Transistor
7.2
Transistor

Jeu de Supergiant Games (2014PC)

Transistor est un bijou. Voilà, voilà.

Visuellement, le jeu est splendide, l’esthétique maîtrisée. Auditivement, c’est tellement infâme que j’écoute « We All Become » et « Paper Boats » en boucles (avec un s, parce que ce sont des boucles de boucles) depuis plusieurs jours. La voix d’Ashley Barrett sur la musique de Darren Korb est magnifique, et les morceaux électrisés de ce dernier immergent parfaitement le joueur dans l’atmosphère.

Le scénario m’a particulièrement plu, loin des dichotomies faciles et habituelles, et sa construction est précisément cela : une construction. En saupoudrant les informations petit à petit tout au long de l’aventure, parfois dans le déroulement du jeu via le narrateur, prisonnier du transistor, qui découvre les choses en même temps que le joueur, parfois de façon plus détournée, Transistor laisse au joueur la charge de regrouper les miettes pour démêler les tenants et aboutissants. C’est vraiment agréable de pouvoir – et devoir – fouiller les mécaniques de combat pour obtenir les infos qui donnent toute sa profondeur au jeu, en plus des terminaux OVC et des informations a priori superflues qui peignent, l’un après l’autre, le portrait de ce monde de science-fiction ni forcément enviable, ni tout à fait intolérable. Pour ces raisons, je ne peux pas être d’accord avec ceux qui estiment que le jeu se résume à aller de combat en combat – quel intérêt possède le jeu, effectivement, si on se fout de l’histoire et du monde dans lequel on évolue comme d’un trèfle à trois feuilles ? Par nature, un jeu à scénario perd beaucoup d’intérêt si on se fout de l’histoire. Inutile, aussi, de blâmer le jeu et les développeurs si on ne se rend pas compte avant la fin que les éléments de background se débloquent de façon un peu inhabituelle – à part en utilisant les mêmes combinaisons d’un bout à l’autre, ce qui vu le système du jeu dénote quand même d’un fameux manque de curiosité, je ne vois pas comment ça peut se louper très longtemps.

Car le système de combat, original sur certains points et plutôt agréable – si on excepte un côté répétitif au bout d’un moment, mais dans quel jeu un système de combat peut-il vraiment se targuer de ne pas être répétitif ? –, permet un nombre assez hallucinant de techniques et de combinaisons, au vu du nombre pourtant pas exceptionnel de « fonctions » dont on dispose pour attaquer et se défendre. Je n’ai pas arrêté de changer mes combinaisons – pas uniquement pour récupérer les informations scénaristiques, mais aussi, simplement, parce que c’est fun. Jouer, littéralement, à savoir quelles fonctions coupler et sélectionner pour ensuite m’amuser à démonter les ennemis de trente-six façons différentes participe pour une part non négligeable à l’expérience de jeu. Or, ce n’est pas forcément évident à appréhender, et les salles de tests, hors du temps, sont très bien pensées pour découvrir et apprendre à se servir de tous ces outils, ainsi que pour nous pousser à tenter toutes les possibilités. Malgré tout, s’il faut émettre un bémol, on notera que l’on pourra se lasser des ennemis, quoiqu’ils évoluent un peu du début à la fin. Et pour cause, puisqu’ils se comptent sur les doigts de deux mains. Du coup, les combats peuvent eux aussi se révéler lassants, puisque même en modifiant les attaques, il faut bien admettre que les mécaniques restent identiques d’un bout à l’autre. Par ailleurs, j’ai personnellement peu apprécié les chiens, tant ils se révèlent impossibles à appeler pour peu que la situation devienne tendue – or, c’est à ce moment-là qu’on en a le plus besoin.

La difficulté est bien dosée dans la mesure où, à partir d’un certain niveau, le joueur peut choisir de se rajouter volontairement des handicaps – contre quelques pourcents d’expérience en plus. Bien sûr, sans handicap même les plus durs des combats se révéleront bien trop simples. Mais rajoutez au moins 2-3 limiteurs et les dangers de la défaite, ou du risque de défaite, se feront ressentir d’un combat à l’autre, puisque vous serez parfois privés de certaines fonctions clés. Les limiteurs, au nombre de dix – autant qu’il y a d’ennemis –, ne corsent pas bêtement les combats en rendant l’adversaire plus puissant – il n’y en a qu’un qui le fasse –, mais ont chacun un effet distinct. Aucun, en tout cas, n’est anodin. Et c’est une joie de se mettre les handicaps qu’on veut quand on veut, et d’en changer au combat suivant si on le souhaite.

Apparemment, la plupart des testeurs s’accordent sur une durée de vie d’environ 5 heures. Comme d’habitude, j’ai un peu lambiné. En fait, pour une fois, j’ai vraiment beaucoup lambiné. J’aurai donc mis à peu près le double, en me laissant ensevelir sous les détails, en débloquant (presque) toutes les infos de background, en m’imposant des handicaps, bref, en prenant mon temps pour m’imprégner de l’univers et pour m’amuser.

Assurément un titre dont je me souviendrai.
Jeolen
8
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le 17 déc. 2014

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