L’apothéose d’une formule adorée ou détestée
Après des années d’attente, Ubisoft nous plonge enfin dans le Japon féodal avec Assassin’s Creed Shadows. Deux héros, une reconstitution historique ambitieuse, un open world somptueux : tout semblait réuni pour une expérience mémorable. Et si le jeu brille par son cadre et ses mécaniques d’infiltration, il reste aussi prisonnier de la formule RPG-action initiée par Origins et Odyssey.
Une reconstitution historique d’une fidélité bluffante
Ayant eu la chance d’explorer en profondeur la région du Kansai dans la vraie vie, j’ai été littéralement soufflé par la précision de la reconstitution. Koya-san, par exemple, est quasi reproduit à l’identique, jusque dans ses temples, ses sentiers et l’atmosphère si particulière de ce lieu sacré. Peu de joueurs réalisent à quel point recréer un village historique à l’exact relève de l’exploit. Il est bien plus simple d’imaginer une région de toutes pièces que de respecter à la lettre l’architecture et l’aménagement d’un lieu réel. Déjà, à l’époque de Unity, j’avais adoré retrouver Paris sous la Révolution et j’avais même pu me repérer grâce à mes souvenirs, jusqu’à retrouver l’équivalent de mon ancien appartement ! Avec Shadows, j’ai ressenti ce même frisson de reconnaissance, ce plaisir unique de traverser un monde qui semble réellement ancré dans l’histoire. C’est une raison personnelle qui me fait ajouter un bonus de 1.5 point à ma note finale.
Un Japon magnifique, mais une exploration guidée
Le Kansai est absolument superbe sous la plume d’Ubisoft. Grâce au système des quatre saisons, chaque paysage évolue, apportant une profondeur visuelle et une richesse que peu d’open worlds peuvent égaler. L’attention portée à la flore, aux villages et aux châteaux témoigne d’un amour sincère pour la période.
Cependant, cette splendeur est ternie par un défaut récurrent de la série : son manque de vie et d’activités intéressantes. Les villes et villages, bien que visuellement authentiques, manquent d’animation, et l’exploration, bien que plus libre qu’avant, reste trop encadrée par un système de niveaux qui bride la spontanéité.
Deux héros, deux styles de jeu
Naoe et Yasuke offrent une dualité intéressante. Naoe, la kunoichi, bénéficie des meilleures mécaniques d’infiltration vues dans la saga depuis longtemps : assassinat rapide, grappin, déguisements… On retrouve enfin un vrai Assassin’s Creed dans la discrétion et l’ingéniosité des éliminations. En revanche, Yasuke, malgré son charisme et sa puissance, propose un combat certes efficace, mais un peu trop basique par rapport à ce que l’on pourrait attendre d’un guerrier de son rang.
L’histoire, elle, fait le job sans marquer les esprits. Il y a des moments forts, mais la fin, notamment, m’a laissé sur ma faim. Les personnages sont attachants, et c’est probablement ce qui sauve le récit d’une certaine fadeur.
Un terrain de jeu moins adapté au parkour
L’un des défis majeurs d’Ubisoft avec Shadows était de retranscrire un Japon réaliste tout en maintenant le dynamisme du parkour et de l’exploration. Et c’est là que le bât blesse : contrairement aux villes denses et verticales de Bagdad (Mirage) ou de Paris (Unity), l’architecture japonaise de l’époque, plus basse et étalée, limite considérablement la verticalité. Ajoutez à cela le relief montagneux du Kansai, et l’on se retrouve parfois avec une exploration un peu frustrante, qui manque de fluidité. Ubisoft a fait le choix de l’authenticité, et on ne peut pas leur reprocher, mais cela affecte forcément le gameplay.
Verdict
Si vous avez aimé Origins et Odyssey, et que vous êtes fasciné par le Japon féodal, Assassin’s Creed Shadows est une évidence. Son monde est d’une beauté rare, ses mécaniques d’infiltration sont excellentes, et ses personnages valent le détour. En revanche, si la formule RPG-action d’Ubisoft vous lasse, ou si vous espériez un terrain de jeu taillé pour le parkour et l’exploration dynamique, vous risquez d’être très déçu.
Une belle réussite, fidèle à son cadre historique, mais qui s’inscrit toujours dans une structure qui, malgré ses évolutions, peine à surprendre.
NB: Sur Opencritic, les bots sont filtrés et seuls les commentaires étayés et qui traitent du jeu et non pas des avis politiques de Pierre Paul ou Jacques sont conservés, il y note 9/10. Sur Steam, seuls les acheteurs peuvent noter, et il est à plus de 8/10. Ces notes ne sont probablement pas révélatrices de ce que ce jeu mérite sur Senscritique, mais force est de constater que les 1/10 qui crient au wokisme lui font du mal.
PS: pour ceux qui estiment que le jeu ne respecte pas le Japon. 1) jamais aucun jeu n'a autant été respectueux dans sa modélisation jusqu'aux détails, 2) ceux qui alimentent la polémique sont les membres du congrès d'extrême droite, et un Premier Ministre conservateur qui surréagit à des fins electoralistes mais surtout 3) Polygon, très critique envers le jeu, a recensé tous les articles de presse japonais le concernant et la critique japonaise, presse et joueurs, l'apprécie autant que Ghost of Tsushima. Voici le lien : https://www.polygon.com/gaming/545774/assassins-creed-shadows-japanese-reviews-reframe-the-historical-accuracy-debate
PPS: Les MAGA et autres esprits fragiles qui ont l'impression que le JV était leur chasse gardée s'amusent à baisser la note de cet opus. C'est triste et ça en dit tellement long sur leurs vies oisives.