FIFA SCRIPT

Cette critique se concentre sur le mode FIFA ULTIMATE TEAM de FIFA 21, toutes les remarques portant sur le jeu sont donc uniquement appliquées à ce mode de jeu seul.

Si l’on doit bien reconnaitre une qualité à Electronic Arts avec la licence FIFA, c’est d’avoir su créer un mode de jeu populaire et addictif, devenu avec le temps l’un des plus prisés et une référence du jeu online. Apparu sur FIFA 09, voilà donc 11 ans que la formule aura pu évoluer et se peaufiner, l’occasion de faire un petit bilan à ce jour.

Pour rappel, qu’est-ce donc que FIFA Ultimate Team ?

Le principe consiste en une libre création d’équipe du joueur, en suivant quelques directives: tous les joueurs sont disponibles sous formes de cartes à collectionner, soumises à un système d’achat revente qui est paradoxalement devenu autant la force du titre que la cause majeure de sa chute (mais nous y reviendrons). Chaque joueur donc, se voit accessible à l’achat moyennant une certaine somme de crédits virtuels, établie en fonction de la qualité du joueur en question. Le but étant au final de pouvoir se composer son équipe de onze selon certains critères: un bon collectif résulte d’une bonne entente entre chaque, entente qui se voit réciproquement profitable si les joueurs sont de même championnat, même nationalité, voir idéalement de même club. Des liens verts, oranges ou rouges entre chaque carte symbolisent ainsi cette entente, permettant théoriquement une meilleure qualité de jeu une fois en match (retenez bien le “théoriquement”). Vous souhaitez créé la meilleure équipe de Ligue 1, vous rêvez d’une Equipe de France ou Benzema serait titulaire ? D’un PSG qui possède une vraie défense ? FUT dit oui à toutes vos demandes, à vous de jouer le coach et de personnaliser tout cela.

Car en terme de personnalisation, on peut dire qu’on est servi. Vous pouvez librement définir vos maillots, votre tactique de jeu, affiner vos stratégies d’attaque ou de défense, et ce même en cours de match. Petites nouveautés de ce cru 2021: la possibilité de customiser votre stade, du tracé de la pelouse à la couleur des sièges en tribune en passant par la musique à jouer après chaque but. Si vous souhaitez vous investir et gérer entièrement votre club, FUT vous y invite. Et si vous voulez progresser, cela en devient même nécessaire.
En effet, Ultimate Team se révèle bien vite chronophage, incitant à jouer chaque jour afin de progresser et gagner des récompenses. Techniquement, 3 modes de jeu et une extension s’offrent à vous:

• Clash Equipes: le mode offline de FUT. Ceci vous permettra de vous mesurer à des équipes préétablies par le jeu lui-même, dont la qualité varie, offrant divers niveaux de difficulté. Plus un niveau est élevé, meilleure sera votre récompense et donc votre progression au classement. S’ajoute à cela un affrontement face à la TOTW (Team Of The Week) ainsi qu’un onze composé par diverses personnalités (on a commencé avec des footballers, aujourd’hui on en est au 11 de Dua Lipa...M’okay). Chaque lundi matin, vous pourrez ainsi obtenir vos récompenses relatives à votre classement obtenu selon vos victoires.


• Division Rivals: le mode online de FUT. Se présentant comme Clash Equipes cité plus haut, vous pourrez cette fois-ci vous mesurez à d’autres joueurs qui, comme vous, ont composé leur équipe ultime. Points glanés en cas de victoire et progression entre diverses divisions reflétant un certain niveau (de la division 10 à la 01) établissent la hiérarchie entre les joueurs. A partir d’un certain seuil de points obtenus, vous débloquez l’accès à FUT Champions.


• FUT Champions: Rejeton diabolique de Rivals, FUT Champions met en scène l’affrontement entre les meilleurs joueurs FUT dans une série de 30 matches à accomplir en un week-end seulement ! La lutte s’avère impitoyable, mais les récompenses à la clé sont parmi les meilleures que vous pourrez obtenir. A réserver toutefois à l’élite et donc aux habitués du mode de jeu, les nouveaux venus seront bien vite sortis sur civière.


• Squad Building Challenge: les SBC pour les intimes offrent l’apparence de challenges de création d’équipes: ici il vous sera demandé d’établir un collectif de 11 joueurs avec uniquement 3 joueurs d’un même championnat, 5 championnat différents et une note générale d’équipe de 86 (par exemple). Astucieux et pouvant s’avérer assez retors, ces défis de créations d’équipes en appellent autant à vos connaissances footballistiques qu’à la gestion de vos crédits. Pour ces créations, vous pouvez au choix piocher dans les joueurs de votre équipe, ou bien aller chercher sur le marché des transferts cet arrière droit polonais qui vous manque, en espérant que son prix ne soit pas trop élevé. Là encore, plus un défi s’avère ardu, plus la récompense en vaut la peine.

A noter également qu’il vous est possible de jouer contre un ami sans impact de classement pour lui comme pour vous, mais également de jouer en duo avec une même équipe pour aller affronter du monde en ligne (les points récoltés alors étant uniquement attribués au propriétaire de l’équipe).

En définitive, FUT en offre pour tous les goûts, et vous vous retrouverez sans cesse avec quelque chose à faire pour progresser. Car à ceci s’ajoutent des petits défis de toutes sortes renouvelés quotidiennement (réaliser 5 passes décisives avec un joueur de Bundesliga, marquer 10 fois avec des joueurs brésiliens) parfois vraiment complexes (marquer 5 fois sur coup franc en un seul match).

Autrement dit, FIFA Ultimate Team se révèle le mode de jeu par excellence, accessible à tous et riche en contenu ? Eh bien dans les faits...

Vous avez probablement déjà téléchargé ce jeu gratuit sur smartphone, commencé à y jouer, progressé rapidement avec moults récompenses pour finir par vous apercevoir que ça n’ira pas vraiment plus loin si vous ne passez pas par la case achats à la boutique ? Aaaah ces fameux F2P (free to play) s’avérant être des P2W (pay to win)...
Eh bien FIFA Ultimate Team se rapproche étroitement de ce style de jeu.

Car si, dans la forme, tous les joueurs sont potentiellement disponibles, dans le fond...
Partant du principe que vous obtenez environ 500 crédits par match et que certains joueurs coûtent plusieurs millions (oui vous avez bien lu), calculez le nombre de matches et le temps qu’il vous faudra pour obtenir ledit joueur...
Pour cela, fort de son système de cartes, EA propose l’obtention de packs: disponible via l’achat en crédits ou en guise de récompenses, ces packs contiennent un certains nombres de cartes, selon leur rareté (bronze, argent, or, or rare, boost et spéciales). Attention, rien ne vous indique ni ne vous assure que vous obtiendrez le joueur de vos rêves à l’obtention de ce pack ! Aussi, tout l’intérêt repose sur cette petite excitation au moment de l’ouverture, espérant obtenir cette carte de joueur qui vous fait rêver depuis des semaines, ce Ben Yedder qui semble parfaitement adapté à la pointe de votre attaque... Pas de chance, c’est Mitroglou qui est sorti.
Aussi, afin de vous inciter à multiplier vos ouvertures de packs et donc vos chances, EA vous proposent gracieusement de passer à la caisse en achetant des crédits moyennant de la monnaie réelle afin d’obtenir plus de crédits et de pouvoir soit payer directement votre joueur sur le marché, soit acheter des packs, encore et encore, jusqu’à satisfaction.
De quoi ? Comment ? C’est pas ça un jeu ? Ah mince...

Des cartes boost, de couleurs différentes, mais pourquoi faire au final me direz-vous ? Un joueur reste un joueur non ? A ce titre, il y a le fond et la forme...

La forme:

Effectivement, chaque année les joueurs se voient attribués une note de général reflétant globalement leur niveau. Des stats définissent tout cela (vitesse, tirs, passes, dribbles, défense, physique). Selon les faits de jeu du joueur en saison réelle, sa carte peut se voir attribuer un boost (votre attaquant favori à signé un doublé cette semaine en LdC ? Vous trouverez une nouvelle carte disponible à l’achat, ses stats initiales étant boostées par rapport à sa carte de base). Une façon pour FUT 21 de rester au plus proche de la réalité et d’alimenter sans cesse son jeu avec de nouveaux objectifs. Enfin, plus proche de la réalité... Verratti à 88 de vitesse et 84 de tir... Hmm).

Le fond:

Dans les faits, on met le doigt sur l’un des problèmes récurrents de FIFA Ultimate Team. Ses stats que vous avez soigneusement étudiés, privilégiant un joueur moins rapide mais plus physique afin d’assurer une réelle résistance lors de vos attaques par exemple; vont bien vite s’avérer très anecdotique en plein match. Oui oui, ici, vous assisterez aisément à une perte de balle de Zlatan, dégagé d’un coup d’épaule par Neymar. Le général sensé représenter une valeur réelle n’est pas à prendre en compte finalement: pourquoi obtenir Mbappe et son 90 de G (1 millions de crédits) quand Adama Traoré est absolument inarrêtable (79 de G, 1 500 crédits) 1 ? Ne vous embêtez pas non plus à chercher ce milieu de terrain et son 5 étoiles de gestes techniques quand certains dribbles s’avèrent complètement buggés et passeront tout le temps. Ajoutez à cela les petits malins traversant tout le terrain en jonglant, le ballon se retrouvant impossible à récupérer à moins de faire faute. Aaaah cette belle communauté...
A ce titre, méfiez-vous également de l’arbitrage, peut-être bien le pire de tous les FIFA: un tacle au genou ne sera jamais sanctionné, un petit coup d’épaule vous vaudra une sanction immédiate par carton jaune. Ou l’inverse, c’est selon. Le moindre effleurement dans la surface de réparation vaudra penalty, mais un brisage de cheville ne méritera pas même un avertissement verbal. Ou l’inverse, ça dépend. Il n’y a pas vraiment de règle au final. Un peu comme les packs en fait...

Après tant d’années, comment se fait-il que FIFA ne puisse toujours pas proposer un mode de jeu ou ces soucis d’équilibrages ne sont pas enfin effacés me direz-vous ? Réponse en un mot: les scripts.

Le déroulement de vos match se verra en effet régulièrement (voir systématiquement, mais accordons le bénéfice du doute ma foi) perturbé par des scripts. Ces fameux dynamic difficulty adjustment. Ainsi, votre série de victoire ou de défaite se verra stoppée, le jeu ajustant le déroulement du match en faveur de votre adversaire: penalty sorti de nulle part concédé à la 90ème, défenseur s’enfuyant de lui-même pour laisser un boulevard à l’ailier adverse, temps additionnel quasiment illimité pour laisser l’occasion à votre adversaire de décrocher la victoire ou au moins le match nul... La liste est longue et l’injustice deviendra le maître mot de vos parties. Il ne vous reste plus qu’à subir, ou à rage quit, vous pénalisant ainsi d’une sanction sur vos crédits durement gagnés pour abandon.

Mais quel intérêt de créer ce genre de situation ? Pour vous en tant que joueur ? Aucun. Pour EA, l’intérêt est double:
D’une part, cela assure aux joueurs moyens de ne pas être dégouté par un niveau online trop supérieur au leur. Une série de défaite se verra forcément à un moment récompensé par une victoire, redonnant goût à la compétition. Et en cas de défaites prolongées, cela vous fera forcément remettre en cause votre équipe, et vous incitera à chercher à obtenir de meilleurs joueurs (achat, packs... Voir plus haut dans mon test).
Ainsi, Electronic Arts s’assure que sa communauté ne déserte pas le jeu et que l’équilibrage entre tous soit toujours à peu près établi. Cela, au détriment d’un gameplay dont le réalisme se voit totalement anéanti. Un comble pour un jeu qui se veut (et se prétend) simulation de football...

Si ce soucis de scripts intempestifs et plus largement d’équilibrage n’est pas nouveau chez la grogne des joueurs, il semblerait que les proportions deviennent un peu plus importantes. Déjà rappelé à l’ordre concernant son utilisation douteuse (scandaleuse ?) des loot boxes avec Star Wars Battlefront II, c’est à présent du côté du Canada qu’EA se voit interpellé. Deux joueurs (Mark Sutherland et Shawn Moore) ont en effet intenté un procès contre l’éditeur pour utilisation d’un système de jeu illégal par utilisation des loot boxes (représentées ici par les packs de cartes). En Belgique et au Pays-Bas, le mode de jeu a même purement et simplement été interdit. C’est vous dire si cela prend de l’ampleur...
Suffisant pour réellement remettre le principe même du jeu en question ? J’en doute, au vu de l’intérêt économique incroyable (Ultimate Team ayant rapporté l’année dernière plus d’un millard de dollars...) et du fait qu’Electronic Arts s’appuie sur ce système pour tous ses jeux (Madden NFL, les microtransactions de UFC...); il semble bien difficile de faire vaciller cette formule maintenant si bien implantée...

Le salut du joueur passera pourtant par le retour à un principe de jeu simple, équilibré, ou la progression serait récompensé par la victoire, sans tierce intervention. Mais pour cela, EA devrait penser beau/bon jeu avant gros sous...

En définitive, que retenir de FIFA Ultimate Team ? Un mode de jeu addictif, riche, abouti, au contenu sans cesse croissant, aux objectifs multiples, sans cesse remis à jour pour assurer une pérennité certaine. Les multiples défis offrent des récompenses pour chacun, et la personnalisation de l’équipe est si poussée qu’il vous sera permis de tout faire.
Un tableau idyllique qui se voit entaché par un déséquillibrage complet, des scripts à profusion rendant le titre complètement injouable et un gameplay irréel ou seule la vitesse compte, au mépris de toute construction ou sens tactique quelconque... Le tout manifié par la communauté la plus cancéreuse tous jeux vidéos confondus. J’en viendrais à vous déconseiller un mode de jeu qui est pourtant sur le papier une vraie réussite, c’est dire le problème... Seule solution ? Un changement de développeurs ou un remaniement profond de la formule par EA... Deux cas hautement improbables...

1: Prix d’achat de joueurs à jour en décembre 2020, susceptibles de varier plus ou moins fortement à l’avenir