La mort aux true-sses

Celui là, je l'ai attendu. Depuis l'annonce de la fondation de Too Kyo Games, créé par 4 de mes personnalités préférées du jeu vidéo, l'attente était pour le moins fébrile. Et ça y est, vendredi dernier (normalement jeudi, mais il y a eu un retard en Europe) c'est chose faite : j'avais entre les mains le premier jeu du studio que j'ai le plus attendu au tournant de ma vie.

Alors évidemment "jeu" est un peu une expression erronée. Et je ne dis pas ça péjorativement : la communication a été totalement honnête sur la nature du jeu, qui est très largement plus un film interactif qu'un simple jeu avec des cutscenes FMV. J'ai même été surpris de voir à quel point le parallèle avec Black Mirror:Bandersnatch est évident : ceux qui ont déjà fait ce dernier ne seront absolument pas perdus car le concept est quasi-identique, si ce n'est que Death Come True assume quand même plus son status de jeu vidéo.

Le créateur et réalisateur de Death Come True, Kazutaka Kodaka, n'est (n'était ? on l'espère) que connu pour son travail en tant que fondateur et tête pensante de la franchise Danganronpa. Pour ceux qui viennent de nous rejoindre, c'est une série désormais cross-media qui tourne autour d'un "death game" où des lycéens doivent s'enfuir d'une prison quelconque en tuant quelqu'un sans se faire choper. Quand les premières informations ont été annoncées pour Death Come True, j'ai vraiment cru qu'il restait sur ces acquis en gardant un concept similaire : que nenni ! Et d'ailleurs, tant mieux, car ça n'aurait effectivement pas trop fonctionné vu le format.

Sur les 2 heures (à la louche) de contenu, Death Come True fait la part belle aux "retours dans le temps" si convoités dans les expériences de mystère modernes. D'ailleurs, on retrouve le classique héros amnésique, qui pour le coup est un élément souvent repris par le créateur pour créer une ambiance particulière. Il y a au final assez peu de choix significatifs, car la plupart des "mauvaises routes" sont soit utiles à l'intrigue, soit sans conséquences car vous pouvez remonter dans le temps juste avant votre décision. En sachant ça, le joueur peut totalement laisser parler son instinct pour voir la scène qui l'intéresse le plus, et éventuellement revenir dessus plus tard (même si parfois, revenir au point où on en est nécessite de recommencer le jeu/film dès le début, ce qui n'est pas très pratique...)

Le scénario est très agréable. J'ai été moi-même déçu de l'absence de surenchère de la part du créateur, comme j'y étais habitué par le reste de son oeuvre. Mais avec du recul, je trouve ça beaucoup plus intelligent de sa part et je m'en veux un peu d'avoir exigé ça. Une des grandes forces de Death Come True est qu'il est 100% accessible même pour les gens qui ne jouent jamais aux jeux vidéo. Alors certes, ça va être dur de les convaincre de payer 18€ pour voir un film, mais ça en vaut bien plus la chandelle que ça en l'air et malgré le temps de "jeu", il n'y a pas un seul euro gâché dans le tas.

Pour ce qui est des personnages, j'ai beaucoup aimé le casting. Ne connaissant rien du cinéma japonais moderne, je n'en reconnaissais aucun, mais qu'importe, j'ai vraiment été conquis par l'acting certes très japonais mais particulièrement attachant. (On notera quand même un perso qui est sur l'affiche mais totalement inutile...) Je fais une mention spéciale au "monstre" sans nom qui figure dans la promo du jeu mais qui n'avait jamais été présenté : je le trouve absolument incroyable et terrifiant. Sans trop savoir pourquoi, en combinant son design cauchemardesque avec la mise en scène, la musique (de Masafumi Takada, génialissime compositeur de Danganronpa, soit dit en passant) et les effets spéciaux très réussis, j'ai vraiment eu peur de tomber dessus en faisant mes choix et on sent vraiment sa menace peser. C'est d'ailleurs encore un parallèle avec Black Mirror : Bandersnatch.

Maintenant passons aux quelques points négatifs, parce que oui il y en a malheureusement : déjà, certains fins sont non seulement difficiles à avoir mais très agaçantes dans le sens où il vaut mieux spammer le bouton pour avancer de 10 secondes pour ne pas se retaper toutes les scènes précédentes. J'essaye d'en dire le moins possible, mais à un moment une astuce d'écriture peut vous mener à saboter votre avancement si vous ne faites pas attention. Je l'ai fait, un peu naïvement, et j'ai été plutôt déçu... mais c'est de bonne guerre, on va dire. Un autre point : c'est formidable d'avoir des sous-titres pour autant de langues day one (de très bonne qualité en français, au passage !), mais malheureusement il y a beaucoup de choses non traduites. Déjà, aucun sous-titre n’apparaît quand du texte japonais est filmé : c'est notamment dommage quand on a un plan de 3-4 secondes sur un portable pour montrer un SMS avec aucun sous-titre, et le personnage qui ne dit rien... De plus, même si les textes propres au jeu sont traduits, vous aurez parfois des flashbacks avec les textes non traduits, ce qui est plutôt perturbant mais pas non plus trop grave.

Pour finir, ma conclusion, qui aurait d'ailleurs été la même, même si je n'avais pas aimé : achetez ce jeu s'il vous plait ! Ça peut paraître égoïste, mais j'ai tellement envie que Too Kyo Games puisse prospérer et nous abreuver en jeux aussi fantastiques, et ce depuis que Kazutaka Kodaka et Kotaro Uchikoshi se sont rejoints pour le fonder. Mais heureusement, je n'ai même pas besoin de vous supplier car l'acheter vous bénéficiera tout autant qu'à moi. C'est une superbe expérience, qui fait la durée d'un film moyen en tout et pour tout, et qui fera vivre un véritable ascenseur émotionnel comme il en existe peu dans le domaine de la vidéo interactive. Et le truc génial, c'est que tout le monde peut y participer ! Faites le avec vos parents, vos amis, votre compagne ou compagnon... Aucun prérequis vidéoludique nécessaire.

Et surtout, longue vie à Too Kyo Games !