Drakengard
6.6
Drakengard

Jeu de Yoko Taro, Cavia, Gathering et Square Enix (2003PlayStation 2)

Le jeu dont vous n'êtes pas le héros

Vous n'aimerez pas Drakengard. Moi-même, je lui mets 8+, mais je ne crois pas vraiment l'aimer. Graphiquement digne d'une PS1, absolument inaudible, possédant un gameplay adapté mais peu abordable et une difficulté horripilante, le jeu fait tout pour vous repousser. Et si vous êtes un minimum sain d'esprit, si vous avez encore un minimum d'estime pour vous-même, alors écoutez-vous : fuyez. Fuyez, pauvres fous.

Vous êtes encore là ? Très bien. Moi aussi, j'étais encore là. Car malgré son esthétique atroce, quelque chose attire, quelque chose de noir, d'encore inidentifiable. Le jeu part pourtant de manière très sobre : l'Empire prend possession du monde, comme dans Star Wars, et Caim, en bon général d'une armée, va essayer de le repousser à gros coup de lame bien affûtée. Sauf que rien ne se passe comme prévu. Alors que Caim tente de secourir sa sœur (personnage extrêmement important, c'est une Déesse, mais pas au sens où on l'entend - il n'y a pas de Dieu dans Drakengard), il est mortellement blessé, et se voit contraint de passer un pacte avec un dragon également sur le départ pour survivre.

Ce pacte lui coûte la voix. Oui, Caim est muet. Le personnage ne s'exprimera donc plus jamais de l'aventure, ou alors via son dragon. Mais non seulement Caim est muet, mais il est également vide. Caim est un des personnages les plus vides de toute l'histoire du jeu vidéo. Sa sœur exceptée (et encore), il n'éprouve rien d'autre que de la haine, aucune compassion, aucune tristesse, aucune colère. Juste une haine froide et maladive, envers tout être vivant. Caim ne vit que pour tuer. Et il tue. Des centaines d'ennemis par mission, des milliers par chapitre. Caim n'est rien d'autre qu'une enveloppe corporelle détruisant d'autres enveloppes corporelles, et ne distinguera pas forcément un soldat de l'Empire, un golem ou un enfant. Le jeu nous l'indique d'ailleurs clairement, celui-ci comptabilisant à la fin de chaque mission le nombre de => proies <= abattues.

Alors que les personnages secondaires du jeu feront tout pour essayer de stopper la destruction du monde, Caim ne les suivra que pour tuer, ou presque. De toute façon, on comprend très vite que rien ne pourra arrêter la destruction du monde. Un monde où les humains sont corrompus, où la foi n'existe plus, où les enfants, les femmes, les hommes et les créatures de toutes sortes sont logés à la même enseigne. Meurtre, amour, pédophilie, cannibalisme, traitrise, perfidie, sadisme, rien ne vous sera épargné.

Et pourtant, et c'est là toute sa force, Drakengard - loin d'en faire trois tonnes - ne montre presque rien. Quelques dialogues, quelques cinématiques, et c'est tout. Le reste se joue sur l'imagination et la capacité à comprendre et à interpréter. Et c'est là tout le problème : de l'imagination, les développeurs en ont. De l'imagination, ce n'est pas ce qu'il me manque. Et les deux combinés en Drakengard... WATCHERS DANCE, LALALALALA, LALALALALA, WATCHERS SING.

Le jeu possède plusieurs fins, et se contenter de la première ou même des deux suivantes serait une grave erreur. Il suffit de 3 heures post-premier générique pour obtenir 4 fins sur 5. La dernière, je vous conseille YouTube. Le jeu aura pourtant tout fait pour vous dégoûter d'en arriver là : mais si malgré les maux de tête dus à la musique, si malgré la rage des Boss fight perdus au pixel prêt et des missions de 45 minutes recommencées car on s'est fait one shot, si malgré ses graphismes déguelasses et tous ses autres défauts techniques, vous avez persévéré, espérant une lueur d'espoir dans ce monde en perdition, alors pauvre de vous.

Je me sens souillé. J'ai terminé Drakengard pour la première fois à 13 ans. Je l'avais trouvé super cool. Et je m'en sens d'autant plus souillé désormais. N'y jouez pas, jamais.

Dans Drakengard, vous n'êtes pas le héros, car il n'y en a pas.
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le 8 août 2013

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