Il est un phénomène assez courant dans les histoires à épisodes, notamment celles décrites dans le domaine du jeu vidéo, c’est de prendre pour point de départ chronologique, le premier opus de la saga qui bat des records de ventes et fidélisent en oubliant un peu les racines de tout le micmac. La série des Metal Gear Solid est un bon exemple, certains considérant l’épisode sur PSOne comme fondateur d’une licence plutôt fructueuse dont la qualité n’est plus prouver. Le cas Tomb Raider, dernièrement, semble aussi se préparer petit à petit à ce constat. On pourrait encore citer les Tenchu, les Deus Ex ou encore les Fallout dont le tout premier opus nous intéresse ici. Evidemment, le grand public connait la série Fallout grâce à ses mimiques reconnaissables entre mille : le Vault Boy, le système d’Abri, les capsules, l’ironie noire des dialogues et il y en a bien d’autres mais surtout grâce à Fallout 3 qui, fort de son succès, aura ensuite permis, à New Vegas et au quatrième numéro de sortir. Beaucoup de personnes encore, aujourd’hui, n’ont aucune idée de ce à quoi pouvait ressembler les « anciens » Fallout et comment il se différenciait de leurs homologues en 3D HD. Il ne s’agit pas forcément de quelque chose de triste car il est finalement très facile de condamner les moins curieux ou les plus ignorants en la matière ; d’autant plus que Fallout 1 et 2 ont été publiés, respectivement, en 1997 et 1998. Les dérives de Fallout Shelter, application pour Android et iOS, semblent bien loin. De plus, on sait qu’il est facile d’émuler de vieilles consoles très aisément désormais mais les vieux jeux PC ont toujours eu plus de mal à passer ; problème de mise à jour, de carte graphique, de driver, de système d’exploitation, de résolution et on en croise beaucoup d’autres. Fort heureusement pour les plus intéressés, Fallout premier du nom ainsi que sa suite sont depuis assez longtemps sur GoG et Steam pour bénéficier de la meilleure optimisation possible sur des bécanes récentes. Votre PC date d’après 2001 ? Vous pouvez faire tourner Fallout 1. C’est vrai parce que ça rime.


La civilisation américaine est tombée à la suite d’une guerre nucléaire entre la Russie et les USA, peut-être que cela s’étend même au monde entier. Afin d’éviter les retombées nucléaires, la société Vault-Tec a conçu des abris souterrains. Plusieurs abris aux rôles, d’apparence évidents, mais finalement très éloigné de leur concept de départ, pour la plupart. Le joueur incarne un habitant de l’Abri 13, abri qui sera d’ailleurs la signature du personnage durant toute la saga. Sauf que voilà : la puce permettant de filtrer l’eau à l’intérieur de l’Abri 13 est tombée en panne et les réserves d’eau non contaminée diminuent de jour en jour. La seule chose que l’on sait c’est que notre héros devra résoudre la situation d’une manière ou d’une ordre avec pour seul information la présence d’un autre abri à proximité qui pourrait, peut-être, disposé d’une autre puce d’eau. À l’image de Wasteland, le joueur évolue dans un contexte post-apocalyptique où la survie est de rigueur. D’ailleurs, ce n’est pas exactement vrai. Fallout se déroule dans un monde post-post-apocalyptique, c’est à dire que la fin du monde est déjà passé depuis de nombreuses années ; les humais ont eu le temps de se faire à ce nouvel environnement et à s’y adapter, construisant des tribus, des villages et quelques métropoles. Tout une économie est ainsi sur pied, plusieurs gangs font la loi, certains endroits mieux renommés que d’autres, etc. L’idée n’est donc plus de survivre mais d’apprendre à vivre et pour le cas du héros : à trouver la puce d’eau au milieu de tout ce bordel. Évidemment, la catastrophe nucléaire a emporté avec elle de nombreuses conséquences radioactives : des mutants (animaux et humains) seront nombreux à vous barrer le chemin mais aussi des radiations, plus élevées à certains endroits, dont il faudra se protéger efficacement afin de pouvoir avancer. De toute évidence, cette histoire de puce d’eau n’est qu’une justification pour lancer le scénario ainsi que l’univers décalé de Fallout comme ce sera le cas pour l’épisode suivant. Car une plus grande menace pèse sur les Terres Désolées et il vous incombera à vous d’y mettre un terme.


En bon CRPG qui se respecte à l’ancienne, Fallout propose un système de combat au tour par tour basé sur des points d’actions (PA) à utiliser au fil de l’affrontement. Chaque action consomme des PA comme accéder à l’inventaire ou porter une attaque. Une fois qu’ils sont épuisés ou que le joueur le choisi : le tour passe. Il est possible d’être aidé par des compagnons et de s’armer en conséquences, de plus en plus dangereusement, à mesure que les adversaires deviennent puissants. Evidemment, toutes les issues des combats dépendent des caractéristiques propres à chaque personnage, contrôlable ou non jouable. Tout une grille de compétence composée de divers pourcentages est à améliorer à mesure que les points d’expérience s’accumulent et que les niveaux défilent. Les points de S.P.E.C.I.A.L propre à la saga Fallout joue aussi, de toute évidence, un rôle primordiale. Il s’agit de cinq caractéristiques relatives à notre personnage que l’on doit dispatcher lors de la création dudit personnage. Le S.P.E.C.I.A.L fait référence à la force, à la perception, à l’endurance, à la chance, à l’intelligence, à l’agilité et au charisme de notre protagoniste. Tous ont leur rôle hors du combat et à l’intérieur de ce dernier. À cela viennent s’ajouter des qualités facultatives proposant de nouveaux éléments de gameplay comme le fait de devenir mutant ou plus résistant aux dégâts. La création de personnage est d’ailleurs identique à n’importe quel autre CRPG du même acabit. Il s’agit d’augmenter ou de descendre les points de S.P.E.C.I.A.L tous hissés au rang de 5 par défaut, de donner un prénom à notre héros, de choisir son sexe, son âge, ses aptitudes au combat ou dans la nature et ses qualités facultatives pour ensuite commencer l’aventure. Même si la démarche semble simple et expéditive, il faut noter qu’à l’image d’Underrail ou de Wasteland 2, l’administration de la fiche de personnage doit être effectuée minutieusement et suivre une logique de jeu crédible et tangible. Il est, certes difficiles, de comprendre les rouages et la complexité que propose la création de personnage durant la première partie, mais à mesure que le jeu progresse, on comprend qu’on aurait dû mieux répartir ses points. La deuxième run ou la relance de partie est donc une autre chance de créer le héros parfaitement souhaité afin de profiter un maximum de ce que le jeu peut nous offrir. Néanmoins, partir à l’aventure, la fleur au fusil, avec une répartition des points hasardeuse est aussi un excellent challenge pour n’importe quel joueur un tant soit peu aguerri.


Se déroulant dans un univers en 2D isométrique, comme les chips à l’ancienne, et les déplacements sur les grandes distances se font sur une grande carte, par défaut plongée dans le noir mais qui s’éclaircira au fil des voyages ou des aller-retours parfois nécessaires pour de nombreuses quêtes. Cependant, traverser toute la map ne sera pas forcément sans danger. De nombreuses rencontres aléatoires peuvent survenir à n’importe quel moment, aussi acharnées que des Pokémon sauvages. Il peut véritablement s’agir de tout et de rien. Parfois, ce seront des animaux dangereux ayant mutés, d’autrefois, il pourra s’agir de bandits souhaitant vous écorcher ou alors simplement de marchands ne vous adressant même pas la parole. Sachez aussi que vous pouvez tout aussi bien vous retrouver au milieu d’un conflit armée entre deux bandes rivales et choisir qui supporter ou alors par où fuir. Ce genre de choix, assez récurrent, procure une véritable sensation de liberté car aucune ligne de dialogue ou message ne vient vous demander votre avis ; ce sont vos actions (sans aucun signe de somation) qui vont représenter vos choix, parfois moraux. D’autres situations à choix multiples se résumeront aussi dans des dialogues, aux débouchées toujours nombreuses, mais ils constituent plus souvent l’enjeu d’une quête ou du comportement d’un PNJ. Libre à vous, donc d’être chargé de récupérer un objet, disons une radio portative, et d’aller la voler à un individu en portant une voire de le tuer pour rendre les choses encore plus simples. Pourtant, si vous vous étiez donné la peine de discuter avec le type en question, peut-être aurait-il pu vous la céder pour une modeste somme d’argent ou demander quelque chose en échange. Il existe encore d’autres issues, toutes différentes selon la quête abordée et cela justifie le sentiment de véritable liberté d’action que l’on concède sans rechigner aux deux premiers Fallout. Il est extrêmement rare, voire impossible, de tomber sur une quête qui ne peut pas se terminer de nombreuses façons et pas forcément juste la » manière conciliante » contre la » manière pragmatique « . Aucun jugement de valeur ne vous ai attribué ici, vous êtes le seul derrière votre écran à répondre de vos actes ! Il faut également saluer la prestation de l’écriture générale du soft, surtout ses dialogues, qui se complaît du début à la fin dans un humour noir, hautement corrosif touchant à de nombreux sujets sensibles. Presque chaque discussion donne envie de screener le jeu pour se bâtir un petit dossier intitulé » Fallout m’a tuer » ; à parcourir durant les moments difficiles. Un grand choix de différentes répliques est toujours proposée mais certaines sont uniquement présentes pour alimenter le côté acide de l’humour qui constitue l’un des avantages les plus représentatif de la saga. Évidemment, si plusieurs voies différentes sont permises, c’est que différentes issues le sont aussi. Il peut donc être tout à fait possible d’éviter un bain de sang en choisissant les dialogues appropriés. Comme plusieurs choix peuvent amener à un combat, tous n’offriront pas forcément les mêmes perspectives une fois les hostilités commencées : un surnombre d’ennemis, l’un plus énervé que les autres, un groupe en fuite, le chef désarmé, plusieurs options sont disponibles à chaque occurrence est c’est bien entendu ce qui fait tout le charme de la série, du moins, de nos jours.


Car il faut bien avouer que, graphiquement, Fallout a terriblement vieilli comme la grande majorité des autres jeux de son époque. Un effort est donc nécessaire si ce n’est l’amour du rétrogaming pour s’immerger parfaitement et ainsi apprécier le soft. Malgré cela et pour ce que ça valait à l’époque, l’ambiance post-apocalyptique est impeccablement réussie. Les zones sont généralement sales, en ruine, désertées, tristes et maussades ; le tout retranscrit dans tes tons pâles, de nombreuses palettes de gris et un goût prononcé pour les couleurs froides. La démarche fonctionne sans accroc, offrant des images conformes à l’univers décrit dans le jeu. Même certains bruitages, aujourd’hui, peuvent provoquer un petit ricanement chez certain même si les dernières versions du soft officielle ou non propose une remise à niveau, certes pas exceptionnelle mais hautement satisfaisante. La chanson Maybe des Ink Spot, toujours aussi belle, introduit et clôture le titre dans une ambiance rétro-jazz offrant un délicieux cachet démodé à l’univers de Fallout. La version originale anglaise bénéficie d’ailleurs des voix de Ron Perlman (vu dans Sons of Anarchy ou Le Nom de la Rose) responsable du fameux » War, war never changes » ou encore de Tony Shalhoub (alias Monk et le trafiquant d’identité dans Gattaca). On peut aussi citer Richard Dean Anderson ou encore Clancy Brown. L’univers de Fallout fonctionne aussi énormément sur les références à la culture populaire et l’esthétique vintage comme le design des bouteilles en verre de Nuka-Cola faisant référence à une autre marque de soda bien connue. De nombreux liens sont fait avec la science-fiction (comme l’évocation du test de Voight-Kampff inventé par Phillip K. Dick) ou avec la culture populaire, comme déjà dit, avec des allusions à South Park, Godzilla, le mythe des Aliens ou encore celui de la zone 51. Fallout est aussi un jeu impitoyable car il pardonne rarement et cela se reflète parfaitement dans l’ambiance viscérale propre à la série. Un faux pas, surtout dès le début où il faut rester prudent, équivaut bien souvent à la mort ; les décisions doivent êtres prises avec méticulosité et réfléchie dans leur ensemble. Par exemple, déclencher un camp de bandits pour libérer un esclave est peut-être la solution la plus expéditive mais réussir à s’infiltrer, à libérer la cible sans provoquer la moindre attaque est aussi synonyme de sauvegarde de munitions ou de Steampacks (rares et pouvant rétablir la santé des protagonistes). D’un autre côté, les combats rapportent de l’expérience qui viendront s’ajouter à celle obtenue une fois la quête résolue… Il faut donc envisager tous les cas de figure avant de se lancer avant de pouvoir aisément et mûrement avancer jusqu’à l’achèvement de l’épilogue (sublime soit-dit en passant, sec mais juste et très évocateur). Fallout propose une certaine difficulté car il évolue dans un monde difficile ; cela peut sembler logique mais ça ne l’est pas forcément dans la tête de tous les développeurs (qui pourraient aussi miser avec des risques sur le contraste entre le scénario et le gameplay, pourquoi pas). Pour autant, Fallout se veut réaliste dans un monde en parfaite désolation, très critique de la société américaine et obéissant à ses codes avec obstination. Il s’agit de survie ; les soins ni les munitions ne sont distribués par les anges. Il faut aussi jouer la carte de la débrouillardise car tout ne sera pas forcément expliquée ou aiguillé., sans compter les multiples rebondissements du backround (pas forcément de la trame principale) qui demandent au joueur de souvent réfléchir sur des faits horribles pour comprendre le fonctionnement de l’univers, comme c’est le cas lorsqu’on en apprend un peu plus sur les autres abris.


Fallout est donc un jeu, certes ayant vieilli sur ses mécaniques et ses graphismes mais il fonctionne toujours aussi efficacement qu’à l’époque et même plus efficacement que certains de ses successeurs spirituels. Car Fallout abolit les scripts au maximum, propose une vraie liberté d’action presque semblable au JDR papier qui se verra encore plus folle pour le second épisode. Le tout est alimenté par de succulents dialogues à l’humour sombre, à un système de combat concis mais sérieux mais aussi à un excellent scénario au rythme croissant jusqu’à un grand méchant pas beau éclatant de dégoût et, étrangement, de charisme (l’un, si ce n’est le meilleur antagoniste dans un RPG occidental). L’ambiance générale, sale, pleine de crasses, d’arnaques, d’escroqueries et de misère parachève cet univers si particulier qui est celui de la série Fallout mais aussi surtout de ses deux premiers épisodes. Car Fallout 3, malgré ses qualités, peine à retrouver le génie d’écriture et les champs de possibilités offerts par les opus en 2D isométrique. Fallout 4 offre le même constat et il faudra attendre New Vegas, sorti entre les deux, pour voir un Fallout en 3D dirigé par d’anciens développeurs de Fallout 1 et 2. Désormais disponibles à moindre prix avec de nombreuses mises à jour permettant une optimisation propre, Fallout est un jeu à faire dans tout le sens, jusqu’à plus soif.


https://raton-lecteur.fr/critique-jv-fallout

Djokaire
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le 18 août 2017

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