Watch your mouth

Le premier Watch_dogs m’avait énormément tenté avec son personnage principal de hacker, je m’imaginais toutes les possibilités qu’offrait le piratage de l’environnement, moi qui suis déjà friand des jeux en monde ouvert. Au final, le jeu semble ne pas avoir vraiment tenu ses promesses ; je n’ai pas pu vérifier car même en l’ayant acheté sur PC et en ayant la config nécessaire, impossible de lancer cette merde sans que ça rame dès la cinématique de début.
Tant pis, on m’avait dit que Watch_dogs 2 était meilleur, et pas besoin d’avoir joué au 1 pour autant (bon au final j’ai quand même été paumé car il y a pleins de personnages et d’éléments qu’on ne nous présente pas, mais je peux m’en prendre qu’à moi-même).

Alors le concept de jouer un hacker est plaisant, c’est grisant de pouvoir contrôler un peu tout autour de soi, de piéger des objets, de pirater des passants, de faire dérailler des voitures, et tout ça sans s’arrêter de courir ou de conduire. L’attribution des boutons et l’affiche sont bien pensés, de sorte à ce qu’on exécute les actions de manière fluide, qu’on puisse consulter les applications du portable tout en faisant autre chose en même temps (le seul truc foiré, c’est que pour changer de radio en voiture, il faut appuyer sur deux boutons en même temps, et l’un d’eux sert aussi à passer les dialogues…)
J’ai aussi pris du plaisir à trouver des moyens de grimper sur les bâtiments, et à résoudre les puzzles pour rétablir les réseaux.
En fait le jeu est agréable… tant que les personnages n’ouvrent pas la bouche.

Je pense que pour un jeu AAA, je n’ai jamais entendu des dialogues aussi cataclysmiques.
C’est une catastrophe, une abomination ; je le dirais jamais assez, ces dialogues sont d’une nullité abyssale.
Je sais pas si ça a été écrit par des gamins qui se veulent rebelles et pensent que les adultes parlent tous en disant des vulgarités, ou par un groupe de quinquas qui veulent faire djeunz.
Les répliques sont bourrées de "yo", "toi même tu sais", "bitch" (employé au singulier même quand on s’adresse à plusieurs personnes), elles sont d’une débilité et d’un inintérêt consternant en se voulant drôles, l’humour s’abaisse constamment à celui de pré-ados qui viennent de découvrir le sexe.
Et les doubleurs s’efforcent de sortir ces dialogues de manière naturelle, en vain, car on ne croit jamais à la complicité simulée entre les personnages, on ne ressent aucune alchimie, et c’est encore plus embarrassant à entendre quand ils se marrent pour des blagues qui n’en sont pas. « On va frapper là où ça fait malware » ; je déconne pas, c’est vraiment une réplique du jeu.
Ajoutez à cela des références forcées à des œuvres "geek", à base de name-dropping et de questions qui sortent littéralement de nulle part, du genre « Apocalypse zombie ou Skynet ? ». Il y a même pendant une mission un dialogue de plusieurs minutes pour savoir qui est le plus fort entre Alien et Predator, constitué de remarques insipides où l’on se contente plus ou moins de lister les divers adversaires des deux créatures. Qui veut entendre ça, à part un gosse ?
Ça c’est pour la forme, mais des fois on ne comprend même pas les intentions derrière les dialogues ; il y a une cinématique où les héros découvrent le trailer d’un film d’action d’une lourdeur facepalmique, on voit que les personnages sont à fond dedans, à mimer ce qui se passe à l’écran… et puis quand le trailer est fini, on découvre qu’ils veulent s’attaquer au tournage du film. Hein ? En fait ils ont trouvé ça nul ? Et puis plus tard j’ai cru qu’ils trouvaient de nouveau ça cool au premier degré, j’ai rien compris.

La pauvreté de l’écriture fait que les protagonistes sont des clichés ambulants, sans relief et jamais approfondis. Ils se résument à une caractéristique : la fille, l’afro-américain, l’autiste, et l’obsédé sexuel qui porte tout le temps un masque avec des leds sur les yeux qui font de sa tronche un emoji.
On ne ressent aucune empathie pour eux, et les méchants aussi sont complètement insupportables.
Tous les personnages de hackers tirent leur identité visuelle de ce qui fait le buzz, et qui doit paraître cool aux yeux d’exécutifs chez Ubifost, mais qui est quand même profondément à chier ; ainsi le jeu se réapproprie notamment le langage texto, les selfies, les gifs débilos et les vidéos de type Youtube Poop…
Ce qui est triste aussi c’est qu’en se voulant fun et décalé, au final il manque au jeu la folie et la dérision d’un GTA. Watch_dogs 2 s’y essaye, mais échoue à être à la fois drôle et pertinent, il suffit de voir leur satire ratée de la scientologie et de Tom Cruise…

C’est con, le jeu avait aussi une toile de fond qui aurait pu être intéressante à exploiter ; comme on le dit à un moment, la dystopie Orwellienne n’est pas loin de devenir une réalité, dans un monde où l’on a accès à nos données à cause des objets connectés. Le jeu avait aussi plus ou moins prédit l’usage d’imprimante 3D pour créer des armes.
Mais ça s’arrête là.
Les héros font partie d’un groupe de hackers nommé Dedsec, qui cherchent à s’attaquer aux grosses corporations qui récupèrent les données de la population, mais pour pouvoir se mesurer à ces adversaires… Dedsec dénonce des individus à la façon d’Anonymous, ou fait juste des actions funs pour gagner des followers, dont les appareils vont permettre de booster leur puissance de calcul.
Un concept un peu débile pour justifier qu’on fait tout et n’importe quoi pour combattre Big Brother, et pour remplir le jeu de missions secondaires avant de vraiment s’attaquer à l’ennemi.
Mais à partir de ce concept de base, il y a d’immenses problèmes de cohérence entre le gameplay et l’histoire.
On incarne un type censé militer pour la liberté de la population, qui combat le vol de données, etc… Et en même temps, le jeu nous laisse voler des voitures, de l’argent, ou buter qui on veut.
Ce qui est complètement con, c’est qu’à chaque mission on peut agir de manière pacifique ou hostile, mais quoi qu’on choisisse, ça n’a absolument aucun impact, aucune portée morale, aucune conséquence sur l’histoire. On ne te récompense même pas pour avoir rempli ton objectif en épargnant les innocents, du coup jouer en mode infiltration revient juste à se casser la tête pour rien. Surtout que dès que tu rentres sur une propriété privée, même s’il s’agit juste d’un plateau de tournage, on te tire dessus sans sommation.

Mais même en dehors de ces incohérences, des aspects de gameplay sont mal pensés : des fois tu débutes une mission, et une fois là où tu dois te rendre, tu te rends compte qu’il te manque une amélioration ou un objet, et on ne t’en informe pas du tout.
Je trouve aussi que dès le début du jeu, on te submerge avec toutes les fonctionnalités disponibles, au lieu de les amener progressivement. Et tout du long, il y a un tas de missions secondaires en même temps, le téléphone ne cesse de sonner pour annoncer une nouvelle situation, ce qui fait qu’on perd le fil entre les diverses activités en cours.
Les missions suivent très souvent le même schéma, seul le motif change, et la moitié du temps je ne le saisissais pas, parce que c’est mal expliqué, ou alors dans un jargon qui m’échappe (eh ouais désolé, "zero day" par exemple je sais pas ce que ça veut dire, la moindre des choses c’est de rendre le jeu accessible à tous même en nous plongeant dans un univers qui nous est inconnu).

J’ai arrêté le jeu lorsque le divertissement fourni par le gameplay, à force de faire des missions trop semblables, ne contrebalançait plus suffisamment l’irritation provoquée par les dialogues et le désintérêt suscité par le scénario.

PS : j'ai déjà dit à quel point les dialogues sont pathétiques ?