9/10 ou 10/10 ? …C’est fou mais à chaque fois que je reviens sur cet « Ocarina of Time » ma note change. Et si j’insiste sur ce petit point de détail avant de commencer de vous parler de ce monument du jeu vidéo, c’est parce qu’au fond cela annonce déjà à l’avance mon ressenti à son égard. Si j’hésite en 9/10 et 10/10 c’est quand-même que – grosso modo – je reconnais que ce jeu est une pure bombe ; un jeu sur lequel j’ai passé des centaines d’heures, refaisant à plusieurs reprises l’intrigue principale et la chasse aux cœurs et aux Skultullas… Donc ne vous attendez clairement pas à ce que je désosse salement ce monument car, sur ce point-là, je vais être très consensuel. Mais d’un autre côté, le fait que j’hésite aussi régulièrement à lui mettre 10/10 – et qu’au final d’ailleurs je ne lui mette que la note de 9/10 – ça témoigne malgré tout que j’ai quand-même du mal à être totalement conquis par cet épisode. Pourquoi ? Eh bien justement, je m’explique…


Tout d’abord, permettez-moi de passer les évidences. Oui, il se trouve que je fais partie de ces joueurs qui ont découvert « Ocarina of Time » dans son jus – c’est-à-dire l’année de sa sortie en 1998 – et que, pour moi aussi, sur l’instant, ce fut la baffe cosmique dans ma face. Voir « Zelda » en 3D, c’était merveilleux. Et surtout, voir cette 3D là, à l’époque, c’était le rêve ultime. Il faut vraiment comprendre qu’à l’époque, un espace aussi vaste que la plaine d’Hyrule, en 3D, c’était hallucinant. C’est vraiment le premier jeu de cette génération là à nous avoir refilé une impression de grand espace ; une sensation de véritable exploration d’un monde. Alors ça, cumulé à toute l’esthétique très réussie et très novatrice pour l’époque, mais aussi à la remarquable qualité de la construction des donjons ; mais aussi à la remarquable qualité du narrative design pour nous faire découvrir progressivement ce monde ; mais aussi aux remarquables idées de deux temporalités grands / petits ou bien encore la manière de repenser les équipements en fonction de la 3D, c’était juste brillant. En plus c’était épique à souhait, avec un final absolument dantesque. Non seulement cet épisode était parvenu à reprendre l’essence et la structure de la précédente référence qu’était « A Link to the Past », mais en plus il avait réussi à la transposer vers autre chose. Le gameplay comme l’univers prenaient une nouvelle dimension, et ne croyez pas qu’à l’époque, je ne me suis pas touché sur ça…


Alors pourquoi 9/10 dans ce cas ? Eh bien parce que si je ne renie pas l’énorme plaisir que m’a refilé ce jeu, je n’oublie pas qu’il a aussi été la source de nombreuses frustrations, et qu’au final, ces frustrations, je ne peux pas ne pas les prendre en compte. Autant pour d’autres épisodes je parviens mettre tout ça de côté pour me concentrer sur toutes les magnificences qu’il propose (c’est le cas notamment de « Wind Waker » qui, bien qu’imparfait sur de nombreux points, me transcende à chaque partie). Là, avec cet « Ocarina of Time », certains détails ne passent décidément pas. Et à chaque partie, la crispation revient…


A dire vrai, tout pourrait tenir en une phrase : « quelque chose se brise dès le passage de Link à l’âge adulte. » C’est pourtant l’une des grandes idées de jeu, j’en conviens. Seulement me concernant c’est assez prégnant. Autant j’ai encore des étincelles dans les yeux dès que je repense au début du jeu, autant je n’ai que de vagues souvenirs de tout ce qui concerne l’aventure de Link adulte. Et ça tient en peu de choses – j’en conviens ! – car nombreux sont les donjons et les boss épiques de cette tranche de jeu, mais il y a dans cette partie là en ensemble de détails qui, en convergeant, estompent la magie de cet épisode.


Déjà, il y a ce Link adulte. Rien qu’en lui-même il me pose souci. Je n’aime pas ce Link là. Au-delà d’un simple détail esthétique, c’est tout ce qu’il traduit régulièrement qui me dérange. Il a un petit côté « sourcil froncé » de bad-guy qui, pour moi, ne colle pas à l’atmosphère globale du jeu. Link, pour moi, incarne toujours une certaine forme d’innocence. Certes, c’est une innocence qui se retrouve confrontée à la dureté d’un monde qui va le forger, mais ça n’a jamais été… ça. Gros cris virils à chaque coup, parfois quelques finishs de boss en mode berserk. Ce Link est juste un gros mâle alpha bien bourrin dans lequel j’ai vraiment eu du mal à me projeter. Alors oui, c’est un détail, c’est vrai. Mais visiblement c’est un détail auquel les créateurs de « Zelda » ont aussi été sensibles puisque plus jamais on ne reverra ce type de Link dans les autres épisodes. (Soit on restait du début à la fin avec Link enfant comme ce fut le cas dans « Majora’s Mask » ou « Wind Waker », soit on avait un Link plus adolescent et plus innocent comme ce fut le cas dans « Twilight Princess », « Skyward Sword » ou bien encore le récent « Breath of the Wild ».)


Et malheureusement ce petit détail, cumulé à d’autres, a contribué à faire en sorte que mon expérience de ce Zelda, au lieu d’être une montée régulière en plaisir, fut en fait une expérience qui a vite atteint son plateau. Et encore une fois, le passage à l’âge adulte fut le pivot où toutes les promesses posées par le début du jeu se sont retrouvées arrosées de douche froide. Ma douche froide peut d’ailleurs tenir en un moment qui résume pour moi toutes les sources d’amertume de cette deuxième partie de jeu : c’est l’ouverture du sceau dans le Temple du Temps. Voilà un moment qui aurait pu être iconique s’il avait été traité comme une épreuve ; comme un donjon (ce qui fut d’ailleurs corrigé dans « Wind Waker »). Au lieu de ça, il se réduit à un simple switch qui actionne des dialogues interminables et creux. Un joueur qui vient de « A Link to the Past » était en droit d’attendre un accès au Saint Royaume – là où était censé reposer la Triforce – ce qui se traduisait par le monde des ténèbres dans l’épisode précédent… Là, on a juste droit à une vieille stèle dégueulasse en plein noir et des plâtrées de textes pas très folichonnes. Pleins de détails donnés qui finalement ne va rien changer à l’intrigue qui va suivre, puisqu’au final le message reste aussi basique que dans l’épisode précédent : va faire les courses ! Va libérer les sept sages ! Et on se reparle une fois que le caddy est plein ! Allez biz ! »


En cela, je trouve que cet épisode a clairement manqué une opportunité. Ou plutôt disons qu’il a manqué de maturité. Parce que si les donjons proposés par la suite restent – et j’insiste encore une fois là-dessus – très sympas à faire avec de très bons boss vraiment emblématiques et bien pensés (moi par exemple j’ai adoré le Temple de l’Eau. Oui, je sais, je suis le seul), il n’en demeure pas moins qu’entre ces donjons, il n’y a malheureusement plus grand-chose pour continuer d’enrichir cet univers. L’histoire peine à exister entre ces phases ; le monde se retrouve vite réduit qu’à une simple interface dans laquelle il n’y a plus grand-chose à faire et découvrir ; or, pour moi, ça c’est une erreur en termes d’immersion. Je trouve d’ailleurs très intéressant de constater comment l’épisode suivant, « Majora’s Mask », prend justement le contrepied de cette démarche comme si les développeurs avaient eux-mêmes cerné ce problème…


Mais bon, l’un dans l’autre l’édifice ne s’écroule pas non plus. Le plaisir reste là. La sensation de faire quelque chose qui se complexifie et qui avance se maintient malgré tout lors de cette autre phase de jeu. Et surtout, le passage dans le désert gérudo et l’excellent Temple de l’Esprit (qui est pensé comme une sorte de synthèse du jeu) parvient à effacer temporairement les effets néfastes que je soulignais à l’instant. Reste dans la foulée un final qui tient ses promesses en termes de grande envolée épique. Même si j’aurais préféré une Tour de Ganon du niveau de complexité de celle de « A Link to the Past » plutôt qu’une simple accumulation d’épreuves thématiques agencées sans originalité ni génie, il n’empêche que le combat final contre Ganondorf puis Ganon envoie grave du pâté (encore une fois : selon les standards de l’époque) et conclut tout de même cet épisode sur une très bonne note.


Du coup, oui, malgré ma longue liste de griefs je n’en oublie pas l’essentiel : « Ocarina of Time » reste un jeu exceptionnel qui a marqué son temps. Et oui, il a aussi marqué mon expérience de joueur. Pour être honnête, c’était d’ailleurs cette conclusion qui, dans un premier temps, m’avait quand-même conduit à mettre un 10/10 à ce jeu qui, quoi qu’on en pense, est quand même l’un des immenses tournants de l’Histoire du jeu vidéo. Mais bon voilà : puisqu’on est tous là sur SensCritique dans le but d’exprimer un avis qui nous est propre sur les œuvres, je ne pouvais pas insister sur ce point : c’est que cet « Ocarina of Time » n’est au final pas l’épisode de Zelda qui m’a le plus marqué. Il n’est même pas sur le podium. Il a posé des choses, c’est indéniable. C’est aussi son existence qui a aussi permis les épisodes qui suivront et qui moi m’ont bouleversé, je le reconnais volontiers. Mais que voulez-vous, comme dit l’autre, le cœur a parfois ses raisons que la raison ignore…

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le 26 août 2018

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