Stratégiquement brillant, mais pas sans essoufflement narratif!
Quand on replonge dans Battle Network 3, surtout après les deux premiers opus, on sent tout de suite que quelque chose a pris forme...
Que cette série, au départ presque expérimentale dans le monde de Mega Man, commence à assumer pleinement sa nature hybride entre RPG, tactical et jeu de collection. Sur ce point, BN3 est peut-être l’épisode le plus solide, le plus carré, le plus réfléchi, au point qu’il peut presque faire office de synthèse des intentions de Capcom pour cette sous-série. Pourtant, malgré toutes ses qualités mécaniques, il m’a parfois laissé une sensation étrange de répétition maîtrisée, mais peu enthousiasmante.
L’une des grandes réussites de cet opus, c’est le Navi Customizer, véritable coup de frais sur la gestion de Mega Man. J'ai trouvé le temps long sur les deux opus précédent, en me disant que ça manquait de composante RPG... C'est toujours le cas, mais cette avancé, arrive à palier, en partie à ce triste manque.
Fini le simple choix de style ou les légères variantes de gameplay des opus précédents, ici, on agence des modules, comme des pièces de Tetris, avec des contraintes de couleur, de placement, et des effets parfois inattendus. C’est le genre de mécaniques que j’adore dans un RPG, on comprend vite les règles, mais on met du temps à les maîtriser pleinement. Surtout, ça récompense l’expérimentation. Tu veux un Mega Man ultra-rapide mais un peu fragile ? Tu préfères sacrifier un bonus pour éviter de déclencher des bugs ? Toutes ces choses sont possibles!
Et mieux encore, tu peux choisir de garder certains bugs et composer avec eux. Ce genre de dilemme tactique est rare dans des jeux aussi formatés à l’époque.
Le système de combat, fidèle à lui-même, est toujours aussi efficace. L’action en temps réel sur une grille 3x3 alliée à la gestion d’un deck de Battle Chips un mélange étrange mais addictif qui, ici, atteint une certaine maturité. L’introduction des Mega et Giga Chips change la donne en ajoutant une nouvelle strate de rareté et de puissance. On devient presque un alchimiste du gameplay, à chercher LA combinaison parfaite, celle qui fera tomber un boss en un tour ou qui permettra d’improviser en pleine crise. C’est un plaisir toujours renouvelé… tant qu’on supporte de voir des combats surgir toutes les dix secondes.
Parce que oui, la fréquence des rencontres aléatoires reste un des talons d’Achille du jeu, et ça finit parfois par étouffer le plaisir d’exploration.
D’ailleurs, l’exploration, parlons-en. C’est là que Battle Network 3 me perd un peu.
Les donjons, bien qu’efficaces dans leur logique de puzzles et de progression, deviennent trop répétitifs. Le jeu adore te faire tourner en rond pour trouver un mot de passe, un PNJ obscur ou un objet précis, comme si l’intrigue n’avançait qu’en se frottant au grind logistique. Par moments, j’avais cette impression de jouer à un simulateur de chasse au trésor bureaucratique dans un Intranet géant. L’univers numérique, bien que charmant à sa manière, manque de renouvellement visuel et le style graphique, hérité des opus précédents, commence à accuser le coup. Rien de rédhibitoire, mais clairement, l’esthétique aurait mérité un petit coup de polish supplémentaire.
Mais ce serait injuste de résumer le jeu à ces petites lourdeurs, parce que le contenu post-game est absolument colossal. Là où beaucoup de jeux finissent à leur générique de fin, Battle Network 3 te relance une deuxième aventure officieuse, avec des boss optionnels, des zones secrètes, des défis vicieux… et cette impression grisante d’avoir encore des choses à découvrir, à optimiser, à combattre. Pour ceux qui aiment maximiser leur personnage ou relever des défis retors, c’est un terrain de jeu rêvé.
Même dix ou vingt heures après la fin, le jeu continue de te surprendre.
Narrativement, l’épisode fait aussi un pas vers quelque chose de plus adulte. Fini les histoires de virus farceurs ou de gamins rivaux, ici, il est question de programmes menaçant l’humanité, de conspirations autour d’Alpha, et d’un monde numérique dont les failles commencent à sérieusement inquiéter.
L’équilibre entre intrigue sérieuse et ton léger (on reste dans un univers où les enfants se connectent à Internet avec leur tamagotchi personnalisé, ne l’oublions pas) est plutôt bien géré. Même si, soyons honnêtes, certains passages semblent surtout là pour allonger la sauce, comme des missions de collecte, quêtes fedex déguisées… on sent parfois que l’écriture tourne en boucle.
Au final, Mega Man Battle Network 3 n’est pas le plus frais, ni le plus inventif des épisodes, mais c’est peut-être le plus rigoureux, le plus complet, le plus généreux. Il capitalise sur toutes les bonnes idées des opus précédents, corrige certaines erreurs, et en rajoute juste assez pour maintenir la flamme. C’est un jeu que je respecte énormément, mais que je n’ai pas toujours pris plaisir à traverser en continu. Il est exigeant, parfois un peu trop méthodique, mais il représente ce que cette série pouvait offrir de mieux en 2D isométrique, avant que la formule ne commence à s’essouffler sur la longueur.