Cette critique peut contenir des révélations sur l'intrigue et/ou son dénouement. Merci d'en prendre note.


Après avoir débuté les trois premiers épisodes en 2014, j'avais plus ou moins laissé tomber The Walking Dead : Saison 2 car, pour moi, le personnage principal incarné par la petite Clémentine n'était pas crédible pour un sou. Puis il suffit de se rappeler que le joueur est plongé dans une oeuvre de fiction pour relativiser sur cet aspect déroutant. De l'eau a coulé sous les ponts depuis. C'est donc avec un plaisir coupable que j'ai parcouru l'intégralité de cet épisode deux (10h de jeu à peine) dont le scénario et les personnages ne sont pas si débiles que je ne le pensais. Il est vrai que mon premier avis, à chaud, à l'époque de la sortie du jeu était particulièrement influencé par mon ressenti et l'expérience vécu durant le premier épisode, excellent à juste titre. Néanmoins la suite fait honneur au premier opus malgré une qualité en dent de scie. Mais n'oublions pas le vieil adage : comparaison n'est pas raison.


D'emblée, je démarre avec le plus important et le plus étonnant : le personnage de Clémentine. Ce dernier est très intéressant voire surprenant, bien construit même si complètement surfait sur de nombreux points. Il faut avouer qu'on n'y croit pas à cette petite fille qui se recoud une plaie béante au bras avec une aiguille et du fil de pêche trouvés dans une maison de campagne. Objectivement, l'attitude et les réponses de la fille spirituelle de Lee, durant l'intégralité de cet opus, sont parfois (souvent ?) invraisemblables. Mais malgré tout nous sommes séduits par cette idée de l'enfance bouleversée que Clémentine incarne. Le destin d'une génération qui ne vivra jamais comme les précédentes et c'est d'ailleurs la raison première de la présence de Sarah : un personnage faible destiné à la mort. Plus âgée, cette dernière a connu le monde d'avant l'apocalypse Zombie. Immature car surprotégée par un père, incapable d'accepter et, surtout, d'affronter la violence endémique qui se propage dans le cœur des hommes, Sarah offre un contraste sans équivoque avec Clémentine. Il n'y plus de place pour les faibles dans un monde où règne la loi du plus fort. La loi de la Nature en quelque sorte. Pour le coup, j'ai vraiment "joué le jeu" en construisant au fil de la progression scénaristique un personnage dur à cuir, limite "Rambo", voire chef de clan à 8 ans et demi ! Cela n'a absolument aucun sens mais justement les développeurs mettent tout en oeuvre pour rendre crédible cette situation. On peut féliciter Telltale Game pour ce pari osé et, en réalité, plutôt réussi !


Côté scénario, il y a des situations qui me semblent parfois grotesques. En effet, les personnages ont une propension un peu trop élevée à mon goût à la rixe, à l'engueulade et au désaccord systématique. Ils se chamaillent et/ou s'entretuent pour une simple divergence sur : "on part à gauche ou à droite ?". Dans l'ensemble ça se tient quand même, je pense notamment au personnage structurant de Kenny, paradoxalement instable et émouvant. Il énerve autant qu'il passionne. Pour moi, il reste un de mes personnages favoris car malgré les accès de fureur, pour ne pas dire de folie, dont il est régulièrement capable, c'est un personnage entier qui se donne des objectifs à accomplir coûte que coûte. Il est prêt à reculer devant aucun sacrifice pour parvenir à ses fins (fins souvent nobles au demeurant), ce côté "entier" et sans détour me plaît bien car cela me ressemble un peu quelque part. Mais surtout, les colères incontrôlables peuvent rappeler le défunt Lee dans une certaine mesure tout comme le rôle infiniment complexe de leader qu'essaiera d'endosser notre moustachu tout au long de cette aventure. Kenny est un personnage complexe mais globalement positif car il est doté d'un fond honnête et d'une posture juste, seul les moyens pour mettre en oeuvre ses buts sont discutables.


À contrario, le personnage décisif de Jane pour moi est négatif car elle incarne la dissension au sein du groupe, en soumettant le doute sur les intentions et les agissements de Kenny pour finir par amener involontairement un acte de traîtrise au moment où une partie du groupe souhaite fuir en véhicule (véhicule réparé grâce à la persévérance de Kenny). Certes, Jane voit juste sur les graves troubles de comportement de Kenny, en grande partie dû, par les traumatismes successifs qu'il subit tout au long du premier et second épisode (pertes d'êtres chers principalement) mais elle cherche en réalité à l'éliminer, ou du moins à retourner la majorité du groupe contre lui, peut-être pour effacer un rival, peut-être par expérience sur son propre vécu, à peine évoqué, mais sombre aussi. Dans tous les cas, elle est la dernière arrivée du groupe. Elle ferme sa gueule, suit le mouvement ou quitte le groupe. C'est comme ça que JE vois les choses et, étonnamment, c'est de cette même manière que Kenny aborde le sujet. L'acte final est pour moi le symbole de la perfidie manipulatrice du personnage de Jane qui d'ailleurs ne se cache pas d'essayer d'influencer la petite Clémentine au détour de conversations importantes pour l'intrigue. Jane trouve pertinent de cacher le bébé dans un véhicule et de faire mine d'avoir abandonné le nouveau né aux zombies ou de n'avoir malheureusement rien pu faire pour le sauver d'une mort cruelle. Ceci dans l'unique but de provoquer Kenny et, évidemment de le transformer en Berserk ! Comme idée débile on peut difficilement faire mieux. Essayer de rester soudé coûte que coûte me semble une meilleure alternative. Pour moi, elle mérite clairement de mourir lors du duel final. C'est la raison pour laquelle je choisis de faire vivre Kenny. Jane n'a pas un fond honnête et/ou juste mais semble plus calme et modérée sur le plan des émotions, c'est un fait.


Globalement le scénario ne casse pas trois pattes à un canard, seul les relations complexes entre les personnages sont intéressantes ainsi que l'arrivée de l'hiver, élément perturbateur naturel qui intensifie les tensions. Je ne reviendrai donc pas dessus.


On notera, comme souvent, la possibilité de finir le jeu différemment en fonction de ses choix. Il s'agit d'un plus appréciable et la marque de fabrique des jeux Telltale. Je me demande comment ils vont parvenir à satisfaire tout le monde dans l'épisode trois : entre ceux qui ont fait vivre Jane ou Kenny, ceux qui ont tué l'un ou l'autre etc. Cela risque de tourner au casse-tête et très certainement de décevoir bon nombre de joueurs. Les pourcentages en fin de partie pourraient être utilisés à des fins pernicieuses, du type : "satisfaisons la majorité, la minorité ira se faire voir". Mais ne parlons pas trop vite, qui sait ! Personnellement, j'aimerais revoir le personnage de Kenny qui laisse Clémentine et le bébé au fort des survivants car il ne peut être accueilli par manque de ressources et de places. Nous verrons bien !


Côté maniabilité, c'est toujours à chier au clavier mais j'insiste sur ce gameplay car c'est plus simple pour répondre dans les dialogues avec la souris lorsqu'on a peu de temps. Ajoutons que le jeu est en qwerty, une honte, et que l'unique traduction proposée est en anglais. Scandaleux. On peut légitimement se demander où ils foutent leur pognon puisque ce n'est pas la réalisation graphique de moyenne facture (quand bien même le but recherché est de ressembler à la bande dessinée) ni le salaire des traducteurs qui les étouffent ! Il est important aussi de noter que The Walkind Dead : Saison 2 est bien plus "contemplatif" que le premier épisode. J'ai trouvé qu'il y avait beaucoup moins de phases réellement jouables tout comme il y a plus de choix déterminants à faire dans celui-ci que dans la saison une, ça c'est appréciable.


Pour conclure, le bilan est plutôt positif pour ma part. On peut effectivement reprocher aux scénaristes d'avoir fait de notre chère Clémentine une "SoloJusticeWarrior" mais il faut admettre qu'ils savent mettre en place une histoire haletante pleine de suspense et rebondissements ! Étant donné que la série The Walking Dead par TellTale est une histoire interactive plus qu'un jeu vidéo à proprement parlé, il n'est pas taquin de parler d'une franche réussite. Hâte de voir le prochain épisode prévu bientôt, je crois, et d'observer l'évolution de notre héroïne, désormais jeune adulte, ainsi que toutes les ramifications scénaristiques nouvelles !

Créée

le 2 nov. 2016

Critique lue 308 fois

3 j'aime

3 commentaires

silaxe

Écrit par

Critique lue 308 fois

3
3

D'autres avis sur The Walking Dead : Saison 2

The Walking Dead : Saison 2
Chro
4

Faire l'expérience des choix et de l'altérité. (attention, spoilers)

Par Jérôme Dittmar La première saison de The Walking Dead s'était achevée en enfonçant le clou d'un jeu événement pris désormais comme référence du jeu narratif. La seconde se termine dans une quasi...

Par

le 4 sept. 2014

18 j'aime

1

The Walking Dead : Saison 2
GagReathle
7

Where the sun never shines

Dire que j'ai adoré la première saison de l'adaptation vidéoludique de The Walking Dead est un doux euphémisme tant celle-ci a été pour moi une expérience hors du commun, une tempête émotionnelle qui...

le 28 sept. 2014

18 j'aime

6

Du même critique

Fondation - Le Cycle de Fondation, tome 1
silaxe
5

Il était une fois dans une lointaine galaxie...la déception.

Je vais probablement fâcher beaucoup d'entre vous mais personnellement je n'ai pris aucun plaisir à la lecture de ce premier tome du célèbre cycle d'Asimov. N'étant pas un lecteur adepte de...

le 19 juil. 2015

20 j'aime

7

La Domination masculine
silaxe
8

À lire et à relire !

Il faut dire qu'on fait difficilement plus efficace, plus fort et plus clair que l'écriture de Pierre Bourdieu. Un professeur de sociologie absolument brillant qui s'attaque ici à un sujet difficile...

le 17 janv. 2015

18 j'aime

7