scroll 23 se passera dans un couloir. Il suffira de marcher jusqu'au bout en récupérant une épée qui traîne, buter le gobelin du fond et crier victoire en franchissant la porte avant une interminable séquence d'auto-congratulations des concepteurs du jeu. C'est fantastique. Ainsi, même des gens qui votent pour le Front National auront les capacités qu'il faut pour en comprendre les tenants et aboutissants.
Merci, Bestheda, c'est pas tous les jours que je me sens un génie grâce à un jeu vidéo. Et merci Game of Thrones pour le reste du jeu !