Malice
6.2
Malice

Jeu de Argonaut Games et Xicat (2004Xbox)

Jeunes gens, approchez vous…Venez écouter l’histoire terrifiante de ce soir, celle d’un énorme gâchis, celui du jeu Malice. Présenté en même temps que la Xbox, ce jeu de plateformes excitait la curiosité des journalistes et des joueurs. Mais plusieurs fois repoussé, le jeu tel qu’il est sorti n’avait plus rien pour se distinguer, amputé de plusieurs éléments. Voici sa triste histoire.


Il était une fois, un géant de l’électronique, qui a voulu croquer une part du lucratif marché des jeux vidéos au début des années 2000, Microsoft pour ne pas le nommer. Ce n’était pas sa première incursion dans ce média, il avait déjà édité et développé de nombreux jeux, sur console parfois mais surtout sur PC, et déjà participé à du hardware console avec la Dreamcast de Sega. La Xbox est dévoilé au grand jour le 8 janvier 2001, avec deux jeux, L‘Odyssée de Munch et Malice. Déjà annoncé précédemment mais enfin présenté en images, le jeu est développé par Argonaut Games.


Peut-être que le nom d’Argonaut ne vous dit rien? Et pourtant, le studio avait déjà un long passé, puisqu’il s’est formé en 1982, en travaillant pour le Commodore 64. Mais il est surtout connu pour être le créateur du Super FX, une puce incorporée dans des cartouches Super Nintendo augmentant les capacités de celle-ci. Le premier jeu utilisant cette technologie, développé par Argonaut, non seulement impressionna tout le monde mais lança une des plus grandes série de Nintendo, il s’agit de Star Fox en 1993. Mais le studio de développement ne connaîtra pas autant de succès avec ses jeux suivants et sera obligé dans la deuxième moitié des années 1990 de réaliser des travaux de commande, comme un jeu Aladdin qui ne valait ni celui sur Megadrive ni celui sur Super Nintendo ou les adaptations sur Playstation des deux premiers Harry Potter. Au début des années 2000, Argonaut a repris du poil de la bête et semble prêt pour proposer des jeux originaux, et Malice en fait indiscutablement partie. Le développement avait d’abord commencé sur Playstation, avant d’être transféré sur la Xbox. La démo technique d’Argonaut avait tellement impressionné Microsoft que c’est la raison pour laquelle le jeu a été présenté lors de la présentation de la console.


A la suite du 8 janvier 2001, Microsoft annonce enfin les jeux qu’il devrait proposer au line-up de la console le 14 mars 2001. Parmi Halo, Amped, L’Odyssée de Munch, Project Gotham Racing et d’autres, on retrouve Malice. Le jeu fait toujours autant bonne impression, sa réalisation impressionne et les journalistes saluent l’ambiance « à la fois sombre et colorée » (Gamekult) du jeu. 30 niveaux sont annoncés, divisés en 300 pièces que devra parcourir l’héroïne du jeu, Malice donc, pour contrer un dieu démon devenu fou. Pour cela, elle devra user de son marteau mais aussi se transformer en déesse-chat. Du moins, c’est ce qui est annoncé…


Le fait que Malice soit présenté au milieu d’autres jeux qui seront tous édités par Microsoft pourrait faire croire que c’est ce dernier qui devait se charger de distribuer le jeu. D’ailleurs, Malice est dès le départ annoncé comme une exclusivité. Le jeu devait-il être édité par le géant américain ? Après cette présentation le 14 mars 2001, le jeu ne donne plus de nouvelles jusqu’à fin mai 2001. Argonaut sort de son silence, rassure les joueurs en annonçant que le jeu était à 90% terminé et que quatre éditeurs étaient intéressés tout en révélant que le jeu pourrait sortir sur d’autres plateformes. En août 2001, le nom de l’heureux élu est enfin annoncé, il s’agit alors du géant Vivendi Universal et le jeu est confirmé sur PS2.


En octobre 2001, à l‘occasion du X01, Malice est présenté en démo et de nouvelles images sont fournies. Le jeu est rebaptisé Malice: Kat’s Tales, certainement pour souligner le fait que l’héroïne puisse se transformer en chat. Sa sortie est annoncée pour la fin de l’année 2001, avant d’être repoussée pour le premier trimestre 2002, une date qui sera une fois de plus non-respectée. Le jeu est représenté aux journalistes à l’occasion du VU Games Fair 2002 en février mais cette fois-ci le jeu n’arrive plus à convaincre comme l’année dernière. Les craintes à la suite de l’essai du jeu lors du X01 sont confirmées, et le jeu est accusé de proposer un gameplay mou, des problèmes de caméra et une certaine répétitivité. Pour autant, Vivendi Universal croit en son poulain et fait monter la sauce avant l’E3 en annonçant que les membres du groupe No Doubt prêteront leurs voix à certains personnages avec Gwen Stefani doublant Malice tandis que trois titres du groupe, remixés pour l’occasion devraient être dans le jeu.


Mais le jeu va de reports en reports, Vivendi Universal ne communique plus sur le jeu et même pire, il se murmure que le jeu soit annulé. Le 30 mai 2003, des nouvelles arrivent et elles ne sont pas bonnes. Vivendi Universal quitte le projet, officiellement parce que le jeu ne s’accorderait pas avec les licences de l’éditeur. C’est un autre coup dur pour Argonaut, puisqu’un autre de ses jeux, Orchid, un jeu d‘action produit par Namco Hometek est annulé. De plus, le premier jeu d’un studio lui appartenant s’est assez mal vendu. Il s’agit du pourtant très bon Kung Fu Chaos, développé par Just Add Monsters dont ce sera le seul et unique jeu. Heureusement, d’autres jeux sont prévus chez Argonaut Games, SWAT: Global Strike Team et I-Ninja. Mais le futur de Malice, faute d’éditeur, s’annonce sombre…


Mais Argonaut ne perd pas les bras, continue le développement et prospecte. Début 2004, Malice retrouve officiellement un distributeur, Mud Duck Games pour les Etats-Unis et Evolved Games pour l’Europe. Tous deux ne sont pas des géants de l’édition et il y a à craindre que le jeu soit distribué discrètement. Mais c’est la dernière chance du jeu, Argonaut Games étant très mal en point. Le jeu sort en Europe d’abord sur PS2 (quelle ironie pour une ex-exclusivité de Microsoft) puis sur Xbox. Mais les critiques ne sont pas bonnes…


Le moins qu’on puisse dire, c’est que l’histoire commence brutalement : après une course poursuite, Malice est décapitée par le grand méchant du jeu, Dog God. Mais dans l’au-delà, la Mort en personne ne peut pas l’accepter, puisque c’est une déesse. Malice revient à la vie et rencontre le Gardien de métal, une gigantesque horlogerie qui a besoin d’elle pour retrouver huit clés et défaire Dog God qui veut évidemment détruire l’univers. Malice, rousse à la langue bien pendue et au string bien remonté, accepte et reçoit sa première arme, une masse.


Jeu de plateformes avant tout, l’héroïne d’Argonaut va donc parcourir une vingtaine de niveaux, à la recherche de ces clés, affronter quelques boss et même passer de la masse du début à deux autres armes. Mais le gameplay ne changera pas d’un pouce. Heureusement, la plupart des niveaux sont tout simplement un régal à parcourir, proposant une architecture et un design très agréable et très particulier, entre le cartoon et un univers plus sombre, très apparenté parfois à Tim Burton. Quant aux musiques, elles sont excellentes, et habillent d’excellente façon l’univers un peu étrange de Malice.


Malice est quand à elle un petit plaisir à diriger, mis à part une caméra parfois trop proche qu’il faut apprivoiser. La jeune héroïne bondit sans problèmes et cogne sans soucis, ce qui n’est déjà pas si mal. Mais la déesse reçoit de temps à autres des pouvoirs, qui lui permettent, entre autres, de taper plus fort, de récupérer de la vie ou d’accélérer sa vitesse. Ses compétences sont surtout utiles lors des combats, face aux principaux ennemis du jeu, des corbeaux anthropomorphisés à la solde du grand méchant.


Mais que tout cela est court. Le jeu se termine en quelques heures, qui se comptent à peine sur les deux mains. Et c’est certainement là que se situe le plus grand gâchis, car il manque à Malice une multitude de choses annoncées auparavant. Il suffit de consulter d’anciennes vidéos pour se rendre compte que des niveaux sont passés à la trappe de même que des possibilités qui avaient été présentées. Où est passée la possibilité de se transformer en chat ? L’impression d’avoir en face un jeu terminé hâtivement est tenace, alors qu’il avait un réel potentiel. Rien que les personnages, à l’humour typiquement anglais comme la mort, proches de ceux de Rare, avaient suffisamment d’intérêt pour être développés. La seule faute de goût étant le string affiché de Malice.


Le meilleur moyen d’apprécier Malice est encore de jouer au jeu sans se douter des attentes qu’il pesait sur lui et sans savoir qu’il ne s’agit que d’une version réduite de ce que devait contenir réellement le jeu. Le jeu d’Argonaut Games est néanmoins un très sympathique jeu de plateformes, avec un univers bien spécifique, très anglais mais avec une durée de vie ridicule, sans aucun effort fait pour revenir dessus.


Malice est-il sorti précipitamment? Absolument, et ce malgré toutes ses années de développement. Mais il semble qu’Argonaut n’avait pas réellement le choix. Malgré la sortie du sympathique I-Ninja en 2003, le studio a enchaîné des jeux assez médiocres comme Carve, Catwoman le jeu et Powerdrome la même année que Malice, sans arriver à sortir la tête hors de l'eau. Le studio ferma en octobre 2004.

SimplySmackkk
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le 11 sept. 2019

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