Avec une base aussi bonne, c'est quasi criminelle de ne pas avoir plus investit dans un retour en fanfare... Mystic Quest quoi, la légende qui a marqué le J-RPG chez nous...
Un de ces titres pionniers du RPG-action sur Game Boy, maladroit mais sincère, qui avait su, malgré ses limites, semer en moi une petite étincelle d’émerveillement vidéoludique. Alors quand j’ai lancé Adventures of Mana, je n’étais pas à la recherche d’un chef-d’œuvre, juste d’une relecture respectueuse. Ce que j’ai trouvé, malheureusement, tient plus du saccage naïf que de la lettre d’amour.
Même si au fond, je suis heureux qu’on parle encore de ce jeu-là aujourd’hui, je ne peux pas m’empêcher de ressentir une vraie gêne devant la manière dont ce remake a été mené.
Le plus cruel, c’est peut-être que la musique est sublime. Réorchestrée avec un soin évident, elle redonne à chaque morceau cette ampleur et cette chaleur qui faisaient déjà chavirer le cœur sur une pauvre Game Boy grésillante. Les thèmes du combat, des donjons, ou celui, inoubliable, de la Tower of Mana, résonnent avec une puissance nostalgique décuplée. C’est simple, sans sa bande-son, ce remake ne tiendrait même pas debout. C’est précisément ça qui fait mal, sentir que le seul élément qui fonctionne vraiment ici, c’est celui qu’ils n’ont pas trop osé toucher.
Car tout le reste… mon Dieu, tout le reste.
Commençons par le visuel, censé donner un souffle nouveau à l’aventure. En vérité, on est face à un jeu qui ressemble davantage à un projet d'étudiants sous Unity, pressés par le temps et les contraintes techniques. Les textures sont plates, les modèles 3D rigides, les environnements fades et sans âme. Pire, Adventures of Mana a ce côté lisse, vide, presque généré procéduralement qui dénature complètement la poésie un peu rugueuse de l’original. Là où la Game Boy suggérait un monde avec trois pixels et beaucoup de cœur, ce remake l’aplatit en un décor générique, à mi-chemin entre un prototype mobile et une production bas de gamme d’un autre âge.
ET NON! Ce n’est pas qu’une question de budget, c’est une question de direction artistique. Ou plutôt, d’absence totale de direction artistique.
Le gameplay, quant à lui, aurait pu être le point de rattrapage. On parle ici d’un action-RPG simple mais fondamental, avec un système de jauge de charge, de coups spéciaux selon les armes, de puzzles légers, de compagnons à l’utilité variable... Rien de révolutionnaire, mais suffisamment de charme pour justifier une réinvention moderne. Sauf que cette modernisation n’a jamais vraiment lieu. Les mécaniques sont restées coincées dans une sorte de passé qui ne dialogue ni avec l’ancien, ni avec le présent. La maniabilité est molle, imprécise, les hitboxes hasardeuses, les collisions bancales. Les combats sont plats, et ce qui devait être tactique dans l’usage des armes ou des compagnons devient vite fastidieux. Le tout baigne dans une interface raide, comme si chaque action demandait deux gestes de trop. À aucun moment je n’ai senti que le jeu me répondait, ou me comprenait.
Je ne parle même pas du rythme général, les allers-retours incessants, le découpage des zones, le manque de fluidité dans les transitions, tout semble figé dans un game design des années 90, mais sans la magie ni la contrainte. Ce n’est pas rétro, c’est paresseux. Au fond, c’est peut-être ce qui m’a le plus perturbé, l’impression que Adventures of Mana est un remake qui coche des cases, mais ne comprend pas pourquoi ces cases existent.
Triste de constaté que les allers-retours et le farming ne me gênait pas à l'époque et qu'aujourd'hui, tous est si rigide que c'est devenu une véritable torture...
Alors oui, l’histoire est toujours là. Elle a ce charme naïf d’une légende racontée sans cynisme, avec son lot de drames et de mystères. Mais même là, la narration est rendue plus terne, moins rythmée, moins impactante, comme si les émotions avaient été repassées à froid. Il y a bien quelques cut-scenes, quelques tentatives d’instaurer une ambiance… mais tout sonne creux, artificiel. Et à force d’être trop respectueux sur certains aspects et trop négligents sur d’autres, le remake finit par faire le grand écart, sans jamais trouver l’équilibre.
Je ne m’attendais pas à une révolution. Juste à retrouver un écho fidèle d’un jeu que j’aimais profondément. Et c’est peut-être ça qui me rend aussi sévère, Adventures of Mana ne trahit pas seulement un classique, il échoue à lui offrir une seconde vie digne de ce nom. C’est un remake qui oublie pourquoi l’original était précieux. Et même si je suis heureux qu’il existe, pour le souvenir, pour la musique, pour l’hommage… je ne peux pas pardonner ce qu’il a fait à ma mémoire.