[[ Originalement rédigé le 26 août 2019. Ma critique complète du jeu est disponible ici ! ]]





Épisode 4 - Faith | (7/10)



Je l'attendais au tournant; l'avant-dernier épisode de "Life is Strange 2" est disponible depuis quelques jours. Je l'ai terminé, et je me dois d'avouer qu'un certain rattrapage a été effectué par rapport aux deux précédents épisodes.


1. Tandis que certains bons points des épisodes précédents font leur retour, d'autres défauts restent.


Tout comme l'indique son nom, cet épisode 4 tourne autour de la foi, la religion, et plus précisément dans sa forme la plus extrême; un sujet somme toute d'actualité, et je trouve ça assez osé et intéressant de l'aborder dans un jeu vidéo. C'est cette part du jeu "collé à l'actualité" qui m'avait plu dans le tout premier épisode et que j'ai eu peine à revoir par la suite, jusqu'à cet épisode, donc.


Malheureusement, toute qualité vient avec un défaut. Et quand ce défaut tend à perdurer pendant plusieurs épisodes, ça en devient terriblement gênant. Effectivement, là où la linéarité de certaines parties inévitables de l'intrigue est habilement dissimulée par moult questions à poser / petits choix sans conséquence à faire, il arrive souvent -- depuis l'épisode 3 -- que certains choix somme toute anodins, soient mis en scène comme des choix d'une importante capitale pour la suite (le jeu se met carrément en pause, pour prendre le temps de réfléchir, etc.). Le problème peut aussi venir de moi, sans doute trop habitué aux choix dégoulinants de drama dans "Life is Strange". Cependant, quand la plupart des "grands choix" de l'épisode te laisse le choix de tuer quelqu'un, de te rebiffer envers deux agresseurs,... L'un des premiers grands choix de l'épisode te propose de .... monter dans un camion ! Certes, je m'arrête peut-être à cela, mais là encore, quand le jeu me prévient que mon choix aura une conséquence, et que, beh, il n'en a absolument aucune; je suis plutôt circonspect.


2. Artistiquement plaisant, mais globalement toujours très vulgaire.


Autre très bon point, l'évolution du concept de "dessin". Rappelez-vous, je regrettais dans ma critique de l'épisode 1, le fait que le jeu ne possédait pas de mécanique de gameplay phare, à l'instar du retour dans le temps du premier opus. Eh bien, il n'en possède toujours pas (et le seul semblant de concept, avec la semi-utilisation des pouvoirs de Daniel au travers de choix, a disparu), mais je mentionnais surtout la présence d'une mécanique de gameplay très sous-exploitée dans ce premier épisode; celle permettant à Sean de dessiner, au fur et à mesure, les environnements qu'il parcourait. Cette mécanique est, en effet, restée discrète tout le long des deux épisodes ayant suivi. Cependant, cette épisode 4, dont le début est marqué par la perte de Sean d'un de ses deux yeux suite aux événements finaux de l'épisode ayant précédé, redonne une place assez forte au dessin, à l'art, et ce, dès le début. Sean, qui se trouve à l'hôpital (avant d'être transféré en prison) et ayant perdu donc la perception des profondeurs, s'entraîne à reprendre le dessin avec ce handicap. Dès lors, on comprend rapidement que le mécanisme a été modifié, quand le jeu nous propose de modifier le dessin, en ajoutant soit des barreaux de prison aux fenêtres, ou bien, un escalier montant au ciel. Effectivement, le dessin ne se cantonne plus à un simple mouvement de souris pour obtenir un aspect crayonné de ce que l'on est en train de voir en jeu, mais il est un outil à proprement parler, développant d'une manière la sensibilité du joueur, mais aussi les émotions et sentiments de Sean, personnage particulièrement effacé du jeu, au profit de son frère Daniel, depuis l'épisode 1. Nul doute, d'ailleurs, que ce début d'épisode, seul, constitue une bouffée d'air frais pour le personnage de Sean, suscitant beaucoup plus que la pitié du joueur, le sentiment se rapprochant plus de l'affection.


Néanmoins, et c'est peut-être un coup de malchance, mais j'ai expérimenté bon nombre de bugs graphiques -- encore -- sur cet épisode 4. Des clips, en passant par quelques problèmes au niveau de la physique de certains objets, c'est tout de même regrettable de voir autant de défauts pour un deuxième opus dont j'avais adoré les petites améliorations graphiques par rapport à son prédécesseur (c'est fou comme avec cette critique, j'ai déjà l'impression de dresser un portrait du jeu complet, en le comparant sans cesse à "Life is Strange" premier du nom et aux épisodes précédents de LiS 2, alors que c'est tout sauf le but et qu'il manque encore un épisode à "Life is Strange 2" haha). Autre point dérangeant visuellement: dans cet épisode se trouve un semblant de scène de "nu", lorsque Sean prend sa douche, précisément. Rassurez-vous, je ne suis pas de ceux que ça choque, mais, j'ai quand même été troublé par un détail. Il me semble que Max, dans "Life is Strange 1" toujours, avait aussi eu le droit à sa "scène de nu". Or, ce qui m'avait plu dans cette scène, de souvenir, était les petits stratagèmes et jeux de caméra, pour ne rien montrer; cela avait rendu la scène un peu plus classe, à mes yeux. Malheureusement, ça n'a pas suivi avec Sean, dont on entraperçoit une paire de fesses à un moment. Ça rend le tout quand même un peu plus vulgaire, impudique, bien que plus naturel aussi, puisque la nature, dans son sens global, est au cœur du jeu (beaucoup d'environnements différents étant montrés tout au long du voyage, mais beaucoup de personnages et de caractères différents, donnant lieu à bon nombre de scènes et dialogues très sincères). De plus, la vulgarité du jeu ne se cantonne cependant pas à son visuel, mais aussi à ses dialogues. C'est une remarque que je fais à bon nombre d'oeuvres actuelles, mais pourquoi ponctuer 50 % des phrases du jeu par des "F_ck !"; "D_mn"; "Sh_t", et j'en passe ? Utilisés modérément, ces mots peuvent amplifier les dialogues, les rendre plus sincères. Mais utilisés une fois sur deux, au final ça fait l'effet complètement inverse, et décrédibilise tout ce qui suit.


3. Le personnage de Karen, ou le personnage qui efface un des grands problèmes du jeu; la non-complexité de ses personnages


Bien que son apparition "soudaine" dans l'intrigue et que les raisons la justifiant relèvent tous de l'absurde, le personnage de Karen débloque beaucoup de choses, à l'approche de la fin de jeu. Pour commencer, là où les trois premiers épisodes étaient totalement concentrés sur Daniel, son vécu, sa personnalité,... Cet épisode ouvre enfin la porte à ce que nous pourrions appeler la backstory des autres personnages, et tout ceci se met en place par le biais, notamment, de Karen.


Avant tout, la situation de chaque personnage dans cet épisode était propice à ce que l'intrigue fasse ressortir la personnalité de chacun. Prenons le cas de Daniel, qui se retrouve "prisonnier", enrôlé dans une sorte de secte évangéliste, il semble assagi, complètement lobotomisé au premier abord, effacé de toutes les autres scènes de l'épisode, car coincé. Cependant, la fin d'épisode approchant, celui qui se rebellait contre son frère dans l'épisode précédent, laisse resurgir ce côté rebelle, cette fois-ci envers l'église qui l'a tenu prisonnier, en utilisant symboliquement son "don" envers Nicholas, l'homme de main, et qui est littéralement en train de massacrer son frère, Sean, qui, quant à lui, privé d'un oeil, d'un frère, de foyer et de beaucoup d'autres choses, se découvre un esprit de "survivant", de "dévoué". Là où il se retrouve pris à partie par des rednecks, le jeu sous-entend par les choix possibles qu'il serait prêt à tout (se ridiculiser, se prendre un pain,...), si c'est pour garder ce qu'il a, et retrouver son frère coûte que coûte, chose qu'il obtient en se laissant frapper, à coup de poings, de pistolet, et finalement presque se faire tirer dessus.


Du côté de Jacob, "ami" des deux frères rencontrés dans la plantation de cannabis à l'épisode 3, l'on apprend de lui -- à part le fait que sa famille soit très pieuse -- qu'il a une soeur malade, mais surtout, l'on apprend grâce à lui, ce qui est arrivé entre les deux épisodes avec Daniel, pourquoi est-il parti, où, comment,.. Et ça, c'est peut-être très peu comparé à ce que l'on apprend de Karen un peu plus tard, mais personnellement, c'est ce genre de détail qui me plaît, savoir qu'un travail a été fait sur l'histoire, la personnalité de chacun, pour faire comprendre au joueur que l'ellipse entre l'épisode 3 et 4 n'est pas juste une facilité scénaristique ou un espèce de cliffhanger oublié pour passer à une problématique différente, mais bien que tout est lié, tout ça se passe parce qu'autre chose s'est passé. C'est anodin comme détail, mais Dieu sait -- petit trait d'humour (Dieu tout ça, lel) -- que beaucoup d'oeuvres actuelles utilisent des ellipses temporelles juste pour passer à autre chose et se débarrasser de quelques longueurs / incohérences.


Karen, quant à elle, et plus précisément la relation qu'entretient Karen avec Sean, nous éclaire sur beaucoup de points, et rend le monde et l'environnement de Life is Strange 2 beaucoup plus vivant, puisqu'elle offre au joueur une vision plus élargie dans le temps, de ce qu'était la famille du personnage principal. Des petits détails, aux raisons de son départ, c'est avec ce genre de détail que l'on peut enfin porter de l'affection à chacun de ses personnages. Sean et Daniel ne sont plus deux frères dont le père est mort injustement et qui errent sans but dans la nature jusqu'à leur pays natal, mais deux frères dont les parents se sont séparés pour X raisons quand ils n'étaient que des enfants, dont la souffrance fut intense, dont la vie de famille à trois n'était pas toujours de tout repos, dont le père a fini par mourir injustement, et dont la vie se résume jusque là à errer dans la nature jusqu'à leur pays natal. Il y a du contexte, une histoire, une vie. Et là encore, tout ceci amène plus le joueur à ressentir de l'affection, que de la pitié. Plus encore, il ressent quelque chose pour chacun des personnages, il s'y attache. Cela reste néanmoins, et selon moi, bien dommage que tout ceci n'arrive qu'à l'épisode 4, là où -- je me permets cette dernière comparaison -- le personnage de Chloe dans le premier opus était déjà extrêmement attachant, de par le minimum de vécu dont le joueur avait connaissance, sans et avec Max (personnage principal dont on a su la relation avec Chloe et le semblant de backstory dès l'épisode 1).


En bref, cet épisode fut l'occasion de repartir de zéro, que ce soit du côté des personnages, que des développeurs de "Life is Strange 2". Ellipse temporelle, protagonistes séparés, mécaniques de gameplay améliorées,.. "Faith" met en valeur le meilleur de chaque fonctionnalité et personnage du jeu, ce qui -- inévitablement -- donne le meilleur épisode du jeu en matière de scénario, d'écriture, bien qu'il reste beaucoup de coquilles en beaucoup de points. Cet épisode, toutefois, complexifie beaucoup les choses, et prépare déjà les tenants et aboutissants de ce que sera l'épisode final de ce second opus, qui traitera du sujet certainement le plus controversé à l'heure actuelle, celui de l'immigration, déjà mentionné précédemment dans le jeu. Encore une idée osée de la part de DONTNOD, en qui j'ai foi pour ce dernier épisode, qui saura, je l'espère, nous proposer ce qu'ils savent faire de mieux en terme de dénouement dramatique. Préparez les mouchoirs !

rakunit_
7
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le 5 déc. 2019

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Camille

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