Creaks
7.3
Creaks

Jeu de Amanita Design (2020)

Home Sweet Home...Mon roman graphique, ma bande dessinée de l'été....

C'est en ce mois de juin 2022, où les journées se voient gracieusement rallongées par un soleil flâneur, les soirées se voient douce et chaleureuse par une température clémente, nous offrant un atmosphère apaisant, ouvert vers l'extérieur, propice à une lecture sereine et pépère, bien installé sur un transat, une clope au bec, un jus de carottes bio fraîchement pressé...que je me suis lancé dans "Creaks", sur PC, sortie en 2020, concocté par nos chers foufous d'Amanita Design, qui m'avait enchanté avec leur film interactif aux relents spirituel..."Samorost", leur tableau organique façon nature morte prenant vie..."Botanicula", leur série animé ludique s'inspirant des courts métrages télévisuels typique des années 70..."Chuchel", leur fable digital malsain, noir, psychologique, voir cathartique..."Happy"...et ainsi que leur conte onirique façon jeu de rôle sur table..."Pilgrims" et qui a peine lancé, juste scotché devant son menu sous fond de tableau animé et vivant...nous laissant entrevoir un enchanteur ou dérangeant parcours au sein d'une bande dessinée, voire d'un roman graphique vidéo-ludique, toujours aussi bizarre, étrange......

Car c'est après un éphémère premier tableau, nous présentant un jeune garçon d'apparence studieux, travaillant tranquillement dans sa chambre d'étudiant, jusqu'à l'arrivée d'une coupure de courant, le plongeant dans le noir...nous permettant de nous familiariser avec l'atmosphère étrange et bizarre du jeu, voyant ce même protagoniste quitter son doux nid douillet, intrigué par une fissure murale, descendant une interminable échelle pour s'enfoncer dans les limbes terrestre, s'enfermer dans une austère demeure labyrinthique, dans un vestige cloisonné tombant en ruine, dans une obscurité sous-terrainne...propice à faire ressentir des sensations tel que l'angoisse, l'étouffement, la claustrophobie, et donc l'inconfort...un truc froid, monochrome, binaire mais qui au fur et à mesure, tout le long de notre parcours, se voit bien chaleureux, aéré, diversifié grace son ambiance visuelle, un style inimitable, mixant dessin crayonné, sur fond pictural, et animation 2D traditionnelle...offrant de superbes panoramas, des instants de contemplation, des jeux de lumière et un patchwork de couleurs créant une identité singulière et intemporelle, une sensible vision de l'art dans le jeu vidéo, ainsi qu'une enivrante relecture de la culture, la mythologie et l'art traditionnel slave, en partie, mais chut, un peu de mystère vous serez surpris...nous laissant finalement amoureux, attaché, émerveillé, par cette univers, cette immense demeure, cette finesse artistique bien renforcé par son sound-design impeccable, mettant l'emphase sur des sonorités environnementales immersives, a coup de craquement, d'effritement, d'effondrement, inhérent aux architectures en bois et mixant musique orchestrale et électronique, dont la variété et la cohérence me laisse enthousiaste et bouche bée...fruit du travail de Hidden Orchestra dont c'est la spécialité...ici parfaitement utilisé pour recréer cette ambiguïté sensorielle, entre inconfort et confort, entre étrangeté et sérénité...mettant l'emphase sur l'émotion à travers nos yeux et nos oreilles, offrant une plongée enchanteresse dans une bande dessinée très graphique, très bizarre certes mais avec laquelle on s'habitue....

C'est toujours au sein de ce premier tableau, servant ici de tutoriel déguisé, sans texte ni voix, sans longueur pédagogique ou lourdeur de mécanique...que nous voilà immédiatement maître de la maniabilité, de l'inertie du personnage, tout deux volontairement limités mais cohérent vis-à-vis de la proposition, à savoir un jeu de puzzle/plate-forme basé sur de petites interactions environnementales, en lien avec la lumière, des mécanismes à activer, afin de poursuivre son intriguante descente, totalement déboussolée au sein de ce labyrinthe et là nécessité d'éviter les ennemis, tant notre pauvre petit étudiant est fragile, pas très rapide et peu débrouillard...un truc minimaliste, un peu frustrant et pas vraiment engageant mais qui de part son gameplay accessible et immédiat, l'intelligence du level-design évitant tout aller-retours futiles et fastidieux, une profondeur de  l'environnement apportant son lot de salles secrètes, une utilisation pertinente de son art visuel pour cacher bon nombre de mini-jeux oxygénants, une maîtrise du sound-design permettant pédagogique douce et compréhension des énigmes, un rythme lent et posé évitant tout stress inapproprié et frustration, une fluidité suprennante, nous maintenant constamment dans le flow, un renouvellement et une progression impeccable permettant de jouer constamment avec nos acquis, nos certitudes et nôtre intellect...devient au fur et à mesure un jeu bien plus complet, ne se reposant jamais sur son simple postulat initial, explorant plusieurs approches...donc au final satisfaisant, joussif, intéressant...mettant l'emphase sur les émotions à travers le gameplay où l'opposant devient partenaire, où l'essai devient réussite, où le compliqué devient audible, où l'échappatoire devient secondaire, où l'ouïe et la vue deviennent nos meilleurs armes, où l'inconfort devient confortable...une bizarrie ludique auquel on s'habitue....

C'est encore à travers ce premier tableau, nous présentant notre principal incarnant, un jeune un peu pommé et fragile, typique de l'anti-hero...auquel je me suis directement identifié, sa première bride de gameplay, à savoir jouer avec la lumière...m'évocant les problématiques liés aux coupures de courant inhérent aux pays de l'est, et à leur instabilité économique et politique, mais auquel je me suis aussi identifié ayant connu trop longtemps ce genre d'avarie et puis notre descente vers cette ruine...m'évocant là les problèmes de mal-logement et auquel malheureusement je fus confronté dans ma vie, nôtre parcours au sein de ce qui semble être les vestiges de différentes cultures...m'évocant nos problématiques inhérentes à la protection du patrimoine, le gameplay basé sur un rapport antagoniste/collaborateurs, proie/prédateur...m'évocant l'ambiguïté de nos relations aux autres, auquel je suis confronté constamment par mon métier, les énigmes à la difficulté évolutive...m'évocant notre capacité à nous dépasser afin de s'affranchir d'obstacles, la démarche de mettre l'accent sur l'image et le son...m'évocant une pédagogie parallèle et auquel j'ai du faire face vu ma dysphasie, la volonté d'échanger avec des inconnus n'ayant pas la même langue et origine...m'évocant le plaisir propre au voyage et à la découverte, le travail mis sur le sentiment de s'accaparer au fil du temps un lieu, un univers étrange et bizarre...m'évocant mon amour pour l'art abstrait et les œuvres singulières, la brillante idée d'un aller sans retour...rendant digeste un labyrinthe étriqué et me rappelant mes peurs envers ceci...nous offrant une narration volontairement effacé, volontairement suggéré...laissant place à libre interprétation, à libre compréhension, à la libre conclusion...permettant à chacun de voir, d'entendre ce qu'il désire, permettant à chacun d'y retrouver ces propres allégories et métaphores...à l'instar de ces romans graphiques souvent l'usufruit d'artistes tourmentés mais qui par leur sensibilité, finesse, intelligence...rendent le bizarre et le personnel en quelque-chose d'universel et de confortable....

C'est donc après deux soirées, deux instants, deux sessions, au final deux lectures mais une ultime rencontre, sublime, magnifique dont je vous laisse la surprise...que je sors marqué par cette narration muette...qui a su me parler, touché par ce personnage gringalet...auquel je me suis identifié, ému par cette vision artistique du média...comme j'aimerais en voir tant, repu par son rythme et sa fluidité...que j'aurais pu devorer en une seul fois mais bon les petits plaisirs ont les laisse toujours un peu trainer, émerveillé par l'intelligence de son game-design...propre la scène indépendante, enchanté par cette proposition...comme trop souvent avec Amanita Design, dubitatif par sa non mise en avant...me questionnant vis-à-vis de la presse spécialisée, mais fier défenseur de sa démarche...justifiant allègrement son acquisition, attaché à vouloir le transmettre au futur génération...à l'instar de ces bandes dessinées ou romans graphiques, qui nous ont marqués à vie, que l'on considère comme essentiels, que l'on aime tant à contempler...bien disposés sur une étagère en bois, pleine de poussière et prête à craquer au sein de nos petits nids douillets...et que l'on ouvre, accompagné du verre de vin, uniquement quand un bon pote débarque chez nous afin de le mettre dans un bain de confort.....

AlMomoSan87

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