Des jeux à thèmes, on en recherche; quand ils portent sur des univers musicaux (type heavy metal), il est légitime de les considérer comme le saint graal, comme l'élu qui ramènera l'équilibre dans la force. Il était de ce fait logique d'attendre beaucoup de choses de Brütal Legend, délire vidéoludique dans lequel Jack Black est un roadie, Ozzy Osbourne le gardien du métal, Lemmy Killmister un homme qui guérit les blessures en jouant de la basse.
Comment rater un bon jeu avec de si bonnes idées? Il faut que le scénario suive pour le réussir complètement, et si le côté hommage partait très bien au début, il s'essouffle notamment sur la fin. On nous présentait un grand méchant, qui n'apparaîtra finalement jamais; on nous parlait de nouveaux personnages, qui seront des protagonistes de jeux vidéos lambda.
Pas de Dio, pas de Metallica, de Wasp ou de Whitesnake; Lemmy, Osbourne et Robert Halford seront les seuls grands du hard rock/metal à faire une apparition (même si l'on ne m'enlèvera pas de l'idée que le blondinet désirant la couronne ressemble étrangement à Doug Aldrich, bien plus qu'à Lars Ulrich).
Restera la surprise de rouler sur du bon vieux Motorhead, plus le plaisir de déchirer des têtes sur du Maiden ou du Priest. Et c'est là que le jeu réussit son tour de maître : il incarne la matérialisation même du Metal, l'apogée vidéoludique du heavy, tant dans ses choix musicaux que dans ses lumières et ses couleurs, dans l'esthétique des décors (énormément de Motorhead, légèrement moins de Maiden) et le look de ses personnages (les looks glam-métal sont à tomber).
Si vous cherchez à prendre votre pied sur du bon vieux métal, c'est le jeu parfait. Si vous cherchez plus en avant dans la qualité du jeu, il ne devrait pas être au sommet de votre top liste. Ses graphismes composent la première déception : d'un style cartoon, ils tentent de cacher la manque de finition des textures, l'à-peu-près du design des personnages. Les décors restent magnifiques, d'une profondeur intéressante et d'une âme folle.
C'est beau, planant; on s'y promènerait des heures durant. Seul défaut, tout est vide, trop vide. Quelques petites créatures fantastiques gambaderont par ci, par là, il y aura bien quelques items qu'il faudra chasser et des combats qu'il faudra mener, mais le ratio de comparaison entre la grandeur du terrain de jeu et les activités que l'on y fait ne sera pas assez positif pour que la durée de vie soit réellement conséquente.
Inabouti, le jeu déçoit surtout sur sa fin : nous envoyant une menace inconnue en pleine gueule, il oublie complètement le grand méchant dont on parle pendant toute l'oeuvre, sûrement au profit d'une hypothétique suite qui ne verra jamais le jour (par faute d'un manque de recettes du premier jeu). Viendra finalement l'impression que le jeu n'est pas fini, puisque l'expérience qu'il nous propose ne trouve pas réellement de bonne conclusion.
Il y a certes un dernier acte, un dernier combat pour un dernier boss, mais n'étant pas celui que l'on était censé affronter, on se questionnera rapidement sur l'utilité de nous amener un personnage sans lien direct avec l'intrigue, et qui ne permet rien d'autre que de changer le destin d'un ou deux personnages, en plus de nous amener deux zones de jeu supplémentaires qui pointeront le bout de leur nez en même temps que la "conclusion" du titre.
On sent par ailleurs un certain manque de travail dans ces nouvelles zones, qui sont moins détaillées car moins exploitées dans l'intrigue principale. On y trouvera néanmoins des créatures bien plus intéressantes que celles passives et présentes dans l'univers de base; dérivés de mammouths, de chevaux de l'enfer et de panthères puissamment violentes vous y attendront pour le plus grand déplaisir de votre durée de vie.
En parlant de durée de vie, le jeu nous offre une expérience certes courte en ce qui concerne le déroulé de son histoire, mais tout de même honnête pour ce qui est de la globalité de l'expérience de jeu. Un petit multijoueur aujourd'hui déserté vous attendra, en plus de nombreuses quêtes et missions secondaires; ça reste correct, sans grande inspiration étrangère en ce qui concerne les missions pour débloquer des succès; c'est dans la veine de l'univers, du heavy, de tout ce qu'a pu faire le jeu jusque là.
L'homogénéité du titre est intéressante, tout autant que la justesse et l'âme de son propos : solos (la référence à Led Zep' est croustillante), guitares à déterrer du sol, dragons et légendes du métal à libérer, les maints détails présents tout du long formeront un tout cohérent, un univers qui prend dès les premiers instants. On y croit tout autant qu'on a envie d'y croire, et l'on y passerait presque des journées entières à se passer la playlist en boucle sur fond d'items à trouver.
Brütal Legend est un bon jeu purement détente, une oeuvre imparfaite que l'on adore pour son univers, ses choix artistiques, son humour ravageur et ses codes particuliers. On regrettera tout de même son gameplay parfois trop lourd, pas assez intuitif (surtout lorsqu'il s'agira de conduire n'importe quel type de véhicule), son histoire trop courte et son aspect profondément inabouti. En espérant qu'il y aura un jour une suite pour que la boucle soit enfin bouclée...