Celeste
8.2
Celeste

Jeu de Matt Makes Games et Extremely OK Games (2018PC)

Le monde du jeu vidéo indépendant a tôt fait d’amener sur le devant de la scène des productions particulièrement réussies. Le genre plate-former a été , à juste titre , surreprésenté par une masse informe de jeux plus ou moins convenables durant les années 2010. Cherchant d'abord à copier les opus les plus réussis (on pensera par exemple à Super Meat Boy), on retrouve très vite dans des titres plus récents une tentative de renouer le joueur avec ces sensations d'antan, celle du plateformer collectionnite à la Banjo ou du plateformer hub-style du grand Super Mario 64. Et dans la 2D aussi, le pixel art à la main, les développeurs ne cessent de jouer de leur imagination pour proposer des titres charmants aux mécaniques bien pensées. Malheureusement beaucoup de titres restent très en surface et ne dévoilent pas leur plein potentiel. Certains ne vont user que de mécaniques simplistes et les réemployer ad vitam eterna quand d'autres ne font que recopier jusqu'à plus soif des éléments de game-design déjà vu à droite à gauche ne profitant dès lors que de leur visuel léché pour asseoir leur légitimité pécuniaire.


Céleste est un putain de vent de fraicheur et ce à plusieurs niveaux. Plateformer bien simple à première vue, relégué à de sempiternels adjectifs "Darksoulien", les concepteurs de chez Matt Makes Games parviennent à créer d'une part un plateformer aux mécaniques étonnamment bien huilées. D'autre part le jeu parvient à la fois à s'articuler autour d'un game-design réussi et bigarré mais aussi (et là on approche quelque chose de rare) à articuler le game-design autour de la narration du jeu, qui nous parle de Madeline, une jeune femme cherchant à escalader une montagne, symbole évident de ses tourments les plus enfouis.


C'est un coup de maître. Je n'attends pas d'un plate-former d'avoir une narration réussie. Que le jeu articule ses phases de gameplay par des cinématiques ou par une world-map... Peu importe. J'attends surtout des mécaniques de jeux intéressantes (et c'est le cas ici !). Pourtant Celeste a le don d'aligner sa narration (qui tourne grosso modo autour du deuil, je n'en dirais pas plus) avec les différents niveaux du titres. Et ça se traduit à la fois par l'ambiance global des niveaux du jeu (musique, couleurs, environnement) mais aussi par les mécaniques de level-design et de gameplay qui sont employées dans ces différents niveaux. Tour de force. Pour prendre un exemple simple : l'un des niveaux évoque la peur d'être vu et jugé par le monde, le level-design joue sur des mécaniques d'ombre et de lumières et utilisent des ennemis qui vous foncent dessus lorsqu'ils vous repèrent.... Brillant ! Et tout le jeu est comme ça, il y a un effort très particulier et très rare dans les aspects narratifs de Celeste. Rien que ça, ça mérite l'attention.


Mais ce qui mérite d'autant plus l'attention, hormis la richesse et la longueur globale du jeu, c'est bien sûr le soin apporté à ses mécaniques de gameplay. Chaque niveau a ses propres mécaniques de jeu et utilisent des schémas de progression simples et efficaces : on débute le niveau, introduction d'une mécanique, le jeu nous pousse à comprendre la mécanique et à l’exécuter, encore et encore. Plus loin dans le niveau : une nouvelle mécanique : rebelote. Fin du niveau: le level-design nous demande de jongler entre les différentes mécaniques vues dans le niveau que l'on vient de parcourir. Les derniers niveaux de l'aventure nous poussent, en toute logique à maitriser l'ensemble des mécaniques de jeux vues durant l'aventure. Mécaniques à la fois originales et incroyablement variées, sans être trop peu mises en avant. L'équilibre est IMPECCABLE.


Ajoutons à cela une ambiance, un enrobage très réussie et bien sûr une difficulté progressive qui mettra les nerfs les plus solides à rude épreuve. Le jeu est difficile sur le long terme mais jamais injuste. Celeste a même l'audace de proposer et jusqu'aux niveaux les plus hardcore, l'apprentissage de nouvelles mécaniques de déplacements , de sauts, de timing qui redonnent en permanence le sentiment d'évoluer et de progresser un peu plus avec son personnage principal. On est, comme la pauvre Madeline, constamment mis à l'épreuve. La montagne, métaphore de renom, est un véritable personnage à part entière de l'univers proposé par Celeste.


On retiendra de Celeste à peu près tout ce qu'il vient à proposer. Musique, visuel, narration, gameplay, progression, level-design, contenu... Et c'est avec beaucoup de fierté sans doute que les gars de chez Matt Makes Games nous ont ici pondu l'un des meilleurs plateformers que l'on puisse trouver sur le marché et probablement la plus grande réussite de l'an 2018. Celeste est comme je l'ai déjà écrit ci-dessus un véritable vent de fraicheur. Je n'ai jamais gravi de montagnes mais Celeste m'a amené au sommet du bonheur.


"Quand tu es arrivé au sommet de la montagne, continue de grimper"

Bohr
9
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Créée

le 1 avr. 2020

Critique lue 113 fois

1 j'aime

Bohr

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