Quand Tarzan peine à enchaîner trois lianes consécutives sans prononcer le mot "merde"

Les développeurs de jeux-vidéos sont quasi unanimes lorsqu'il s'agit de prédire l'avenir de l'humanité : apocalyptique.
Et ce n'est pas Enslaved qui dira le contraire. Offrant un monde où la civilisation humaine a quasiment disparu au profit des machines, les rares rescapés se serrent désormais les coudes au sein de tribus constamment traquées par Pyramid, une organisation déterminée à réduire le peu d'âmes encore subsistantes à l'état d'esclaves.
D'aucuns diraient que la réalité d'un Zbigniew Brzezinsky dépasse déjà cette fiction. A ceci près que dans cette fiction, New York n'est plus qu'un champ de ruines sur lequel la nature reprend peu à peu ses droits.
Car à la différence de ses homologues post-apo (Fallout/Metro/Stalker...), ici le monde n'est pas recouvert d'un nuage radioactif qui se voudrait garant d'une grisaille ambiante sous laquelle joncheraient des gravats métalliques à perte de vue.
Non dans Enslaved, nous avons droit à un joli ciel bleu ensoleillé et propice au développement des mousses et feuillages qui recouvrent désormais les buildings d'antan.
C'est le cas tout du moins pendant la première partie du jeu, les deux thématiques environnementales suivantes étant nettement plus traditionnelles.
Tout cela pour dire que globalement la partie graphique est réussie. Le jeu possède un cachet artistique qui flatte la rétine, les environnements chatoyants sont fins, et un soin particulier a été apporté à la modélisation ainsi qu'à l'animation des protagonistes. Par ailleurs, les cinématiques et cut scènes soutiennent la narration du périple convenablement.

Un périple qui nous lâche aux prises de Monkey, une force de la nature fraîchement capturée par Pyramid, et qui transite dans un vaisseau de déportation à destination d'un camp d'asservissement.
Par chance, une petite rouquine du nom de Trip parvient à s'échapper et à libérer indirectement par la même occasion notre héros. La demoiselle, experte en piratage de systèmes informatiques, s'applique alors à semer la pagaille à bord du vaisseau et à provoquer son crash.
Forte de son exploit, elle profite d'un Monkey assommé par le choc de l'atterrissage pour lui sceller une couronne de domination sur la tête. Ladite couronne permet à Trip de soumettre son hôte à ses volontés et de lui infliger d'atroces souffrances en cas de désobéissance. Ses exigences sont simples : Monkey devra l'escorter jusqu'à sa tribu de résidence. Simple... toutes proportions gardées puisqu'il s'agira d'échapper aux hordes de robots de Pyramid et d'assurer la survie de la donzelle quoi qu'il en coûte.

L'expérience repose sur un mélange de plates-formes/action (et non action/plates-formes).
En effet, la majeure partie du jeu consiste à sauter de rambardes en rambardes afin d'activer des mécanismes pour permettre à une Trip bien moins agile que vous de progresser.
Si à cette occasion il nous est permis d'apprécier les animations dont nous gratifie notre acrobate, il faut aussi clairement signaler qu'il est inutile d'y chercher un quelque autre intérêt.
Evoluant sur des terrains cloisonnés, les pans d'escalade sont à voie unique, les éléments auxquels s'agripper sont nettement mis en surbrillance et ciblés par la caméra. Si la progression ne requiert pas de réflexion, elle ne nécessite pas non plus la moindre dextérité. En effet, il est impossible de tomber d'une corniche ou de rater un saut, tout est automatisé : le personnage ne bougera pas tant que vous n'orienterez pas votre saut dans la direction attendue.
Ainsi il est quand même très regrettable que l'essentiel du contenu du titre soit d'une valeur ludique strictement nulle. Toutefois à défaut d'être plaisantes, ces phases de plates-formes parviennent au moins à s'épargner d'être désagréables (comme c'est trop souvent le cas à travers les titres qui jouent la carte de l'hybridation mal maîtrisée avec des séances de sauts lourdingues).

L'autre gros morceau se concentre autour des combats où il est question de se défaire des robots qui vous harcèlent.
L'essentiel des affrontements se déroule au corps à corps, à la manière d'un beat'em all très sommaire. Ici il n'est nullement question d'enchaîner des combos aussi techniques que complexes, mais simplement d'alterner avec votre bâton entre deux coups (rapide et puissant) et quelques combinaisons à base de pressions simultanées, esquives ou charges.
Cette simplification à l'extrême permet une maîtrise totale du personnage quasi instantanée.
Il est plus préjudiciable cependant que les types d'ennemis soient aussi restreints. On en dénote 5 différents à la volée, soit l'apprentissage de 5 routines de combat nécessaires pour survoler l'ensemble du titre. C'est maigre, d'autant que les boss quant à eux ne nécessitent généralement pas d'être affrontés directement au contact, et peinent tout autant à relever le challenge.
Votre bâton dispose aussi d'une fonction de tir vous permettant de neutraliser les ennemis qui vous canardent à distance, mais aussi de briser leurs boucliers énergétiques.
Globalement, l'intensité et les sensations en combat sont médiocres. Il semble que Ninja Theory ait à l'origine surtout voulu mettre l'accent sur l'aspect stratégique des affrontements. En effet, chaque champ de bataille est préalablement décortiqué par le scan de Trip qui vous explique l'approche souhaitable pour vous simplifier la besogne. De plus, au rang de ses gadgets, elle dispose notamment d'un leurre capable de distraire des robots mitrailleurs pendant que naviguez entre les lieux de couvertures pour vous frayer un chemin jusqu'à eux. L'ennui étant que ce balisage constant couplé aux faibles exigences du gameplay n'incite ni à la réflexion ni à la finesse.
Pour finir d'ôter la moindre once de challenge, le jeu se dote d'un système d'améliorations déblocables à l'aide d'orbes collectées dans les niveaux. Il est alors question de d'obtenir des techniques supplémentaires et d'améliorer l'étendue et la régénération des jauges de santé et de bouclier. L'intégralité des améliorations s'obtient facilement, et en bout de course Monkey est rendu quasiment invulnérable.

Alors l'un dans l'autre, il faut bien reconnaître qu'Enslaved est loin de proposer une expérience de jeu satisfaisante : ultra dirigisme, assistanat perpétuel, linéarité, restriction des possibilités, checkpoints surabondants,... nous avons face à nous un jeu qui semble avant tout taillé pour des joueurs débutants.
Le mode « normal » se torchera sans résistance en une dizaine d'heures, une seconde partie en « difficile » n'offrira pas davantage de challenge, excepté si vous choisissez de réinitialiser vos améliorations acquises pour l'aborder.

Il n'y a généralement pas de scrupules à avoir de tirer à boulets rouges sur un jeu qui propose une expérience aussi pauvre pad en main.
Mais une fois n'étant pas coutume, il conviendra pourtant de s'abstenir dans le cas présent.
Car en dehors de l'aspect « jeu », il reste aisé de se laisser attendrir par l'histoire. En effet, les personnages de l'aventure sont attachants, et en dépit d'un speech initial assez basique, la relation qu'ils vont développer et entretenir reste convaincante et plaisante à suivre. Elle l'est d'autant plus que les doublages VF sont vraiment d'excellente qualité et contribuent grandement à l'immersion et au dynamisme de la narration.
Et si l'attrait prodigué par la patte artistique s'ajoute dans l'équation, on en vient presque à trouver des vertus à que cette absence de challenge nous exonère du moindre sentiment de frustration pour nous permettre d'apprécier tranquillement cette ballade bucolique.
Syldonix
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le 2 mai 2014

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Syldonix

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