Final Fantasy VII: Remake
7.5
Final Fantasy VII: Remake

Jeu de Square Enix (2020PlayStation 4)

Il y a de cela désormais quelques bonnes années fut annoncé à l'E3 un jeu dont bon nombre de fans attendaient désespérément le retour. Il s'agit évidemment de Final Fantasy VII Remake. Excellente nouvelle, le représentant le plus populaire de ce que l'on appelle grossièrement le JRPG allait enfin être remis au goût du jour ! Seulement voilà, cela faisait déjà quelques années que le goût du jour selon SquareEnix me semblait peu attrayant. Sans rentrer plus dans les détails, tout ce que ces artistes m’ont proposés ces dernières années m’a paru fade. Absolument tout, sauf ce qu’ils ont pu éditer (Nier par exemple).
Je sais que je peux me montrer rude envers ces productions Square, surtout au vu du fait qu'elles ont bien souvent rencontré leur public, mais le fait est le suivant : qu'on aime ces jeux ou pas, une partie de la communauté s'est retrouvée sur le carreau depuis la fusion entre Square et Enix, et depuis, l'entreprise n'a de cesse de vouloir reconquérir son amant perdu. Sans grand succès... C'est à ce moment que SquareEnix décide alors de faire sauter le tiroir à cash pour en sortir son stock le plus fructueux : Final Fantasy VII. Qui ne connaît pas ce RPG de légende ? Fer de lance de la PSone, premier FF à paraître entièrement localisé (de manière catastrophique mais c'est un autre sujet), au scénario acclamé, au système de jeu simple mais accrocheur et à l'univers empli d'un potentiel surprenant. Rarement un jeu n'a atteint un statut aussi culte et intouchable, et pourtant, c'est à mon avis avec la certitude d'entreprendre une démarche financièrement sans risque que Square ressort sa licence du placard. Comment mieux vendre qu'avec un jeu qui a déjà été un succès commercial ? Et ça marche ! La preuve... Je l'ai acheté.
Je passerai le sujet de ma faiblesse mercantile et vais même en profiter pour aller droit vers ce qui nous intéresse: Que dire de Final Fantasy VII Remake ?
Une question qui m'a torturé depuis que le générique de fin a défilé sous mon regard perdu.
Premièrement, je pense qu'il est nécessaire de se poser une question cruciale : Pourquoi un remake ? Par là je ne parle ni de portages ni de remasters que je considère à la fois comme des manœuvres commerciales mais aussi comme une occasion de rattraper des classiques. Je parle vraiment de remake, comme il en existe au final assez peu en jeu vidéo (on peut penser aux remakes des Resident Evil.)
Plusieurs réponses semblent rapidement se bousculer à l'entrée : Pour les faire découvrir à la nouvelle génération en modernisant les graphismes et le gameplay ! Pour la pub facile ! Pour l'argent !
Tout cela est en partie vrai, mais il serait réducteur de s'arrêter là, surtout du fait que cela ne répond toujours pas à la question : pourquoi un remake et pas juste un portage, comme il en existe en plus déjà de l'œuvre originale ? Pour moi, il s'agit alors de créer un nouveau jeu. Pas nécessairement un meilleur jeu, juste un nouveau jeu né d'un matériau brut. Resident Evil et sa version "Rebirth" ne sont pas pour moi les mêmes œuvres, et c'est du pareil au même pour FF7. Dans ce cas-là, sacrilège ! Un quidam n'a en rien le droit de refaire un nouveau FF7 ! Irait-on repeindre la joconde ?!
Alors déjà, oui (allez rechercher LHOOQ, ça en vaut le détour), et ensuite, il s'agit là selon moi d'une démarche bien plus saine que de ressortir le même jeu ; il est préférable de titiller la curiosité du joueur et de le sortir de sa zone de confort que de toujours lui vendre le même produit par facilité. En ce sens, j'aimerais en tout premier lieu féliciter le courage de Tetsuya Nomura et ses équipes qui se sont attaqués à une œuvre adulée, et pas seulement par des fans empreints d'une grande douceur. Je ne saurais assez exprimer mon admiration face à la volonté d'un artiste de ne pas stagner et de vouloir proposer quelque chose de neuf. Seulement voilà, le point noir avec ce Remake de FF7 est à mon avis Tetsuya Nomura lui-même. Bien évidemment, ce n'est pas une attaque contre sa personne, juste contre son style et sa manière de diriger un jeu.
Qu'est-ce qui ne va pas dans FF7 Remake ? La réponse se trouve malheureusement dans les différences que comporte l'œuvre avec celle de 97. A partir d'ici, je vais exclusivement parler du contenu du jeu en soi, et, de manière plus précise, d'éléments révélés à la fin de celui-ci, vous êtes prévenus.
Avant tout, je vais me permettre de résumer quelque peu l'intrigue du jeu, et ce de manière extrêmement concise ; la plupart des lecteurs de cette critique connaissent sans doute déjà tous les tenants et aboutissants du jeu. Dans une cité d'inspiration cyberpunk nommée Midgar, un groupe d'écoterroristes du nom d'Avalanche s'attaque à des réacteurs détenus par une entreprise gouvernante du nom de Shinra qui puise l'énergie de la planète. Le protagoniste, du nom de Cloud Strife, fait partie de ce groupe et le jeu s'évertue donc à nous conter les péripéties de ces derniers dans la cité tentaculaire, s'arrêtant avant la véritable fin du jeu, puisque ce Remake ne recouvre que les six premières heures de l'œuvre originale avant de se clôturer.
Qu'y a-t-il alors à voir dans ce remake de différent par rapport au matériau de base ?
Non content de modifier le système de combat, très dynamique et qui pourtant ne fait pas trop d'ombre à la partie RPG du titre via les matérias, ainsi que le level design du jeu, qui est quant à lui absolument catastrophique, ne se basant que sur des interminables corridors de lignes droites sans inspiration, Nomura s'en est sauvagement pris au scénario de la première partie de FF7. Pas que celui-ci soit intouchable, loin de là, disons juste que le directeur s'est appesanti sur des tocs d'écriture qui ne lui appartiennent qu'à lui. Si, vous savez, ce sont des moments où des personnages encapuchonnés viennent sur le devant de la scène et prennent dix minutes d'exposition afin de t'expliquer que la réalité est juxtaposée à sept autres réalités qui ont un impact sur la première et qui grâce à des vortex de non-sens communiquent les unes avec les autres en mélangeant quatorze temporalités elles-mêmes reliées au monde des rêves dans lequel est emprisonné l'âme du héros qui en fait n'est pas vraiment son âme puisque celle-ci est piégée dans le cœur de l'héroïne (ne cherchez pas, je viens d'inventer). J'extrapole volontairement, rien de FF7 Remake n'est difficile à saisir, au contraire même, mais tout est écrit avec cette lourdeur caractéristique de la plume du game designer, et même s'il n'a pas lui-même écrit le scénario, rappelons qu'il reste le directeur du jeu.
Pour résumer de quoi il est question: alors que le jeu est censé se conclure alors que les héros sont sur le point de sortir de Midgar, ceux-ci sont arrêtés par un mur que je qualifierais de "mur des symboles, clin d'œil très lourd pour être sûr que tu suis joueur". Derrière celui-ci, le joueur doit affronter les "fileurs", des espèces de fantômes justement encapuchonnés qui sont en réalité littéralement les maîtres du destin. En bref, ils s'assurent que les événements importants de l'intrigue se déroule tel que prévu (par exemple: Barret se fait transpercer par Sephiroth, l'antagoniste du jeu, mais les fileurs interviennent pour sauver ce dernier, car, bien sûr, ce n'est pas dans le scénario originel de FF7). C'est de ce fait une adresse assez osée de Nomura qui dit au joueur :"Désormais, tout est possible. Vous comme moi nous ne sommes pas liés à l'intrigue de FF7 et pouvons aller ailleurs ensemble". C'est une volonté que je respecte profondément.
A partir de là, le jeu se noye complètement derrière le nouveau propos qu'il tente maladroitement d'apporter. En temps normal, ce type de procédé méta qui peut permettre une réflexion poussée sur ce qu'est un Remake en jeu vidéo me passionerait. Le problème avec Nomura est que le fond n'est jamais, mais alors jamais, accompagné de la forme. Tout cela est amené avec la lourdeur de l'écriture d'un David Cage et ne pousse en réalité à aucun moment à la réflexion puisque tout est tout simplement donné sur un plateau d'argent au joueur, le tout dans un feu d'artifice advent childrenesque absolument indigeste et distrayant. La cohérence imposée par l'aspect photoréaliste du titre s'envole lorsque les personnages se mettent soudain et quasiment sans prévenir à sauter de morceaux de routes flottants en morceaux de routes flottants tout en combattant des créatures d'aspect devil maycryesque ainsi qu'un dieu tout puissant qui dévoile son existence lors des toutes dernières minutes de jeu ! Tout cela sur fond de lapalissades telles que "nous sommes les maitres de notre propre destin" assénées au joueur incrédule, qui tente de rechercher les derniers monceaux épars de subtilité et d'élégance.
FF7 Remake retombe avec fracas dans les méandres de la mauvaise écriture, emportant avec lui tous nos espoirs et tout notre émerveillement. Tout ce qu'il a fait de juste et toute l'audace dont il a essayé de faire preuve tombent à plat alors qu'un enfant en manque d'attention nous saute dessus pour nous crier dans l'oreille que lui aussi, comme son grand frère, est digne d'intérêt et qu'on devrait le regarder lui ! Il profite alors de son subterfuge temporel pour user de toutes ses cartes à outrance. Il dévoile des scènes comportant un personnage déjà mort censé se révéler plus tard ; joue sans la moindre habilité sur le doute quant à sa mort, dévoile des scènes futures pour mieux faire comprendre au joueur que celles-ci n'auront peut-être pas lieu, etc, etc. Sauf que ce que Nomura n'avait pas saisi à ce moment, c'est que le joueur avait déjà compris il y a bien longtemps et qu'il ne sait désormais plus faire preuve de rien d'autre que de pédance. Ainsi, le jeu dilue éhontément tout son propos derrière des couches et surcouches de spectacles abracadabranquesques qui au final sont à l'image du jeu dans son intégralité. Avec son rallongement artificiel (40h au lieu de 6!), ses quêtes annexes lourdes et inintéressantes, ses dialogues parfois écrits à la truelle et ses nouveaux personnages exaspérants, FF7 Remake nous prouve qu'il n'est que la surcouche superficielle de l'œuvre dont il s'inspire.
Le jeu a de bonnes intentions : il ne veut pas se contenter de n'être que l'ombre HD de son prédécesseur ; il veut à tout prix nous le démontrer, quitte à se perdre dans ce propos. Mais seulement, il en a oublié de conclure son discours... Il a oublié d'aller au-delà. Pour l'instant il n'a rien d'autre à montrer que le décor de cinéma de ce qu'aurait pu être Midgar dans un jeu mieux construit. Il n'a pour ainsi dire rien montré. Espérons que pour le futur, Nomura parvienne, malgré des décisions managériales certainement entravantes, à nous déployer ce dont il souhaite réellement nous faire part avec son remake de Final Fantasy VII.

RestlessDreams
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le 20 févr. 2021

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