Undertale, la prétention en plus, l'intelligence en moins

Je ne pense pas trop m'avancer en disant que Everhood s'inspire fortement du jeu de Toby Fox. Dans les deux cas, on est un personnage silencieux atterrissant dans un monde étrange où des gens se sont installés faute de pouvoir s'en échapper. Dans les deux jeux on va devoir choisir entre épargner ou tuer ceux qui nous font face, et dans les deux jeux, ceux qui nous font face sont un florilège de personnages uniques évoluant dans un monde à l'esthétique minimaliste et naïve. Mais disons le, la comparaison ne rend vraiment pas service à Everhood.


Essayons de comprendre ce qui rend Undertale si bien pour comprendre où son petit frère spirituel se rate. Ce qui fait que l'œuvre sortie en 2015 était réussie, c'était beaucoup de choses, mais c'était d'abord les personnages. La plupart de ceux qui étaient au premier plan avait une personnalité riche, des dilemmes internes, un arc, des contradictions. Même ceux à l'arrière-plan, des monstres qu'on ne rencontrait que le temps d'un combat, arrivaient à avoir une identité. Le message du jeu n'était pas très subtil. On avait le choix entre être gentil et être méchant, mais on était bien-sûr encouragé à être gentil plus que méchant. Sauf que cette simplicité apparente était magnifiée par une grande finesse dans l'exécution.


Si vous aviez comme moi joué à plusieurs JRPG avant Undertale, vous aviez surement pris l'habitude de résoudre des combats par l'élimination systématique des ennemis qui vous faisaient face. En jouant au jeu de Toby Fox, le premier réflexe a probablement été le même. Des monstres nous font face et on les tue. Ce que le jeu cherche à faire, c'est nous montrer que cette approche n'est pas la meilleure solution. Mais plutôt que de nous dire bêtement "tuer c'est mal", le jeu nous amenait à changer parce qu'on se sentaient mal d'avoir mis fin à la vie de monstres parfois attachants. Si comme moi vous avez tué Papyrus la première fois que vous avez joué au jeu, vous savez de quoi je parle.


Et c'est ce qui faisait d'Undertale un jeu brillant. C'était un jeu simple, avec un message simple qui pouvait se résumer en "Faire l'amour, c'est vachement mieux que faire la guerre", ou en "Les LGBT c'est cool". Mais ça fonctionnait parce que c'était les personnages hauts en couleurs qui portaient les thématiques, et aussi parce que le jeu avait l'intelligence de ne jamais se prendre trop au sérieux.


Et Everhood alors ? Parce que c'est une critique d'Everhood ici à la base quand même. Déjà, le jeu débarque et nous dit "Eh toi, je suis venu t'apprendre des choses sur l'existence parce que j'ai un gros cerveau" (je paraphrase mais y a littéralement un paragraphe au début du jeu qui nous dit un truc dans ce style). Alors très bien, déjà je note la circonférence du melon, et il est gigantesque. Mais après tout, pourquoi pas. Peut-être qu'une fois le jeu fini, ma perspective sur le monde aura été transcendée (spoiler : non). Qu'est-ce que le jeu essaie de nous dire alors ?


Le jeu nous dit que l'immortalité c'est pas ouf, et qu'il ne faut pas avoir peur de mourir parce que la vie ne serait rien sans la mort. Le twist du jeu, qui arrive après quelques heures, est qu'en fait notre but est de tuer tout le monde parce que tout le monde est éternel et que c'est pas ouf. Alors ok, le jeu est conscient de ses inspirations et de ce avec quoi il va être comparé, et il essaie de nous prendre de cours en inversant la morale de son grand frère. Sur le papier c'est puéril, mais c'est marrant j'aime bien. Le problème, c'est que comme dit plus tôt, dans Undertale les personnages portent les thématiques alors qu'ici la thématique échoue à porter les personnages.


Ca commençait bien pourtant. Le fait qu'on ignore la finalité de notre quête au début du jeu et qu'on interagisse innocemment avec des gens qu'on va par la suite nous demander d'éliminer à quelque chose de grinçant. Sauf qu'on nous donne le choix entre tuer ou ne pas tuer, et que quand on décide de pas tuer et d'aller à la fin du jeu sans avoir du sang sur les mains, le jeu commence à pleurnicher comme un immonde petit con prétentieux et dit "Tu n'a pas compris ! Tu as échoué à comprendre la profondeur du message que j'essaie de t'enseigner ! Tu es bête. Pourquoi es-tu si bête ?" Alors là, je retiens mon agacement. Je me dis que c'est bien la peine de me donner le choix si c'est pour me faire culpabiliser de la plus lourde des manières. Et avec un mélange d'exaspération et de curiosité, je répond : "Ok on la refait, je vais le commettre ton génocide, arrête de chialer."


Un génocide plus tard, je suis perplexe. Y a quelque chose qui va pas, quelque chose qui me fait douter de la pertinence de l'entreprise. Une chose qui peut l'expliquer est le fossé qui sépare le propos du jeu et le monde dans lequel on évolue. Le jeu parle d'immortalité comme une forme d'aliénation, une prison dont il faudrait se libérer. Mais la plupart des créatures que l'on rencontre semble très bien vivre avec leur éternité. Ils rigolent, s'amusent entre eux, font du jeu de rôle… où est le problème ? On les tue et le jeu nous dit "c'est bien, tu as fait ce qu'il fallait". Mais je suis vraiment sceptique, tout semble m'indiquer le contraire. Tout semble m'indiquer que je viens foutre le bordel chez des mecs qui n'ont absolument rien demandé.


Mais c'est pas tellement de la culpabilité que l'on éprouve devant ce qu'on est un peu forcé à faire, c'est plus de l'indifférence. Parce que face à tout le panel de gars qu'on croise, seul une poignée a vraiment une personnalité approfondie. La plupart d'entre eux se résument à un gimmick, un design rigolo. La plupart sont soit le cliché du mec nerveux, ou du type introverti. Aucun ne semble vraiment humain. Je me souviens après avoir tué le vampire dans la fête foraine, m'être dit "c'était qui ce mec ?"


Dans Everhood, le système de combat est dans une certaine mesure très réussi, mais il est incapable de réellement retranscrire qui sont les gens qu'on a en face de nous. C'est très nerveux, satisfaisant, et j'ai trouvé très malin le fait de d'abord nous faire nous concentrer sur l'esquive avant d'introduire le principe d'attaque en deux temps. Il y a même un moment vers le début du jeu, qui est peut-être une des expériences ludiques qui m'a le plus marqué. Je parle du combat contre les champignons de la forêt qui m'a littéralement fait hurler de rire. Mais ce combat intervient dès le début du jeu, et rien par la suite ne parviendra jamais à dépasser ce climax, même le combat final qui fait du coup un peu redite.


Et pour le reste, toute les chorégraphies de combat de nos opposants pourraient être interverties entre elles, parce que jamais elles ne racontent quelque chose à propos d'eux. Pour faire une dernière comparaison, Undertale nous donnait l'impression d'apprendre à connaître des monstres random, parce que le système de combat permettait de transposer leur personnalité à travers les attaques qu'ils nous envoyaient. Là, non. Dommage. Et du coup on tue tout le monde sans trop de remords parce que tout le monde est un peu osef. Et du coup quand le générique défile, notre perception du réel n'a pas été transcendée comme ce qui nous avait été promis. Et du coup le jeu pète quand même vachement plus haut que son cul.


Alors c'est pas un jeu qui est mauvais, hein. Franchement je le recommande. Il est plein de bonnes idées. Mais dans l'ensemble, on est quand même face à quelque chose qui au mieux est une œuvre à qui un peu d'humilité n'aurait pas fait de mal, au pire un Undertale eco plus.

Panineohm
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le 8 déc. 2022

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