La beauté de la langue

L’Éternel descendit pour voir la ville et la tour que bâtissaient les fils des hommes. Et l’Éternel dit : Voici, ils forment un seul peuple et ont tous une même langue, et c’est là ce qu’ils ont entrepris ; maintenant rien ne les empêcherait de faire tout ce qu’ils auraient projeté. Allons ! descendons, et là confondons leur langage, afin qu’ils n’entendent plus la langue, les uns des autres. Et l’Éternel les dispersa loin de là sur la face de toute la terre et leur donna tous un langage différent ; et ils cessèrent de bâtir la ville. C’est pourquoi on l’appela du nom de Babel, car c’est là que l’Éternel confondit le langage de toute la terre, et c’est de là que l’Éternel les dispersa sur la face de toute la terre.

Chants Of Sennar, première création du jeune studio français Rundisc, se révèle être gorgé de surprises. D'abord, car sa proposition de base a de quoi intriguer : en incarnant un mystérieux pèlerin en pleine escapade dans une tour babelienne, votre objectif sera à la fois ludique et linguistique. Armé de votre codex et de votre sens de l'observation, il vous faudra traduire les différents langages parlés par les peuplades arpentant votre virée jusqu'au sommet de cette titanesque structure.

L'objectif de tout cela ?

Réunir les peuples divisés et ramener la compréhension mutuelle au sein de l'édifice.

La démarche proposée par le studio trouve un équilibre bien sentie en mêlant l'aspect ludique de la traduction (la difficulté résidant dans la simplification de la tâche réelle, d'abord en ne proposant que de maigres codex sémantique à traduire, puis en en simplifiant grandement les échanges) à quelques énigmes bien senties, permettant d'arpenter les différentes zones avec un tant soit peu de challenge.

En filigranes de notre périple se déroule aussi un propos autour de l'universalité du langage et sur le caractère fédérateur de celui-ci, renforcé par le mythe biblique sur lequel s'appuie l'entièreté du jeu. L'acte final proposera d'ailleurs un certain retournement de situation qui, s'il pourrait sembler superflu au premier abord, se complémente à merveille avec l'ensemble de l'œuvre.

Mutique et minimaliste, Chants Of Sennar se révèle avoir ingéré avec maîtrise diverses influences devenues des récurrences dans le milieu vidéoludique. Ainsi, le mutisme de notre personnage et la touche orientalisante (jusque dans la bande originale) rappelleront immanquablement le mythique Journey, avec des bribes du somptueux Ico ça et là.

L'ensemble est aussi traversé par une revisite plus chamarré de Monuments Valley, et offre son lot d'environnements agréables à l'oeil, sans pour autant nous en rayer la rétine.

Chants of Sennaar porte les graines d'un studio prometteur apte à nous proposer, nous l'espérons, de nouvelles gemmes indépendantes comme ce jeu-ci par la suite.