Critique publiée sur ArtZone Chronicles.


Votre mission, si vous l'acceptez : désamorcer une bombe. Facile, dites-vous ? Détrompez-vous. Votre t-shirt sera trempé de sueur et votre cœur à son rythme maximum avant que vous ne vous en soyez rendu compte. Mais rassurez-vous. Vous n'êtes pas seul. Aux quatre coins du globe, nous avons réuni les meilleurs experts en matière de déminage, et ils sont d'ores et déjà en ligne directe avec vous. Mais dites-moi, que voyez-vous sur cette bombe ? Pardon ? Pouvez-vous être plus explicite ? Plus précis ? Quel symbole ? Hum ? Uh uh ? Hu hhhu ? Combien de fils ? Quelle couleur ? Troisième à gau... BOUM !


Fort heureusement, comme tout cela n'est qu'un jeu, c'est immédiatement reparti pour cinq minutes de pression. Keep Talking and Nobody Explodes (développé par Steel Crate Games, accessible en réalité virtuelle et que nous abrégerons en KTNE, si cela ne vous gêne pas), c'est de la coopération asymétrique dans ce qu'elle a de plus fun, avec de fortes interactions entre joueurs. L'un est face à la bombe et doit empêcher son explosion en désactivant des modules. Cet imminent danger, il se trouve sur votre écran, que vous devez être le seul à voir, et vous pouvez le manipuler, le tourner dans tous les sens. Vous vous rendrez vite compte que ce n'est pas anodin et que les informations ne sont pas que sur la face qui affiche inlassablement le décompte jusqu'à votre disparition.


Les autres, vos partenaires, ils sont éloignés de cette menace, mais d'eux va dépendre votre survie. Enfin, d'eux... Disons pour plus d'exactitude d'eux, de vous et surtout du lien entre vous et eux. A distance plus ou moins proche (on peut observer des parties jouées sur Skype), ils auront entre les mains de quoi vous sauver la mise : le manuel du démineur, que vous aurez préalablement imprimé (à moins que vous ne choisissiez une version numérique), dans votre langue si possible. Cette critique étant dans celle de Molière, voici un lien vers une traduction non-officielle dont on remercie profondément l'auteur. Ce document d'une bonne dizaine de pages, ils vont le feuilleter à la vitesse de l'éclair pour répondre aux demandes du monsieur qui transpire et qui crie. Vous avez en effet un certain nombre de modules à désactiver et devrez communiquez ce que vous voyez, entendez... tout en faisant face à quelques événements aléatoires visant à vous perturber. Dit comme ça, tout paraît simple. Il suffit de trouver la bonne page et d'appliquer les consignes. Pauvres fous...


Si les premières parties vous familiarisent avec le système, vous désenchanterez vite. Cinq minutes, c'est court. Trois erreurs, c'est peu. Cinq ou six modules, c'est beaucoup. Alors quand vous n'aurez que trois minutes, qu'une erreur sera fatale et qu'il faudra gérer huit modules, on verra si vous faites toujours autant les malins ! Et si là aussi vous annoncez parvenir les doigts dans des orifices au bout du mode en difficulté progressive, à vous de faire vos propres challenges dans la version "free play".


Pourquoi donc KTNE est aussi génial et prenant ? Tout repose sur la communication entre les deux parties de l'équipe. Devant l'écran, vous allez gérer la distribution et réception de parole, informer de ce que vous voyez, avec toute la subjectivité et les filtres que cela suppose. A vos manuels, vous allez recevoir ces infos partielles et essayer de résoudre les problèmes de votre camarade en lui indiquant la marche à suivre. Plusieurs obstacles : même au calme, certaines énigmes vont se révéler ardues, chacun faisant appel à une logique ou des sens différents, sollicitant divers espaces cérébraux. Vous aurez sans nul doute du mal à tout appréhender, bloquant sur ce fichu module sans comprendre pourquoi ça ne fonctionne pas... mais peut-être un comparse y sera-t-il plus à l'aise ! Ensuite, et en réponse à la contrainte précédente, il va falloir se répartir les tâches, à la demande ou non de celui qui coupe les fils et appuie sur les boutons de toutes les couleurs. Au début, vous allez peut-être essayer de faire ensemble chaque module, vous allez vite vous rendre compte que ça ne suffira pas pour aller bien loin. Enfin, il va falloir, avec une certaine discipline mais toujours sous pression, transmettre tout ou partie des solutions ou de vos questions à votre camarade, avec à nouveau tout ce que le langage comporte d'individuel et de référencé.


On retrouve dans cet hybride physique/numérique des mécaniques de jeux de société que l'on nomme souvent "de communication" et qui provoquent des sensations assez uniques et pas mal d'éclats de rires (dialogues de sourds, quiproquos, jeux de mots...), tout en favorisant les relations entre les joueurs. Le mélange de supports tient aussi, outre la présence du manuel, dans les stylos, crayons et feuilles que vous finirez par utiliser pour résoudre les jeux de logique, un peu comme le fait The Witness d'une autre manière. On a peu, que ce soit du côté du jeu de plateau ou vidéo, rencontré l'alliance entre les deux formats d'une manière aussi cohérente, thématique et pertinente.


De longues heures entre amis, Keep Talking and Nobody Explodes vous tiendra en haleine. Vous en sortirez rincé et les nerfs en pelote, mais heureux et avec la certitude de souvent le relancer. Les deux rôles proposent des sensations différentes mais tout aussi intéressantes et stimulantes. Osez franchir le pas de devenir le manager, statut qui peut faire peur au début mais qui vaut la peine pour comprendre ce que vit le joueur derrière son écran. De deux à cinq ou six joueurs, le plaisir est totale et l'addiction très forte. Keep Talking About This Game ! BOUM !!

Créée

le 12 juin 2016

Critique lue 382 fois

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Flavien M

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