"Le Godard du Pixel" [sic]


M. Cage a choisi le format du jeu narratif, il va donc falloir souffrir que la critique soit axée sur la narration du jeu, je m'en excuse d'emblée. Il faut avouer que l'aspect technique force le respect de toutes façons.


Lecteurs assidus d'Asimov, défendeurs de la cause robotique et transhumanistes, passez votre chemin ! En effet, vous ne verrez probablement dans ce jeu qu'une énième régurgitation sur les thèmes du grand Isaac, avec bien moins de lyrisme, de beauté, et surtout, de NUANCES (retenez ce mot, vous n'en verrez plus aucune dans le jeu). Le titre s'adresse donc surtout à un public de néophytes, bien peu habitués à ce genre de réflexions, et seulement alors peut sembler être plaisant, voire pertinent.


Detroit nous plonge dans une histoire où l'humanité des androïdes ne souffre d'aucune ambiguïté, et transpire par chacun de leurs (très visibles, coucou le nez de Connor) pores. Pas un instant, le joueur ne peut être tenté par l'idée de les considérer comme des machines, ou même ironiquement d'adopter le point de vue des humains.
Parlons d'ailleurs de nos descendants de chair et d'os de l'an 2038 :
Sont-ils pro-androïdes ? Vous les trouverez alors tolérants, esthètes, philosophes, nantis et bien-heureux. Leurs visages finement modélisés respirent la paix et la culture.
Anti-androïdes alors ? Violents, bêtes, drogués, pauvres et antipathiques au possible. Ce sont les ratés, chômeurs et divorcés de ce monde, ils ne sont mus que par leur ressentiment. Mention spéciale au bureau de l'inspecteur anti-androïdes constellés de stickers misogynes, racistes et assez beauf du reste. L'horreur, quasiment le nazisme.


Les êtres humains se répartissant les plus simplement du monde entre ces deux castes, penchons nous plus sur les androïdes, voulez-vous ?
Ils sont empathiques, bienveillants, forts et serviables. Sauf quand ils disjonctent. Ce qui arrive littéralement après une semaine de fonctionnement pour 2 des 3 protagonistes. Ce dont personne ne semble être au courant dans cette société.
Ne vous arrêtez pas à cette incohérence, d'autres arrivent ! Ils sont censés ne pas sentir la douleur mais tout prouve le contraire, ont une force variable entre celle d'un gorille et d'un caniche anémié selon les besoins du scénario, et une résistance les mettant à l'abri de quelques balles d'arme à feu, mais pas des battes de base-ball. Gare aussi à leur intelligence tantôt redoutable et froide, tantôt franchement risible.


Comment-ça paresseux le scénario ? Et la décharge à ciel ouvert d'androïdes revanchards, rampants et gémissants de douleur, personne ne l'a jamais vue ? Pas un passant ou un éboueur ?
Bref, ce jeu n'incite que très peu au Graal de tout univers construit, j'ai nommé : la suspension consentie du jugement.
Passée une phase de découverte émerveillé par la qualité du titre, vous allez adorer chercher les incohérences qui le parsèment. Les personnages mal écrits et changeants, la méconnaissance totale des robots par les humains qui en ont depuis 8 ans chez eux, les manifestations pro- et anti-robots qui en sont parodiques de connerie...


Puis enfin viens le coup de grâce, les tromblons et poncifs de l’oppression qui passeront TOUS à un moment. La situation des androïdes s'apparente en effet à un gloubi-boulga tonitruant de Rosa Park, traite négrière, lobotomie et de camp de concentration, tout y passe ! Le jeu semble sans cesse vous tanner avec ses grosses références qui se veulent subtiles.


Non vraiment, si vous voulez la même réflexion, en mieux, regarder le South Park saison 8 épisode 7, intitulé ''Les Gluants''. Plus subtil, plus pertinent, mais visuellement moins beau, il faut dire.

ThomasBohm
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le 25 juin 2020

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Thomas Bohm

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