Haze
3.2
Haze

Jeu de Crytek UK, Free Radical Design et Ubisoft (2008PlayStation 3)

L'une des plus grandes injustices du jeu vidéo


Je vous conseille la version vidéo, potentiellement retouchée, de cette critique : https://www.youtube.com/watch?v=nHgXJxpyC98



J'ai découvert l'existence de Haze quand j'avais 8 ans grâce à un certain Marcus, à une époque où je n'avais pas encore de PS3. Déjà amateur de FPS sur l'ordinateur familial, j'ai tout de suite été fortement intrigué par ce titre que j'ai toujours gardé dans un coin de mon esprit dans l'idée de mettre la main dessus un jour. Il y a quelques mois, je l'ai trouvé d'occasion pour une poignée d'euros et ce n'est que très récemment que j'ai eu le temps d'enfiler ma combinaison de super-soldat pour enfin plonger dans l'univers de Haze.


La première chose qui m'a frappé, c'est l'aspect daté du titre, même pour l'époque de sa sortie. En 2008, ce jeu fait pâle figure face à un Call of Duty: Modern Warfare, un Halo 3 ou encore un Bioshock déjà sortis l'année d'avant. Techniquement, le jeu est assez laid et subit parfois quelques légers ralentissements. Les tutoriels interrompent l'action pour afficher des paragraphes de textes, dix ans après l'arrivée de Half-Life, qui est connu pour nous laisser aux commandes mêmes durant les phases de narration ou de tutoriels. Le panel d'armes est très restreint (on compte une arme de chaque type : fusil d'assaut, mitrailleuse, sniper et fusil à pompe), sans parler des commandes, qui semblent très peu ergonomiques mais qui peuvent heureusement être entièrement modifiées. Le titre souffre également de choix de mise en scène assez curieux. Je pense notamment à une scène de course poursuite en véhicule hachée par de nombreuses ellipses qui s'avèrent déstabilisantes. Par ailleurs quelques bugs sont aussi à déplorer. Ils sont relativement rares, mais il y a bien une fois où le jeu n'avait pas chargé le sol lors d'une réapparition après une mort, ce qui me fis tomber dans le vide et mourir à nouveau. Je vous rassure, une fois la mort et le chargement suivant passé, ce bug avait disparu. Autre chose à préciser : Si vous jouez avec une manette PS4 comme moi, évitez à tout prix les ennemis aux lance-flammes. En effet, pour arrêter de brûler, il faut secouer la manette. Sauf que le Sixaxis n'est détecté que sur les Dualshock 3. La mort est donc inévitable si vous n'êtes pas équipé d'une manette PS3, je vous conseille donc de vous tenir à distance de ces ennemis.


En bref, Haze est a priori assez mauvais. D'autant plus si l'on en croit l'avis général. Et pourtant, c'est tout le contraire : j'ai énormément aimé ce titre, qui a de nombreuses qualités. Je trouve même qu'il est précurseur de titres célèbres comme Spec Ops: The Line.


Au niveau de la narration par exemple. L'histoire se déroule en 2048, alors que les différents gouvernements délèguent leurs opérations militaires à des entreprises privées. Le Mantel, leader de ces corporations militaires, équipe ses soldats d'un équipement high-tech mais fait également usage du Nectar, une drogue qui booste leurs capacités. Vous incarnez un de leurs soldats envoyé dans un pays pour combattre La Main Tendue, un groupe rebelle accusé de commettre un génocide. Mais très rapidement, votre injecteur de Nectar dysfonctionne, ce qui vous laisse en proie à d'horribles visions. Des cris d'agonies, des cadavres, du sang partout. Vous êtes face à la réalité. Lors d'une confrontation, Merino, le leader de La Main Tendue vous apprend ce qu'il se passe vraiment : Vous n'êtes pas là pour défendre des valeurs humanitaires mais pour des servir des intérêts industriels. Face à toutes ces révélations, vous vous retournez naturellement contre votre employeur et devenez un rebelle. Avec l'aide de La Main Tendue, vous lutterez contre des soldats frénétiques, dopés au Nectar, pour libérer le monde du joug de Mantel. Au fil de l'aventure, vous aurez l'occasion de percevoir un comportement de plus en plus similaire à celui de vos ennemis chez Merino, jusqu'à ce que ce dernier annonce qu'il compte, lui aussi, utiliser le Nectar...
Certes, ce n'est pas l'histoire la plus subtile qui existe, mais ce n'est pas forcément un défaut. Des films comme Invasion Los Angeles ou Starship Troopers ne le sont pas non plus et ça ne les empêche pas d'être de grands films. On reproche d'ailleurs aux doublages d'être caricaturaux, mais personnellement je trouve qu'ils participent à installer le titre dans un univers satirique, à la Starship Troopers justement.


Selon moi, Haze est, en quelque sorte, un Spec Ops: The Line avant l'heure. Ces deux œuvres sont marqué par leur message antimilitariste, à l'opposé des blockbusters du genre qui présentent la guerre comme quelque chose de "cool". Comme dans Spec Ops: The Line, les temps de chargement nous laissent penser dès le départ que quelque chose ne tourne pas rond.
Quatre ans avant ce dernier, le joueur se retrouve confronté aux horreurs des combats. Horreurs qui l'amusent, sans qu'il ait conscience de ce que cela implique, quand il joue à d'autres FPS. C'est en tout cas ce que le début du jeu semble nous dire. En effet, si il y a bien un passage de Haze qui ressemble le plus à un jeu vidéo, c'est sa première partie. On se retrouve dans une énième situation de conflit qu'il faut régler pour le bien de l'humanité. Le Nectar, similaire à un code de triche, nous permet de voir les ennemis en surbrillance, de se déplacer plus vite et d'être plus résistant. Il rend également l'environnement aseptisé. Les effusions de sang se font rare, les Hommes que l'on abat sont relativement silencieux et n'ont pas l'air de souffrir. Si l'on ajoute à tout cela le processus d'identification induit par la vue subjective, on peut affirmer que le titre dresse ainsi un parallèle intéressant entre le soldat sous influence et le joueur.
Dès lors que le protagoniste prend conscience de ce qu'il se passe réellement, nous sommes victimes d'un retour à la réalité. Les affrontements sont plus réalistes. Le poids des armes se ressent dans nos déplacements sans le Nectar pour nous faire avancer plus vite. Nous sommes beaucoup plus vulnérables et l'environnement devrait être beaucoup plus glauque (même si ce n'est malheureusement pas le cas, probablement à cause des limitations techniques).
En plus de proposer un scénario plus intelligent que ceux de la vaste majorité des FPS, le titre a le mérite d'accorder le gameplay aux bouleversement narratifs. Il le fait certes maladroitement (le monde post-Mantel n'est pas beaucoup plus sombre) et aurait pu pousser la démarche encore plus loin, en retirant le HUD par exemple, mais il a au moins l'audace de le faire. Par le biais de son scénario, il fait écho aux conflits du monde réel. On pense notamment aux soldats boostés aux amphétamines durant la Seconde Guerre Mondiale ou à certaines guerres déclenchés pour des motifs officiels qui sont différents des motifs officieux.
L'évolution de Merino laisse également penser qu'il n'y a pas véritablement de bon camp. La barbarie se retrouve partout et s'exprime chez quiconque s'empare du pouvoir. Voilà qui ajoute encore une couche d'intelligence et rend l'histoire de Haze bien meilleure que celles de la quasi-totalité des autres FPS.


Le gameplay n'est pas en reste non plus. Comme dans tout FPS qui se respecte, nous pouvons viser, tirer et jeter des grenades. Mais le titre ajoute des mécaniques inédites comme la possibilité de faire le mort. Cette dernière, justifiée par le fait que le Nectar altère la perception des ennemis, permet de récupérer lorsque l'on se retrouve au seuil de la mort. Seulement, une fois à terre il faut se relever. Pour le faire rapidement, et ainsi être moins vulnérable, le joueur doit appuyer au bon moment alors que la vision du personnage alterne du net au flou, ce qui instaure un mini-jeu de rythme dans le jeu.
Le titre regorge de bonnes idées comme celles-ci. Toutes les mécaniques liées au Nectar apportent, elles aussi, beaucoup de profondeur. Quand nous sommes au service de Mantel et que l'on en fait usage, le joueur doit prendre garde à en consommer avec modération sous peine de faire une overdose. Si cette éventualité se produit, vous ne serez plus capable de distinguer vos alliés de vos ennemis et votre personnage, devenu incontrôlable, se mettra à tirer sur n'importe qui.
Une fois que l'armée de Mantel est devenue votre ennemi, vous pourrez tirer profit de cette faiblesses de diverses façon. Le joueur peut, par exemple, prendre des capsules de Nectar sur les cadavres pour les fixer à ses grenades. Ainsi, les ennemis qui se trouveront dans la zone d'explosion inhaleront les vapeurs de Nectar et feront une overdose. D'ailleurs, ce n'est pas nouveau mais les dégâts que vous provoquez sont localisés. Un headshot fait évidemment plus mal qu'un tir dans le corps, mais à la manière des Sontariens dans Doctor Who, le point faible des soldats de Mantel se trouve dans leur dos. C'est à cet endroit que se trouve leur réserve de Nectar. Un tir bien placé dans cette dernière provoque irrémédiablement une overdose, les poussant à perdre le contrôle d'eux même et ainsi s'entretuer en proférant des paroles parfois inaudibles, parfois injurieuses.


D'une certaine façon, on retrouve aussi un peu de Borderlands dans ce Haze. Déjà, ce dernier est faisable entièrement à deux joueurs en coopération. Mais surtout, il laisse la possibilité de conduire des véhicules, que j'ai trouvé plutôt facilement maniables contrairement à ce que ce que les gens disent, et qui se contrôlent de la même manière que le titre de Gearbox. D'ailleurs, coïncidence sans doute, mais vous ne trouvez pas qu'on retrouve le design des soldats de Haze chez Zer0, le personnage de Borderlands 2 ?


Les environnements rencontrés sont variés, entre forêts, villes en ruines et usines, ce qui offre des champ de batailles parfois ouverts, parfois étriqués. Durant les combats, j'ai été agréablement surpris par le fait de voir les ennemis tenter de me prendre à revers. Leur intelligence artificielle est donc plutôt correcte. Par contre celle de vos alliés est complétement aux fraises. Il n'est pas rare de devoir les réanimer en boucle car ils n'osent pas bouger et se mettre à couvert. Cependant ! Il est possible de parcourir tout le jeu sans réellement se soucier d'eux, car leur mort n'entraine pas de Game Over. Encore mieux, si vous avancez tout seul, ils finiront par réapparaître et vous rejoindre.
J'aurais beaucoup aimé voir d'autres jeux se dérouler dans cet univers, qui peut sembler quelconque à première vue, mais qui a énormément de potentiel. En effet, on imagine facilement un autre scénario mettant en scène une autre corporation, un autre type d'armée avec ses propres caractéristiques. Ou même une suite qui nous permettrait de profiter de mécaniques de Nectar améliorées.


En bref, Haze est une excellente surprise que je vous recommande chaudement si vous n'avez pas peur des titres techniquement pauvres mais proposant une réelle profondeur de scénario et de gameplay. Les jeux où l'on incarne les méchants (même si cette notion est ici toute relative) sont rares. Et c'est avec grand plaisir que l'on se retrouve face à ce titre qui essaie, peut-être un peu maladroitement, de traiter de sujets matures sans se contenter du "Pan Pan Boum Boum" habituel. Dans mon cœur, Haze a rejoint Kane & Lynch au panthéon des très bons titres injustement critiqués.

Haarrow
7
Écrit par

Créée

le 24 déc. 2021

Critique lue 156 fois

Steven Mahieu

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