Quand on m’a parlé de ce jeu, ça m’a tout de suite vendu du rêve.
Chaque partie ne dure qu’une seule minute.
Une minute pour prendre ses repères, trouver un objet, ouvrir un passage, libérer quelqu’un… Et après ça : la mort. On recommence pour une minute de plus.


Alors oui – il faut l’avouer – c’est malin.
On se rend bien compte que tout a été minuté habilement pour qu’on nous force à organiser nos runs de manière méthodique ; pour qu’on optimise nos trajectoires ; pour qu’on cible nos choix.
La mécanique fonctionne d’autant mieux que ce jeu a fait le choix d’un visuel extrêmement sommaire (bon, c’est aussi sûrement un cache-misère de la part d’un développeur sans moyen, mais passons), ce qui permet une analyse claire et rapide de chaque tableau. Et ce qu’on perd en plaisir des yeux (parce que moi – je ne vous le cache pas – je trouve ça quand-même très moche), on le gagne en plaisir de jeu.


Parce que oui – l’air de rien – il est quand-même assez prenant ce « Minit ».
Les gratifications étant rapides, et les enjeux étant vite nombreux mais aisément indentifiables, on en vient à se laisser prendre par l’arborescence de chemins possibles.
Ici je viens de trouver un hôtel près d’une usine en grève et j’ai envie d’en explorer davantage, mais d’un autre côté je me souviens de ce temple secret dans le désert et de ce petit vieux qui parlait d’un trésor secret au large du phare ! Raaaah !
Surtout que la plupart du temps, c’est en avançant d’un côté qu’on découvre l’élément qui va nous permettre d’avancer ailleurs et vice-versa…


Alors certes, ça fonctionne bien, mais il n’empêche que ça présente quand-même vite ses limites.
Quiconque a déjà joué à un vieux Zelda reconnaitra tout de suite des mécaniques au fond assez connues qui n’émoustilleront que le temps de se familiariser avec cette rythmique imposée par le timer. (…Et vu que le jeu est bien ficelé, on s’y fait vite.)
Timer qui peut d’ailleurs se retourner parfois contre ce jeu puisque ce qu’il apporte en rythme et d’excitation par le tempo, il le retire en plaisir et en lisibilité lors de certaines découvertes.
Il n’est en effet pas rare qu’on découvre quelqu’un ou quelque chose juste à la dernière seconde. Un dialogue commence mais – bim ! – on meurt. Mais comme le jeu estime qu’on a fait ce qu’il fallait faire, alors le personnage ou l’événement disparait – le jeu part du principe que la chose est accomplie et qu’on peut passer à la suite – du coup peut naître chez nous cette impression que cette course au rythme nous prive parfois d’une partie de la richesse de ce jeu.


Enfin, je parle de richesse…
Franchement, quand bien même le jeu fut efficace pour moi de bout en bout, j’avoue qu’il m’a vraiment laissé un goût de très peu quand est arrivé le moment de battre le boss final.
Moi je pensais que c’était le premier boss et qu’un autre niveau se débloquerait derrière mais que dalle. Au bout de deux ou trois heures de jeu c’est fini. Ciao bello.


Alors moi, les jeux courts, ça ne me dérange pas, bien au contraire.
Mais encore faut-il que le jeu donne un sentiment de complétude à la fin de ses deux ou trois heures.
Là, avec « Minit » j’ai vraiment eu l’impression de faire un premier niveau qui posait les bases – rien de bien folichon – avant qu’on ne nous soit amené le plat de résistance… sauf que bah finalement non. Pas de plat de résistance.


Et franchement je trouve que ça nous laisse sur une note des plus amères.
Parce que, pendant que le générique de fin défile, moi je n’ai pas pu m’empêcher de faire le bilan de mon aventure, au point que je me dise qu’en fin de compte, on m’avait nourri avec peu de choses. Des objets à retrouver contre d’autres objets. Des compétences à débloquer pour déplacer un objet qui nous empêche d’avancer. Des ustensiles nous permettant de naviguer dans le noir, sous l’eau, etc.

Rah mais ouais ça a vraiment un goût de trop peu…


D’ailleurs – tout un symbole – quand le jeu reprend après l’avoir fini une première fois, il nous affirme qu’une seconde odyssée est débloquée.
Ah chouette ! De quoi s’agit-il ?
Eh bah du même jeu en fait… On te laisse juste la possibilité de finir les sous-quêtes que tu n’as pas eu le temps de finir. Les pièces que tu n’as pas dégotées. Les tentatules que tu n’as pas retrouvées. Les énigmes que tu n’as pas résolues…
Mouairf…


Etonnamment, c’est ce qui fait que je lui en voudrais presque à ce « Minit ».
Alors attention : je ne renie pas le plaisir pris. D’ailleurs c’est ce qui lui vaut son 6/10.
Mais d’un autre côté je ne peux m’empêcher de trouver que ce concept du timer – aussi bonne l’idée fut-elle – est un petit peu l’arbre qui cache la forêt.
J’ai l’impression qu’enthousiastes comme jamais, les développeurs avaient l’impression qu’ils tenaient avec cette idée là une poule aux œufs d’or et qu’elle était une idée suffisante en soi.
Tout le reste est si banal, si basique, si court, que ça m’en parait presque être une évidence.


Alors merci pour « Minit » les gars, mais la prochaine fois, s’il vous plait, prenez le temps d’aller un peu plus loin dans vos idées.
Car, après tout, la culture de l’immédiateté, ça a aussi ses limites.

lhomme-grenouille
6

Cet utilisateur l'a également ajouté à sa liste 2020 : mes jeux de confiné, de déconfiné et de reconfiné...

Créée

le 14 juin 2020

Critique lue 281 fois

2 j'aime

Critique lue 281 fois

2

D'autres avis sur Minit

Minit
diegowar
5

Critique de Minit par diegowar

Un genre de Link's Awakening qui se concentrerait principalement sur un genre de quête d'échange d'objet (pour avoir cet objet, il faut que tu aies celui-ci, mais pour avoir celui-ci, alors faut que...

le 27 avr. 2020

4 j'aime

Minit
le-mad-dog
7

Et merde, j'ai fini accidentellement le jeu.

Le 1er jour : Il était 23h30. J'avais pas sommeil. "Tiens je vais m'essayer Minit avant d'aller me coucher. " A 1h00 j'avais fini le jeu après avoir battu ce que je croyais être le premier boss. On...

le 4 déc. 2018

4 j'aime

Minit
lhomme-grenouille
6

Une minute, douche comprise

Quand on m’a parlé de ce jeu, ça m’a tout de suite vendu du rêve. Chaque partie ne dure qu’une seule minute. Une minute pour prendre ses repères, trouver un objet, ouvrir un passage, libérer...

le 14 juin 2020

2 j'aime

Du même critique

Tenet
lhomme-grenouille
4

L’histoire de l’homme qui avançait en reculant

Il y a quelques semaines de cela je revoyais « Inception » et j’écrivais ceci : « A bien tout prendre, pour moi, il n’y a qu’un seul vrai problème à cet « Inception » (mais de taille) : c’est la...

le 27 août 2020

236 j'aime

80

Ad Astra
lhomme-grenouille
5

Fade Astra

Et en voilà un de plus. Un auteur supplémentaire qui se risque à explorer l’espace… L’air de rien, en se lançant sur cette voie, James Gray se glisse dans le sillage de grands noms du cinéma tels que...

le 20 sept. 2019

206 j'aime

13

Avatar - La Voie de l'eau
lhomme-grenouille
2

Dans l'océan, personne ne vous entendra bâiller...

Avatar premier du nom c'était il y a treize ans et c'était... passable. On nous l'avait vendu comme l'événement cinématographique, la révolution technique, la renaissance du cinéma en 3D relief, mais...

le 14 déc. 2022

158 j'aime

122