Gear.Club Unlimited
4.9
Gear.Club Unlimited

Jeu de Eden Studios et Microids (2017Nintendo Switch)

Eh les anciens ! Celles et ceux qui avaient des PS1 !
…Vous vous souvenez d’Eden Studios ?
Mais si rappelez-vous ! V-Rally !
Ah ça ce n’était pas rien à son époque V-Rally ! Ça avait fait son petit bruit à la fin des années 90 au milieu des autres grands standards de l’époque qu’étaient Sega Rally ou bien encore l’indétrônable Colin McRae !
Eh bah figurez-vous que ce studio existe toujours !
Eh oui ! Malgré le fait d’avoir été racheté dans les années 2000 par l’antéchrist fait éditeur – j’ai nommé Infogrames / Atari – et surtout après avoir subi un plan social dégueulasse puis une liquidation judiciaire dans les années qui ont suivies (quelle surprise), le studio a fini par renaitre de ses cendres grâce à la dévotion et les efforts d’anciens de la boîte ; studio devenant dès lors « Eden Games ».
…Et pourquoi je vous parle de tout ça me diriez vous ?
Eh bien tout simplement parce que si ce Gear.Club : Unlimited n’avait pas été estampé du logo d’Eden Games, je ne l’aurais sûrement pas acheté…
(…Et je m’en serais sûrement mieux porté.)


Bon après rassurez-vous tout de suite au sujet de ma santé mentale : si je me suis permis de franchir le pas avec ce jeu, c’est aussi parce qu’il était dispo à moins de 2€ sur le Nintendo e-shop. Ne serait-ce qu’à l’affiche et au trailer je sentais déjà bien que ce Gear.Club : Unlimited n’allait pas être le jeu de course du siècle. Mais bon, d’un autre côté satisfaire ma curiosité à l’égard des studios d’Eden au simple prix d’un tiers de kébab, pour moi, ça restait plutôt fair comme affaire.
Alors du coup, oui, j’ai acheté ce jeu et puis – curieux – je l’ai lancé et j’y ai joué.
…Et c’est là que je me suis dit que j’étais passé à côté d’un tiers de kébab dans cette histoire l’air de rien.


Alors qu’on mette tout de suite les choses au clair, si je me suis permis d’écrire une critique au sujet de mon expérience avec ce Gear.Club : Unlimited ce n’est clairement pas pour me soulager facilement sur le petit dernier de la classe ni pour sombrer dans l’exercice de la critique systématique.
Non. Si j’ai eu envie d’écrire au sujet de ce Gear.Club : Unlimited c’est parce que, quand bien même est-il manifeste que ce jeu a été pensé et conçu pour jouer dans la cour des moyens (voire des petits), le fait est que ce jeu a vraiment le malheur d’avoir fait tous les mauvais choix en termes de rabais.


Parce que bon, moi je peux entendre qu’un studio ne dispose pas de millions pour développer son jeu. Et par rapport à ça, il me parait malgré tout totalement envisageable qu’un petit jeu en termes de budget puisse devenir un bon jeu en termes de gameplay, voire même un très grand jeu pour peu qu’il s’appelle Return of the Obra Dinn, Hollow Knight ou bien encore Celeste
Or, en ce qui me concerne, je n’attendais pas le chef d’œuvre avec ce Gear.Club : Unlimited. Par contre, il me semblait malgré tout envisageable qu’il puisse se positionner comme étant un petit jeu bien arcade et bien détente à la manière d’un Top Gear Rally en son temps ou bien encore plus récemment d’un Drift Stage.
…Pour cela il suffisait juste de savoir se concentrer sur l’essentiel : une prise en main rapide et efficace, un gameplay sachant être simple et facile mais avec une petite courbe de progressivité, et puis pour compenser les performances graphiques forcément en deçà des standards du moment, l’adoption d’un parti-pris esthétique dépouillé et/ou vintage restait encore le plus sûr moyen d’obtenir des joueurs qu’ils soient conciliants sur bien des points à l’égard de ce jeu.
…Mais bon, à croire que chez Eden le bon-sens et le goût du jeu a été embarqué par inadvertance dans les mallettes pleine de thunasses de Bruno Bonnel parce que, pour le coup, le peu de moyens dont disposaient les développeurs ont vraiment été investis quasi-systématiquement dans les mauvais endroits.
Ç’en deviendrait presque un cas d’école.


Parce que, l’air de rien, des moyens, ils en avaient quand-même un peu chez Eden Games.
Par exemple, dans ce Gear.Club : Unlimited on retrouve une trentaine de modèles de voitures différentes parmi lesquelles des Mercedes, des Chevrolet, des BMW, des Alpha Roméo, des Lotus, des McLaren… De vrais véhicules donc – impliquant par conséquent des paiements de licence – et le tout modelé avec un souci du détail plutôt convenable. Sur PS3 ça ne jurerait franchement pas (en tout cas pour ce qui est des voitures)…
Ces véhicules on peut d’ailleurs les customiser dans un garage ; garage qu’on peut lui-même customiser.
On peut ouvrir les capots pour regarder les belles cylindrées (même si ça fait un peu cheap et que ça n’apporte franchement pas grand-chose). On peut aussi ouvrir les portières pour regarder à l’intérieur du véhicule (même si là encore ça fait toujours aussi cheap – si ce n’est plus – et que ça n’apporte, encore et toujours, désespérément que dalle.) On peut également faire du lèche-vitrine chez tous les concessionnaires du jeu histoire de baver sur nos futures acquisitions…
…Mais à côté de ça, sitôt s’agit-il de mettre un de ces bolides sur la piste qu’on sombre soudainement en plein néant.


Absolument rien ne va. Ç’en est sidérant.
Les circuits sont courts et insipides. Ils se répètent les uns les autres. Impossible d’en retenir un en particulier tant ils n’ont aucune identité ni aucun intérêt dans leur tracé.
Il faut dire qu’en plus de ça le comportement des véhicules n’aide absolument pas.
La gestion de l’analogique est vraiment bizarre sur ce jeu, à commencer par celle du joystick directionnel. N’y donner qu’une légère impulsion ne fera quasiment pas bouger la voiture de son axe, mais par contre donner un à-coup sec – même bref – provoquera un mouvement trop brusque, lequel pouvant nous conduire jusqu’à la perte d’adhérence à pleine vitesse.
Du coup comment faire pour opérer un mouvement délicat ? Incliner plus durablement le joystick mais en position intermédiaire ? Ah ça surtout pas ! Fatale erreur ! Car ce type d’ imput conduit la voiture à se déporter de plus en plus vite sur le côté si bien qu’il y a un caractère totalement imprévisible à la manœuvre ; imprévisibilité renforcée par une inertie du véhicule qui fait que – même en contrebraquant – il y aura un petit temps de latence durant lequel la voiture continuera sa course dans la direction précédemment indiquée.


Alors je ne vais pas non plus rentrer totalement dans le détail du gameplay tant il est difficile de restituer à l’écrit les sensations qu’on peut avoir manette en main. Mais le résultat est pourtant sans appel.
Entre d’un côté l’inertie difficilement gérable du véhicule et de l’autre une gestion difficilement anticipable de l’adhérence, la conduite devient très vite dans ce jeu un enfer.
Même après une bonne demi-douzaine d’heures et des véhicules bien retapés, j’étais toujours incapable de sentir et de prévoir le comportement de mon véhicule.
Parfois, la voiture se projette dans l’intérieur du virage alors que j’actionne à peine le joystick. Parfois le véhicule contrebraque violemment alors que je me suis juste contenté de réaligner les roues avec la route, et surtout – le pire – la plupart du temps il est impossible d’anticiper le moment où la voiture va perdre – voire même recouvrer – son adhérence. Les réactions sont tellement brutales que ça rend d'ailleurs le pilotage en vue subjective assez vomitif et quasiment impraticable.


Alors du coup on s’efforce d’être prudent ; de bien freiner avant les virages. Mais vu qu’user du frein autrement qu’en ligne droite est synonyme dans ce jeu de patinage artistique et que les décélérations sont trop lentes pour être véritablement exploitables une fois qu’on a atteint une certaine vitesse, les possibilités qui s'offrent à nous se réduisent à trois seules options :
1) faire et refaire chaque circuit ad nauseam jusqu'à connaître plus ou moins par cœur ce que le jeu tolère aléatoirement pour chaque virage proposé et accomplir à force une run qui nous fasse arriver premier ;
2) user d'un outil de rembobinage proposé par le jeu afin de refaire les virages qu'on a foiré et éviter ainsi de se coltiner à nouveau tout un tracé juste pour un seul virage totalement foiré ;
3) s'interdire tout simplement de trop accélérer, c'est-à-dire passer son temps à relâcher régulièrement l'accélérateur pour éviter que le véhicule prenne trop de vitesse et se retrouve dès lors possédé par un esprit démoniaque…
Bref si je résume : le jeu me propose soit de conduire comme un robot, soit de conduire comme un papy, soit de tricher.
Bah oui : tricher. Parce que bon, cette option rembobinage, je suis désolé, mais c'est clairement ça. C'est vrai que lorsqu'on achète un jeu de course qui prétend à une forme de réalisme on n'en a strictement rien à faire de la restitution de vraies conditions de course hein...


…Non mais « super » quoi.
C’est terrible à dire, mais tout est tellement contre-intuitif dans ce jeu. Pas plaisant. Pas grisant
Et puis en plus de ça c’est beau sans l’être. Regarder un temps soit peu sur le bas-côté c’est constater à quel point le bâti est inexpressif, pour ne pas dire parfois un brin absurde.
En ville l’habitat se répète tous les cinquante mètres. Du banal copier-coller, avec les mêmes églises qui plus est qu'on peut retrouver d'un circuit à l'autre, voire en plusieurs exemplaires dans le même... Et niveau détails et résolution, là on passe clairement un cran en dessous par rapport aux voitures. Ce n'est plus de la PS3 mais presque de la PS2. Franchement ça pique un peu les yeux.
Tu m’étonnes que les circuits soient courts… Au regard de la tristesse des tracés et la pauvreté des paysages, au fond vaut mieux ne pas s’attarder…


De toute façon on sent bien que la philosophie qui a été au cœur du développement du jeu ça n’a pas été de stimuler l’esprit du joueur sur les sensations de pilotage mais plutôt de le stimuler sur la notion de progression par l’achat et l’ upgrade de véhicules.
En fait dans ce jeu on ne passe pas l’essentiel de son temps à piloter, mais plutôt à alterner toutes les trois minutes entre « piloter » et « acheter », ou « piloter » et « améliorer », ou « piloter » et « réagencer », etc. (Et le tout entrecoupé de temps de chargement permanents. Un truc bien usant...)
Les championnats étant multiples et accessibles qu’à certaines catégories de voitures, il faut savoir régulièrement changer de véhicule et l’améliorer en permanence pour résister à la difficulté sans cesse croissante des circuits.
Au fond rien de nouveau là-dedans. On reconnait très vite ici la philosophie d’un Gran Turismo voire d’un Forza, mais adaptée de manière plus cheap aux contraintes de la Switch et du budget d’Eden…
…Et franchement pourquoi pas ! Pour le coup ça aurait pu être un sacré bon créneau tant ces deux sagas souffrent parfois sur ces points de pesanteurs qu’une version light aurait clairement pu rafraichir !


Le pire c’est que ce Gear.Club : Unlimited n’était franchement pas loin de trouver une formule plutôt sympa sur ce créneau-là.
Ne disposant que d’une trentaine de véhicules, on sent que les petits gars d’Eden ont voulu jouer la carte de l’exploitation dans la durée. Ainsi, contrairement à Gran Turismo, les critères d’adhésion aux différents championnats de Gear.Club sont beaucoup moins sélectives – fonctionnant sur une simple classification par niveaux – et surtout on n’hésite pas, même après un certain avancement dans le mode carrière, à nous rouvrir des championnats de catégorie inférieure pour qu’on puisse continuer à utiliser nos premiers véhicules achetés.
Dès lors, le passage par la case « amélioration » se justifie d’autant plus, et cette idée d’intégrer cette logique d’ upgrade au sein d’un garage qu’on contribue nous-même à développer en fonction de nos revenus étaient de vraies bonnes idées…


Seulement voilà, là aussi on sent bien qu’Eden Games ne voulait pas trop s’attarder à développer cet aspect-là, la chose est vraiment faite de manière légère, pour ne pas dire indigente.
…Et comme l’objectif du jeu est de nous faire switcher en permanence entre les modes de jeux pour qu’on ne se rende pas compte de leur vacuité, au final les choix qu’on nous invite à prendre sont insignifiants et surtout téléguidés.
En gros on fait des courses. Les courses nous rapportent de l’argent et de l’XP. L’XP nous permet de développer des ateliers. L’argent nous permet de fixer de nouveaux moteurs, de nouvelles roues qui boostent un peu nos stats, etc. On n’a pas vraiment de question à se poser. Sitôt un truc se débloque qu’on a intérêt à l’installer. Donc en gros ça se traduit juste par le fait de déplacer sa caisse d’un atelier à un autre et de cliquer sur tout ce qu’il a de cliquable et c’est tout.
…Et histoire qu’on ne se rende pas trop compte qu’en fait cette phase de jeu se réduise à appuyer sans cesse sur le même bouton sans réfléchir, Eden Games nous noie de feedbacks gratifiants pour qu’on ait l’impression que ce qui vient de se passer était extraordinaire.


« Bravo ! Tu viens de finir la première course, tu peux désormais installer une machine à café dans ton garage ! + 4000$ ! » Gling ! Yeah !
« Bravo ! Tu viens d’installer une machine à café dans ton garage ! Tu viens de valider le challenge "un truc à boire dans l’garage" ! +1000$ ! » Gling ! Yeah !
« Bravo ! Tu viens de valider le challenge "valider un challenge" ! + 10 000$ ! » Gling ! Yeah !
« Bravo ! Tu viens de valider le challenge "gagner 10 000$ d’un coup en validant un challenge" ! +5000$ » Gling ! Yeah !
« Bravo ! Tu viens d’atteindre le palier des 30 000$ ! De nouveaux challenges super originaux viennent de se débloquer ! Sauras-tu les relever ? Challenge n°1 : acheter une voiture à 30 000$ chez le concessionnaire le plus proche. Challenge n°2 : commencer la course n°2. Challenge n°3 : remporter deux nouveaux challenges. »
…Et franchement, j’exagère à peine.


Bien évidemment, même en voulant faire l’effort d’y croire un peu, tout ça tombe quand même bien vite à l’eau. Il faut dire qu’assez régulièrement, les développeurs nous témoignent du peu d’engagement et de réflexion qu’ils ont mis là-dedans…
Par exemple on peut rajouter des ailerons ou rabaisser son bas de caisse dans ce jeu mais c’est purement esthétique, ça n’a aucune incidence sur la tenue de route de la voiture. Par contre, à l’inverse, alléger la carrosserie peut conduire à faire perdre de la vitesse au véhicule, allez comprendre...
Et puis malgré le fait que le jeu pose des restrictions de voitures selon les catégories utilisées, rien de tout ça n'existe pour le Rallye. Ce sont les mêmes caisses, avec le même look et les mêmes types de réglages... Mouairf… Franchement limite.
Idem, on retrouve le même genre d’absurdité en ce qui concerne la gestion de l’argent dans ce jeu… 3 000 $ un siège design ? 2 000 $ pour faire les quatre traits au sol d’une place de parking ? 6 500 $ une plante verte ?! (Je n’exagère pas les chiffres hein. Ce sont bien ceux du jeu.) Non mais oh ! Ce sont les mecs du Palais Balard qui ont fait les devis là ou quoi ?
…Et en plus de ça on ne débloque des toilettes qu’à partir du niveau 16 ? Mais ils ont fait comment les mécanos pour pisser et chier avant ça ?


Les sommes, de toute façon, on s’en fout très rapidement tant on amasse vite. Sitôt passe-t-on en catégories B qu’une victoire en course rapporte plusieurs dizaines de milliers de dollars tandis que le championnat en rapporte plus de cent mille. Autant dire qu’avec les bonus et les challenges qui tombent en permanence, on devient très rapidement millionnaire, au point qu’on ne sache plus quoi faire de ses thunes.
Par rapport à ça, les petits gars de chez Eden ont essayé de jouer sur la multiplication d’éléments esthétiques, jusqu’à des thématiques de garage histoire de donner l’impression qu’on progresse tout au long de notre partie, sauf que, perso, je trouve que si le but avait vraiment été de me donner l’impression de progresser, il aurait mieux fallu me faire commencer dans un petit garage miteux plutôt que dans un garage immense et vide mais bon…
...Manifestement programmer différentes tailles de garage, c’était déjà consacrer trop d’efforts pour Eden Games alors du coup basta quoi…


C’est terrible à dire, mais c’est quand même difficile de voir dans ce jeu autre chose qu’un placement opportuniste de la part d’un studio. La Playstation avait Gran Turismo, la X-Box Forza, mais la Switch n’avait encore rien de ce goût-là alors – vite, vite, vite – positionnons-nous sur ce créneau et exploitons-le à moindre frais…
Et encore une fois, je peux entendre qu’on pense en termes de budget serré, mais qu’au moins on sache où raboter…
Les voitures de marque, dans un jeu de course, au fond on s’en fout. Les graphismes dans un jeu de course, au fond ce n’est pas non plus le plus important. La gestion ? Oui ça peut être sympa mais à condition que ce soit un véritable enjeu dans notre partie.
Mais visiblement les ambitions premières d’Eden Games ne portaient pas sur le gameplay ou l’expérience sensorielle de joueur. Elles portaient juste sur les éléments qu’il allait falloir singer des plus grands afin de les dupliquer ensuite à moindre coût.
Or à voir l’état de ce jeu, j’ai vraiment l’impression que les premières discussions de développeurs ont dû se réduire à ça :
« Bon, ce qui compte surtout c’est qu’il y ait des voitures de marque. Dans Gran Turismo les joueurs ils adorent collectionner ces bagnoles qu'ils ne pourront jamais conduire, un peu comme des gosses pourraient le faire avec leurs Majorettes.
– OK. Mais bon, par contre, avec notre budget serré ce sera une trentaine de caisses mais pas plus hein. Pour des joueurs de Switch ce sera déjà pas mal alors qu’ils ne se plaignent pas…
– Ça me va. Mais bon faudra aussi qu’ils puissent faire toutes leurs conneries à base de "j’ouvre le capot" et tout ça là. Parce que bon ça reste des gosses après tout…
– On peut. Mais bon, n’espérez pas qu’on se foule trop non plus hein. Déjà que sur Switch le rendu sera un peu cheap alors…
– Oui oui. Pas de souci là-dessus. Et puis rajoutez tous les trucs de kéké là aussi, tuning, peinture, optimisation du moteur…
– Il faut que ça ait une incidence sur le comportement de la voiture en jeu ?
– Ça dépend, ça couterait cher ?
– Si on se contente juste de jouer sur la vitesse et la durée durant laquelle on peut faire un virage sans perdre l’adhérence ça ne devrait pas trop chiffrer…
– OK bon alors faites ça.
– Bon par contre ça risque de rendre les courses pas très techniques et un peu chiantes…
– Pas grave. Raccourcissez les courses dans ce cas. De toute façon les joueurs ils ne viennent pas pour les courses. Ils viennent pour les vroum-vroum. Créez un système à la con à base de course gagnée = sous-sous = accès à la voiture de mes rêves et noyez tout ça dans une flopée de feed-backs ultra valorisants pour qu’ils se laissent tous griser et ça passera. »


Perso, je n’arrive pas à imager ces discussions autrement. Parce que si on avait vraiment pris la peine chez Eden Games de réfléchir à ce jeu en termes de sensations et de plaisir forcément les premières questions qui auraient fusées auraient été nécessairement différentes.
« Bon c’est quoi qu’on recherche avec notre jeu ? On veut de la bonne vieille conduite bien arcade avec laquelle on ne se prend pas trop le chou ou bien on intègre quand même un aspect un peu simu comme dans GT ou Forza ?
Le but c’est que ça se prenne en main tout de suite ou bien au contraire que ça appelle à un certain niveau d’exigence et de try hard ?
On se la joue plutôt course sur circuit ou course sur route ?
Si circuit il doit y avoir est-ce qu’on essaye de se rapprocher des circuits mythiques ? Est-ce qu’on pense à des tracés super-techniques ? Est-ce qu’on favorise la vitesse et les dérapages ou bien l’optimisation des trajectoires et des points de freinage ? On peut mixer aussi, mais selon quel ratio ?
Si par contre on se décide de partir sur de la course sur route est-ce qu’on le fait avec trafic ou sans trafic ? Avec collision ou sans collision ? Avec dégât ou sans dégât ? Si on mixe avec les circuits, là encore, avec quel ratio ?
D’ailleurs, en parlant de dégâts, on favorise la conduite bourrin ou bien au contraire on la pénalise ?
Qu’est-ce qu’on kiffe ?
Qu’est-ce qu’on cherche ?
Qu’est-ce qu’on veut en termes de jeu ? »


Et ce n’était pas comme si tout avait déjà été dit et fait dans le domaine, entendons-nous bien ! Comme j’ai déjà eu l’occasion de le dire, des sagas comme Gran Turismo ça a aussi ses lourdeurs ! Parce que l’air de rien, après sept épisodes on en est encore à devoir se coltiner une gestion des collisions lamentable tout ça parce qu’il ne faut pas froisser la taule de ces chers constructeurs, de même que le mode carrière est toujours parasité par cette injonction à devoir acheter en permanence différents types de modèles, et cela juste parce qu’il s’agit d’étaler le catalogue pléthorique que Polyphonic Digital s’est saigné à acheter.
Face à un poids lourd comme celui-là, il y avait carrément moyen de retourner ses faiblesses de petit jeu en véritables forces.
On n’a pas les moyens de rivaliser dans l’accumulation et l’affichage des belles voitures ? Eh bien dont acte ! Faisons comme Akklaim l’avait fait avec son premier Burn Out : créons nos propres modèles quitte à ce qu’ils ressemblent vaguement à des modèles existants et autorisons-nous à les froisser ! A les broyer ! A les concasser !
Profitons du fait que personne ne viendra se plaindre des performances attribuées aux véhicules pour proposer de vraies différences d’un modèle à un autre ; des différences qui se ressentiraient jusque dans le gameplay !
A partir de là pouvait s’ouvrir un champ entier de possibilités qui aurait permis de reprendre le principe d’un GT tout en l’allégeant, le rafraichissant, le rendant fun.


Tout ça était à la portée d’Eden. Mais pour s’engager sur ce chemin, il aurait d’abord fallu commencer par considérer son jeu comme un jeu, et ses joueurs comme des joueurs…
Or à quel moment un studio peut-il prétendre avoir fait le choix du jeu plutôt que de l'apparat quand il propose si peu d'angles de vue différents ? Quand il ne propose pas de vrais replays permettant au joueur d'étudier ses courses ? Quand il ne lui offre pas de possibilité de faire des essais libres sur les circuits ? Quand il pollue les contre-la-montre avec les fantômes de tous autres adversaires comme si les développeurs craignaient qu'on s'ennuie seul sur la piste (donnant du coup l'impression de faire une course normale mais avec des voitures translucides, plutôt qu'un VRAI contre-la-montre : quelle connerie...)


Alors après on sait tous pourquoi la plupart de ces options n'existent pas dans Gear Club : Unlimited : c'est parce que la Switch est déjà à bout de souffle pour afficher tous les polygones de ces jolies voitures et que proposer de vrais ralentis ou de vraies vues intérieures auraient fait exploser la bête, soit...
...Mais d'un autre côté ce titre aurait pu faire d'autres choix. Il aurait pu faire le choix du jeu plutôt que du roulage de mécanique et de l'esthétique.


C'est triste à dire, mais j'ai vraiment l’impression qu’Eden Games – au regard du jeu qu’ils ont proposé – ont avant tout considéré leurs joueurs comme un public de gosses un peu teubés qui n’aspiraient qu’à jouer avec leurs petites voitures dans leur garage, mais en plus de ça j’ai presque le sentiment que, dans leur esprit, ce Gear.Club : Unlimited a davantage été pensé comme une contrefaçon que comme un jeu à part entière.
Il fallait que ça fasse Gran Turismo plutôt que ce soit du Gran Turismo. Et à dire vrai toute la tragédie de ce jeu elle est là.


Donc oui, au moment de conclure cette critique, je persiste et je signe : ce Gear.Club : Unlimited est vraiment un cas d’école.
Un cas d’école de jeu fait à l’envers.
Un cas d’école de jeu qui fait tous les mauvais choix.
J’aurais presque envie de dire un cas d’école de jeu avilissant et abêtissant.
Avilissant et abêtissant parce que pensé pour avilir, pensé pour des gens perçus comme bêtes.
Comme quoi le problème chez Eden Studios n’était peut-être pas Infogrames, Atari et Bruno Bonnel.
Peut-être qu’une petite remise en question s’impose au sein du studio …
…Enfin, si seulement leur ambition est de vraiment faire du bon jeu vidéo.

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le 29 sept. 2022

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