On ne peut pas dire qu'on ne s'y attendait pas. La presse spécialisée avait mis en garde les joueurs depuis des mois, les trailers semblaient confirmer leurs dires... Et le jeu ne leur donne malheureusement pas tort. The Order 1886 est tout sauf un jeu qui marquera sa génération.

La faute aux développeurs !

Pas la peine d'y aller avec des pincettes, tout le monde s'est déjà essuyé les pieds sur le costard de Ready At Dawn (oui, dans cette critique, le studio de développement sera un homme en costard).

Il faut dire qu'à faire l'autruche durant des années, la réalité finit inévitablement par vous mettre un violent coup de parpaing dans la face.

Oui, cher monsieur en costume, les joueurs savent ce que sont les QTE. Non, ces mêmes joueurs n'en sont pas adeptes. Ce n'est pas comme si, depuis des années, une frange entière de joueurs s'en plaignait... Ces mécanismes, s'ils étaient distrayants au début parce que rafraîchissants, ont eu tôt fait de faire râler parce qu'ils dépossèdent les joueurs du contrôle plein et entier de leur avatar.
Certes, des jeux comme Heavy Rain ou The Walking Dead ont eu leur lot de défenseurs, mais il s'agissait de jeux exclusivement fondés sur la narration. Votre jeu est, aussi cinématographique soit-il, un jeu d'action, un TPS dans le langage usité en ce domaine. C'est ainsi que vous l'avez promu et vendu, en tout cas.
Que quelques actions contextuelles soient présentes pour d'éventuels finish moves spectaculaires, pourquoi pas. Mais pas pour ouvrir portes et tiroirs, pour taper sur l'épaule d'un comparse ou encore pour soulever une poutre.
On s'imaginait naïvement être débarrassés de ces fichus QTE après que Ryse se soit fait lynché par la critique, précisément sur ce point... Peu importe la raison qui a pu vous laisser imaginer une seule seconde que dans votre jeu cette mécanique pourrait convaincre, notez bien que c'est raté. C'est toujours aussi pénible, chiant et inutile.
Prendre exemple sur Naughty Dog ne serait pas une mauvaise idée. The Last Of Us reste un modèle de narration sans jamais rendre le joueur passif. Des cut-scenes de vingt secondes suffisent pour faire saisir les enjeux. Ensuite...on veut du jeu !

Ah oui, il y a l'argument de l'expérience cinématographique, des mécaniques au service de la narration, des QTE au service de l'histoire.
L'histoire, parlons-en ! Évitons le résumé dans le détail, le jeu est suffisamment peu surprenant pour laisser le joueur découvrir l'univers et la mince intrigue qu'il essaie de développer. Disons simplement que l'on incarne un soldat d'un ordre secret, dans une ville de Londres de fin de XIXème siècle, qui va chercher malgré les embûches à prouver que son ordre n'est pas aussi propre qu'il ne le croyait et surtout que ce dernier essaie de le faire croire.
Difficile au sortir de l'aventure de ne pas se sentir berné. Non seulement l'histoire est sans surprises mais les personnages sont caricaturaux à souhait. Le jeu se paie d'ailleurs le luxe de ne pas donner de conclusions à certaines trames, en conséquence d'offrir une fin aussi brutale que frustrante (et pas au sens où l'on est impatient de jouer à la suite) et surtout de révéler des incohérences pathétiques laissant à dire que le scénariste lui-même n'y a jamais cru. Le pire étant qu'à aucun moment le jeu ne va tenter de nous amener sur une fausse piste ou nous distraire. Non, il reste infiniment sérieux, incohérent et premier degré, se prenant lui-même trop au sérieux. Se prenant lui-même...pour un film.
À signaler également l'absence totale de moments épiques. Rageant pour un jeu qui se veut être l'équivalent vidéoludique d'un film à grand spectacle.

Parce que le gros problème du jeu, c'est bien de ne pas vouloir être un jeu. De vouloir emprunter des codes au cinéma et les appliquer dans un média qui ne peut tout simplement pas se voir copier-coller lesdits codes sans une petite adaptation pour rendre le tout attrayant.
Or, The Order 1886 se contente de nous imposer des QTE durant les cinématiques, même durant les combats de boss, et de nous imposer des phases incroyablement longues où l'on est obligé de marcher pour rejoindre le check-point suivant. Certes, Galahaad (le héros) pète la classe quand il marche et la stylisation est au max mais c'est chiant à mourir. Ces scènes, nombreuses durant l'aventure, durent parfois très longtemps et ne se justifient jamais. On finit d'ailleurs par pester lorsqu'on se rend compte qu'un collectible ne peut être ramassé qu'après un détour, synonyme de temps perdu.
Passons sur les deux bandes noires censées améliorer le confort visuel et la sensation d'être devant un bon gros film hollywoodien, elles ne trompent personne et ne servent qu'à une économie de pixels pour booster la qualité graphique du jeu. Elles ne dérangent pas, ceci dit.
Ce qui dérange, en revanche, c'est le rythme. Là où j'attends d'une œuvre, quelle qu'elle soit, de ne pas m'ennuyer, The Order 1886 a tout faux. Le jeu est court mais les heures sont longues.
Un film d'action dure en moyenne deux heures. Disséquons une peu The Order 1886. Le jeu dure un peu plus de quatre fois ce temps (jeu fini à 100 % en à peine neuf heures). Si l'on enlève les trois heures de cinématiques obligatoires, il nous reste cinq à six heures de vrai jeu (comprendre que le personnage est contrôlable). Excluons les deux heures où le personnage marche aussi lentement qu'une tortue et il nous reste trois à quatre heures de phases de shoot et d'exploration.
Non seulement c'est léger mais ça n'a rien de spécialement réjouissant. Les phases de shoot sont classiques et sans surprises, les armes sont plutôt cools mais ne poussent pas au surpassement de soi face à une IA ennemie littéralement partie aux champignons. Seuls quelques ennemis essayeront de venir vous débusquer de temps en temps pour casser la monotonie des combats.
Un petit mot sur la VF qui fait peine à entendre, du choix des mots complètement raté au doublage par des acteurs naviguant en plein brouillard, c'est un naufrage. La prochaine fois, une VOST sera parfaite.

Ce jeu n'offre aucun plaisir, si ce n'est visuel. Sur ce point, le jeu est inattaquable. On notera juste une fainéantise sans nom concernant la variété des décors. Aucune prise de risque ou tentative à signaler à ce niveau. Quelques jolis plans resteront malgré tout en mémoire en fin de partie. Oui la PS4 en a dans le bidon et ça fait plaisir à voir.
Pour le reste, c'est lent et vide d'intérêt.

Je suis le premier à regretter ce naufrage parce que la direction artistique m'avait réellement saisi et convaincu dès les premières images. Grand amateur de TPS spectacle de type Uncharted, j'étais vraiment enthousiaste.

Alors non, The Order 1886 ne m'a pas plu. Il déploie un univers magnifique et est plein de bonnes intentions mais se tire lui-même des balles dans le pied.
J'aspire malgré tout à une suite. Uncharted était imparfait et les Naughty Dog avait su tirer les leçons de ses erreurs pour en faire une grande saga. Ready At Dawn pourrait améliorer sa recette, en écoutant cette fois les envies et griefs des joueurs. Dommage de ne pas avoir été à l'écoute avant, le potentiel était là.

Créée

le 6 mars 2015

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