Un puzzle géant
Hob fait preuve d’un game design original, avec son monde puzzle à reconstituer en faisant émerger des blocs entiers du paysage. Au fur et à mesure que l’on parcoure ce petit univers disloqué, on...
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le 4 nov. 2018
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C'est fou comme une belle expérience videoludique ça ne tient parfois vraiment à pas grand-chose...
Prenez cet Hob, par exemple : si je devais sortir une petite grille des cases qu'il conviendrait de cocher, je pense que ce Hob s'en sortirait franchement pas trop mal.
Les mécaniques sont claires. La jouabilité tient la route. Le déroulé de l'aventure est fluide et évolutif. Le monde parcouru dispose d'une certaine personnalité et présente ce mérite de reprendre progressivement vie au fur et à mesure qu'on le parcourt. En cela, la bonne douzaine d'heures que je lui ai consacrée a été plutôt agréable. Ça l'a plutôt fait. J'ai passé un bon moment sur un jeu que je qualifierais d' « efficace ».
Et pourtant, j'avoue ne jamais avoir été vraiment porté par le jeu.
Pas de charme opérant. Pas d'envie particulière de le creuser. Dit autrement, je l'ai fait parce que ça se présentait, mais dans d'autres circonstances j'aurais clairement pu le laisser de côté sans trop de regret. C'est que, pour moi, Hob, possède effectivement les qualités nécessaires pour lui donner du corps – et ce sont celles que j'ai évoquées plus haut – mais il manque d'une tête et d'une queue pour lui donner vraiment du sens : j'entends par-là un fil conducteur susceptible d'animer notre parcours au sein de cet univers.
C'est peut-être d'ailleurs l'un des premiers trucs qui m'a surpris en me lançant dans cette aventure : les choses se lancent sans qu'on prenne vraiment la peine de nous expliquer pourquoi elles se sont lancées.
Un robot nous réveille et nous sort de notre antre et « vas-y bonhomme : avance, ouvre des portes, actionne des interrupteurs, telle et ta mission... »
Alors pourquoi pas hein, mais sauf que je trouve que ça rend l'immersion compliquée, surtout que rien ne vient suppléer ce manque.
Le monde a des allures d'ère de jeu sans vie, sans logique et sans histoire. Il ne semble que pour le gameplay mais pas (ou peu) en dehors. La direction artistique n'inspire pas grand-chose non plus : elle a un côté entre deux chaises : d'un côté on joue les nuances de couleur et de l'autre le contour cell shadé (pour un rendu que je trouve franchement pas convaincant). De même, on essaye de donner à notre avatar une allure un peu dark avec un regard un peu vénère, mais tout ça dans une atmosphère très colorée. Il y a un côté bric et broc qui ne prend pas. Du coup, en ce qui me concerne, j'avoue avoir avancé pour le principe d'avancer, mais j'ai quand même bien attendu deux ou trois bonnes heures avant de commencer à voir un début d'intérêt à ce Hob.
Parce que ce n'était pas comme s'il désertait totalement cette question de la narration environnementale, ce Hob. Loin de là. Il finit par en dévoiler avec le temps, et pas forcément en si petite quantité.
À force d'avancer et d'activer des mécanismes, on finit par voir des pans entiers de monde se révéler à nous. Parfois les mécanismes enclenchés nous font entrevoir qu'il y a tout un autre monde en dessous et d'autres fois on s'y rend carrément. Tout ça finit par questionner et donne enfin envie d'aller plus loin.
Et franchement il s'en est fallu d'un rien. Il y avait presque une subtilité dans la manière de faire, sans trop insister sur la chose, si bien qu'à un moment, j'ai fini par me laisser prendre, avant que le soufflé ne retombe tout aussi progressivement qu'il était monté.
Il faut dire qu'à bien tout considérer, Hob ne semble pas vraiment habité par une idée forte, et ça se ressent dans pas mal de choix et d'associations qu'on peine à justifier, surtout si on le compare à ceux qui ont su faire mieux dans le domaine.
Tunic aussi a joué la carte d'un petit monde d'apparence dépouillée mais riche de secrets, mais Tunic impliquait un vrai travail de recherche et de compréhension de la part du joueur là où, avec Hob, il suffit juste de suivre un chemin balisé, au sens figuré comme au sens littéral. Comprendre ou pas ce qu'on fait et ce qui se passe quand on actionne un bitoniau ne change strictement rien à notre progression. De toute façon il n'y a pas à réfléchir : on avance, on bloque, il y a un bitoniau, on actionne le bitoniau, ça bouge dans tous les sens et on est débloqué jusqu'au prochain bitoniau.
Au fond, tout ça s'agiterait presque à notre dépend. Et à bien tout considérer, c'est le même problème avec cette narration environnementale.
Dans Inside, sorti la même année, l'univers parcouru interpelle sur sa nature et c'est l'enchaînement des actions qu'on y accomplit, couplé parfois à des détails du décor, qui nous conduisent à nous interroger sur le monde qu'on parcourt. Dans Hob, on voit bien qu'il y a un monde qui fonctionne sur des pivots qu'on monte ou qu'on descend, mais le problème, c'est que, tout le long de notre aventure, rien ne nous permet de comprendre vraiment pourquoi ce monde fonctionne comme ça. OK, pas mal d'endroits ont été baissés, mais par qui ? Pourquoi ? Quel intérêt ? D'ailleurs qui a construit ce monde à la con ? Et là encore : pourquoi ?
Alors certes, le final donne des éléments de compréhension... Mais justement : on parle bien du final et rien que du final. Un final en plus que je trouve loupé parce que brouillon et mal amené.
Après avoir fait une collecte des x sceaux / clefs / médaillons / orbes / appelez-ça-comme-vous-voulez que le jeu nous envoie face à un protagoniste dont il convient d'accepter ou non la main tendue. Et là, rien ne va. Rien ne va parce qu'on ne sait pas vraiment à qui on a affaire. Est-ce la reine du monde vertueux qu'on vient de libérer des plantes ou bien au contraire est-ce la reine des plantes que l'on combat depuis le départ ? Quelle est la nature de la proposition qui est faite ? D'ailleurs, quelle est censée être notre position par rapport à tout ça vu qu'on ne sait pas qui on est ? Parce que, soyons honnête : est-il si clair que ça qu'on se retrouve à ce moment-là dans une configuration de choix ?
Moi, la première fois où je suis arrivé à cette phase, je n'étais vraiment sûr que je pouvais refuser la main tendue. Et puis vu que, de toute façon, je n'avais rien bité au deal qu'on me proposait, j'ai fini par accepter en attendant de voir la suite se dérouler. Eh bah – bim ! – générique de fin. On revient au point de départ et un robot part chercher un nouveau Guizmo en espérant que celui-ci fasse le bon choix. Et ce n'est que LÀ que, soudain, le scénario prend un peu de sens. Seulement une fois que le jeu est fini ! Mais c'est bien trop tard !! Et surtout – désolé – mais ça reste confus tout ça !
Parce que, d'accord, on accepte le deal de la Reine plante, les plantes reprennent leur règne. Si on refuse, par contre, un combat s'engage et ce sont les robots et la faune de la forêt qui l'emportent (et on devient roi). Pourquoi pas. Sauf que... Bah déjà 1) en quoi le biome que les robots veulent imposer est-il nécessairement plus vertueux que celui de la Reine plante ? J'aurais presque envie de dire que l'écosystème est plus diversifié sous le règne de la Reine plante, puisqu'avec elle, les deux biomes coexistent. Ce n'est pas le cas sous notre règne où le biome rose est éradiqué au prétexte qu'il a une sale gueule. D'ailleurs, de 2), moi quand je ressors de ce jeu, je me demande encore pourquoi ce sont des robots qui se font les gardiens de la faune et de la flore et surtout pourquoi ils ont besoin de garder en sommeil des petits Guizmo pour faire tout le sale boulot à leur place. C'est vraiment con, mais au regard de ce que nous présente la fin, moi j'aurais plutôt tendance à considérer que la bonne fin est la mauvaise et vice-versa...
Bref, tout ça pour dire qu'au bout du compte, l'univers de Hob, il fait clairement pschitt, et sa proposition avec.
Il n'a pas un gameplay assez riche pour ne reposer que sur lui ; pas un univers suffisamment profond pour ne se reposer que sur lui ; pas une histoire suffisamment prenante pour ne reposer que sur elle... En fait, Hob a une bonne base, mais il n'a pas le nécessaire pour l'animer et nous animer avec lui. Il reprend des éléments communs, déjà vus ailleurs, mais qu'il ne parvient jamais à lier ensemble au sein d'une démarche cohérente. Le jeu est beau mais sa direction artistique ne produit jamais vraiment d'atmosphère prégnante ; il se donne des allures de puzzle game mais il se réduit qu'à activer des mécanismes alignés le long d'un chemin grandement balisé ; il tente enfin de jouer la carte de la narration environnementale mais se montre trop long et trop pauvre pour que cette carte fonctionne vraiment.
Malgré tout, tout ce que j'énonce là ne retire rien au bilan énoncé aux qualités énoncées en ce début de billet : même s'il manque de liant, d'idée directrice et de profondeur, Hob a du corps ; suffisamment de corps pour divertir celui qui n'en exige pas trop. Ça coulisse bien, on progresse sans encombre, on se laisse prendre de temps en temps par un truc qu'on trouve bien animé... Dit autrement, ça occupe le temps.
Mais d'un autre côté, je l'avoue, ça fait aussi rager un peu. Car cet Hob, il avait vraiment de quoi devenir une expérience très chouette,
C'est juste dommage qu'il ait oublié de se doter d'une queue et d'une tête...
Créée
le 16 août 2025
Critique lue 36 fois
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le 4 nov. 2018
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Un petit Zelda-like sympa mais un zeste de narration écrite ou dialoguée n'aurait pas été du luxe. Les mécaniques de gameplay sont bien faites mais redondantes sur la longueur, il y a également un...
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le 19 déc. 2017
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