Call of Juarez: Gunslinger
6.9
Call of Juarez: Gunslinger

Jeu de Techland et Ubisoft (2013PC)

Sunset Riders sur Megadrive est le dernier jeu de cowboys auquel j’ai joué. C’était en 1993, autrement dit une éternité pour un fan de western comme moi. Ca fait un moment que je me dis qu’il serait peut-être temps de rectifier le tir, et en attendant d’avoir le temps de me mettre à Red Dead Redemption, j’ai finalement décidé de me laisser convaincre par le dernier épisode de la série Call of Juarez des polonais de Techland.

L’intro du jeu pose le décor. 1910, Silas Greaves débarque dans la petite ville d’Abilene dans l’ouest des Etats-Unis et décide de faire une petite halte dans le saloon du coin pour se désaltérer le gosier. Il est rapidement reconnu par quelques clients qui lui propose alors de boire un verre ensemble dans l’espoir d’entendre le chasseur de primes leur conter l’une de ses nombreuses aventures. Silas ne se fait pas prier, et alors que les badauds s’attroupent autour de la tablée, il commence un récit qui nous ramène plusieurs années en arrière.

L’intro passée, le joueur peut enfin prendre les armes et après quelques coups de feu, on découvre rapidement l’une des particularités du jeu, à savoir que l’on est en permanence accompagné par la voix off de Silas, qui narre les évènements en direct. Dans chacun de la petite quinzaine de niveaux que propose le jeu, on évolue ainsi dans les souvenirs du chasseur de primes. Cependant, entre un narrateur alcoolisée qui à tendance à éluder certains détails et à se tromper dans ses explications et un auditoire qui n’hésite pas à intervenir et à réagir, l’action prend parfois des tournures surprenantes. Cette narration altérée, qui est assurément l’un des principaux atouts du titre, se traduit pour le joueur par des modifications en temps réel de l’environnement ou encore par des rembobinages. On peut par exemple parfois se retrouver bloquer dans sa progression, Silas et sa voix off nous expliquant qu’il se pensait alors pris au piège jusqu’à ce qu’il remarque une porte de sortie. Et là, comme par magie, une échelle apparaît, permettant au joueur de poursuivre sa route. Autre exemple, Silas évoque à un moment de son récit sa rencontre avec l’une des légendes de l’ouest, en la personne de Pat Garrett. Toute l'assistance s’imagine alors un duel d'anthologie entre les deux cowboys, duel que le joueur remporte avant que l’action ne soit rembobinée, Silas expliquant alors à son public que ce duel n’a jamais eu lieu et que les évènements se sont déroulés tout autrement. Tant pis pour le duel, le procédé reste ingénieux et vraiment bien trouvé.

Et puis ce n’est que partie remise, car Silas est également un beau fabulateur et à en croire son récit, il aurait débarrassé à lui tout seul le Far West de quelques-uns de ses plus célèbres gangsters. En dehors de Pat Garrett, on croisera ainsi la route de quelques autres figures de légende tel que Jesse James ou encore Billy the Kid. La plupart d’entre eux font office de boss de fin de niveau et sont introduits par des cut-scene plutôt sympathiques dont le style rappelle les comics. S’ensuit souvent un duel, qui est une autre des particularités du jeu, le but étant de bien se concentrer sur l’adversaire, de bien positionner sa main au-dessus de son arme et bien évidemment de dégainer rapidement. Ca n’a l’air de rien comme ça, mais les duels font vraiment partie de l’esprit western et les avoir incorporer est une idée bien sentie. Et si jamais tous les noms cités plus haut ne vous évoquent rien, il est possible de dénicher dans chaque niveau des pépites de vérité, qui sont en fait des fiches d’information sur les personnages rencontrés mais aussi sur les lieux et les évènements évoqués tout au long de la partie. Car même si le jeu ne se prend pas au sérieux et n’est d’ailleurs pas dénué d’humour, même si Silas romance les faits historiques afin de se mettre en valeur, il y a un effort de les faire plus au moins coïncider à la réalité. Silas est en quelque sorte le chaînon manquant, celui dont les explications permettent d’éclairer certaines zones d’ombre de l’Histoire. Par exemple, vous ne ferez pas la peau à Jesse James, assassiné dans la réalité par Robert Ford. Par contre, pour les as de la gâchette morts dans des circonstances inconnus, il y a vide historique que les scénaristes ne se sont pas gênés de combler à leur manière.

Ne vous attendez pas pour autant à scénario en béton armé. Il y a bien un fil directeur, mais chaque niveau sert avant tout de prétexte à introduire l’un de ces célèbres personnages ayant marqué l’histoire de la conquête de l’ouest. Je ne suis pas un spécialiste de la question, mais même si Jesse James and Co ont vécu à la même période, il me semble peu probable qu’ils se soient tous croisés durant leur vie. Il fallait donc imaginer une histoire où ils seraient tous présents, et si Silas est ainsi amené à croiser leurs routes, c’est pour les interroger sur trois hors-la-loi aux mauvaises fréquentations. Dans chaque niveau, on traque donc un homme susceptible de répondre à nos questions et qui, comme je l’ai déjà dit précédemment, fera office de boss de fin de niveau. Mais bien évidemment, avant d’arriver à lui, il va falloir se débarrasser de la piétaille. Pour se faire, vous pourrez utiliser différentes armes, qui se divisent grosso modo en deux catégories, les revolvers et les fusils, la dynamite remplaçant pour sa part les grenades chères aux Battlefield et autres Call of Duty. Il est possible de développer les compétences de son personnage grâce aux points d’expérience acquis mais ce petit côté RPG reste anecdotique dans un jeu qui reste clairement orienté arcade. La prise en main est immédiate et les différentes armes sont agréables à utiliser. Cependant, les mécanismes de jeu restent dans l’ensemble basiques. Call of Juarez est un FPS sur rail. Il y a bien quelques embranchements, mais le joueur suit le plus souvent un chemin préétabli, se contentant d’éliminer des ennemis pas vraiment futés, pas vraiment variés et pas vraiment mobiles, tout en prenant soin de rester à couvert entre chaque salve, lesdits ennemis étant quand même plutôt bons tireurs. Souris en main, le titre de Techland est donc loin d’être révolutionnaire. On fait toujours la même chose, les situations de jeu manquent de variété et les quelques QTE et autres passages façon bullet time ne suffisent pas à renouveler un gameplay routinier, pas plus que les petites astuces de mise en scène.

Autre problème, les niveaux sont très courts. En rushant en difficulté moyenne, il est possible de finir un niveau en moins de 5 minutes. Entre ça et le manque de liberté, on peut quand même être déçu par le level design. De cette remarque en découle une autre : 5 minutes par niveau, 15 niveaux environ, le calcul est vite fait : 75 minutes pour boucler l’aventure. J'exagère sans doute un peu et rusher n’a aucun intérêt puisque vous ne profiteriez pas de l’ambiance du titre. Mais même en prenant mon temps, je n'ai pris que 4 heures pour finir le jeu et trouver toutes les pépites de vérité, ce qui implique que j’ai fait certains niveaux plusieurs fois. Certains me diront que la durée de vie solo dans la plupart des FPS modernes à succès n’est pas forcément plus conséquente. Sauf que ces jeux compensent en général par leur mode multijoueur qui promet potentiellement des heures et des heures d’amusement. Ce n’est pas le cas dans ce Call of Juarez : Gunslinger, qui est un titre exclusivement solo. A côté du mode story, il y a bien un mode duel qui consiste à enchaîner plusieurs duels avec un nombre limité de vies et un mode arcade où il s'agit d'éliminer avec style et le plus rapidement possible les ennemis pour réaliser le plus gros score possible. Ces deux modes de jeu rallonge une durée de vie étriquée mais j’avoue ne pas m’y être trop attardé par manque d’intérêt. Ceci étant, il faut comparer ce qui est comparable. Call of Juarez : Gunslinger coûte une petite dizaine d’euros. Alors oui, il est court, mais en même temps, il n’est vraiment pas cher, ce qui n’est pas un argument négligeable.

Avant de conclure, un petit mot concernant l’aspect technique. Le jeu n’est pas visuellement ébouriffant mais il y a une vraie direction artistique et l’utilisation du cell-shading lui donne un certain cachet. Vous évoluerez bien évidemment dans des décors typiques de l’époque et de la région, avec au programme déserts, montagnes sauvages, mine d’or abandonnée, ou encore scierie. Le tout tourne sans ralentissement sur ma machine pourtant âgée de plus de 4 ans. Côté bande-originale, les musiques ne marqueront pas l’histoire de jeu vidéo mais elles sont plutôt sympathiques et elles collent bien à l’ambiance western. Mention très bien par contre pour les voix, toutes en V.O, notamment celle de Silas, profonde et rocailleuse, une vraie voix de cowboy viril et qui vit à la dure.

Au final, ce Call of Juarez est un jeu court et dont le gameplay arcade éculé fera sans doute fuir certains joueurs. Dit comme ça, le titre de Techland ne fait pas envie, sauf que c’est oublié qu’il ne coûte que quelques euros et que pour ce modeste tarif, on a quand même droit à un FPS pas moche, simple mais agréable à jouer et agrémenté de quelques bonnes trouvailles. Ajoutez à cela l’ambiance western bien restituée, voilà qui est largement suffisant pour emporter mon adhésion.
ashram974
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le 27 sept. 2014

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ashram974

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