5 ans après avoir disparu des stores pour des raisons de licences musicales, Alpha Protocol refait un peu parler de lui à l'occasion de sa re-sortie sur GOG. Si j'allais quand même pas payer 20 balles pour un truc qu'a 15 ans, ma poussiéreuse copie steam m'attendais pour un nouvel essai, après deux tentatives infructueuses de terminer une aventure difficile à apprécier, à la fois innovante et largement obsolète.
Si la fiction d'espionnage et le jeu vidéo formaient une combinaison très populaire à une époque, les Splinter Cell, Metal Gear et autres ont surtout l'habitude de se concentrer sur la partie opérationnelle du métier d'agent secret, c'est à dire se planquer dans des fourrés en combinaison tactique. Alpha Protocol tente d'aller au delà du simple enchaînement de missions en prenant la forme d'un RPG très proche de Mass Effect avec tout ce que ça implique en terme de bases d'opérations, de progression non linéaire et de scènes romantiques qui finissent par un fondu au noir. Vous aurez donc le loisir de préparer vos missions en achetant des renseignements au marché noir, de taper la causette à alliés et ennemis très régulièrement, et bien sûr de choisir vos affiliations. L'emphase est mise sur ces dernières et les relations que vous entretiendrez avec les personnages, qui forment le principal intérêt d'une histoire autrement assez banale. Tous un peu zinzins, ils donnent (avec les dialogues) au jeu un ton très série B (volontaire) qui fera son charme si vous y êtes sensible.
Vous pourrez donc vous allier avec, éliminer ou trahir la plupart des personnages tout en gardant une narration cohérente qui brille par sa réactivité. L'effort fourni pour prendre en compte vos dizaines de décisions est assez impressionnant, et même si les habitués repéreront aisément les ficelles, l'influence sur l'aventure est palpable (bien que le canevas reste le même). Obsidian était connu pour la souplesse de ses aventures, le studio réussit ici à la transposer dans un RPG à la narration beaucoup plus cinématique et dirigiste que dans un New Vegas. Ça innove aussi un peu du côté du système de dialogue, où chaque option doit être prise dans un temps imparti et indique un type de réaction plutôt qu'une réponse (cela peut rendre les choix un peu trompeurs, mais surtout à cause de la traduction française ratée). Même si j'ai trouvé que l'impact de mes décisions n'était pas aussi fort que ce qui avait pu être suggéré par d'autres, la performance reste impressionnante.
Tout est donc fait côté narration pour créer l'expérience complète du petit agent secret entre les missions. Et comme vous le savez sans doute, c'est au sein de ces dernières que tout se casse la figure. Malgré quelques trucs sympas, comme l’interaction entre vos choix narratifs et certaines séquences, on reste devant un jeu d'infiltration médiocre dans ses meilleurs moments, épreuve de force dans ses pires et shooter très maladroit le plus souvent. Les qualificatifs ne manquent pas sur la toile pour dire que oui, quand on y joue, c'est quand même pas merveilleux. On notera aussi qu'on trouve les pires animations de gardes que j'ai pu voir dans un jeu vidéo de cette envergure, toutes époques confondues. Parce que c'est moche, aussi, au point de pourrir l'atmosphère. Mais ça aussi, maintenant, c'est connu. Alors la seule question à vous poser en 2024, c'est le jeu en vaut il la chandelle ? Pour moi, ce fut le cas, toutefois après plusieurs essais. L'expérience de jeu reste dans le supportable, le jeu ne dure qu'une dizaine d'heures et surtout, les autres aspects interactifs du titre sont parvenu à maintenir mon intérêt.
En reprenant une structure pourtant classique et l'embarquant dans un univers qui n'avait été que peu exploré sous cet angle (et qui pourtant s'y prête parfaitement), Alpha Protocol essaie de faire quelque chose de neuf avec le jeu d'espionnage. Ça en fait déjà un truc qui vaut le coup d'être tenté. Mais c'est l'exécution partiellement réussie qui déterminera votre appréciation de l'expérience. C'est certes un peu pénible à jouer et, sans être horrible, le gameplay n'arrive que trop peu souvent à atteindre le statut de "cassé mais sympa", qui représente, quand j'y repense, le meilleur dont Obsidian soit capable en termes de sensations de jeu. Mais si vous voulez devenir le véritable héros d'un thriller d'action un peu idiot comme on les aime, Alpha Protocol est sans doute le meilleur candidat (le seul aussi, bon, et alors?).