Matt Gilgenbach s'est inspiré de ses propres troubles pour créer un jeu d'horreur psychologique. Le titre et le genre témoignent déjà de cette volonté de montrer ce type souffrance : le fait de survivre, l'esprit est fixé sur des moments vécus comme atroces, ce sentiment de ne pouvoir échapper à ces situations qui nous hantent, engendrant des douleurs mentales multiples, jusqu'à l'automutilation et le déferlement d'idées noires. Les lieux familiers deviennent source d'horreur, car ils renvoient à un passé ou un présent, perçu comme épouvantable.


Le jeu présente donc Thomas, le personnage que l'on incarne, qui est un jeune homme asthmatique atteint de divers troubles, sans cesse hanté par de terrifiants cauchemars où surgissent la mort, le meurtre, le deuil et la violence. Le passé de ce personnage, bien que très mystérieux, se révèle progressivement bien que cela puisse ressembler davantage à un tourbillon de souvenirs terribles, similaires à des flash-back qui laissent penser que Thomas souffre de façon assez sévère de PTSD, le tout mêlé à un côté fantastique.


Bien que le scénario soit troublé (choix qui rend finalement l'expérience peut-être meilleure), l'esthétique du jeu est à mon sens très mémorable. Les dessins hachurés se succèdent à mesure que Thomas se déplace dans les différents plans des décors en 2 dimensions qui constituent tantôt sa maison, tantôt des lieux très communs dans nos représentations de l'horreur, et s'enchaînent. L'exploration progressive qui s'exécute dans ces lieux hostiles et macabres, ainsi que les jeux d'ombre et de lumière, instaurent très vite une atmosphère inquiétante et oppressante. L'ambiance est donc efficacement construite en plus de la musique et du design sonore que je trouve réussis.


Le fonctionnement même du jeu est simple. Thomas étant asthmatique, cela limite les joueureuses lors de déplacements plus hâtifs dont la durée est assez courte, il peut interagir avec certains objets (portes, portraits, chandelle, armoires entre autre) pour s'éclairer, se cacher ou accéder à des pièces.


Ce qui fait la singularité de ce jeu, c'est cette association entre ses différents composants et sa forme. On avance en pensant comprendre tout en se laissant surprendre par les évènements violents qui surgissent. Le rouge sera la couleur dominante du jeu, puisque presque aucune autre n'intervient hors mis le noir et le blanc. Elle capte de ce fait très vite notre attention, et se manifestera souvent par le jaillissement du sang durant les cinématiques. Le jeu est entièrement construit pour que l'on désire voir le bout, le niveau prochain, tout en suivant un chemin dont les étapes sont incertaines. Peu à peu il faudra faire des choix, choisir quelle porte ouvrir, quel couloir suivre, tout en prenant garde aux monstres qu'on rencontre fur à mesure. Ces choix vont alors déterminer quelle sera la nature de la fin, parmi celles qui sont susceptibles de se produire.


Les éléments du jeu, analysés séparément, n'ont certes rien d'originaux. Neverengind Nightmares n'est ni trop long ni trop difficile. Le tout en revanche propose une expérience bien particulière.


On peut reprocher à beaucoup de jeux, et de films, d'user de représentations oppressives : les troubles mentaux et les maladies mentales sont romancés, montrés comme des éléments de scénario qui relèvent parfois plus du fantasme ou de l'imaginaire "horrifique" profondément validistes que d'autre chose, légitimant donc un imaginaire qui relève de la psychophobie (une forme d'oppression qui a pour cible les personnes atteintes de troubles en tout genre ou de maladies mentales).
Les troubles et les maladies mentales deviennent une forme de divertissement, parfois montrés comme extraordinaires ou quelque chose d'absolument monstrueux.


Même si une personne concernée s'est inspirée de ses propres troubles pour créer un jeu d'horreur, on peut s'interroger sur la manière dont ils ont été traités. D'un côté, il y a des éléments qui peuvent d'une certaine manière correspondre à des vécus. Le cauchemar est une déformation de la réalité ou d'éléments réels, et c'est ce sentiment de vivre continuellement dans ce dernier qui peut déformer notre manière de percevoir le réel. De l'autre, ce que l'on voit surtout durant notre avancement, ce sont des monstres que l'on peut substituer à des patients, chose qui pose problème... Et ce sans compter d'autres détails qui peuvent piquer. Ce ne sera certes pas le premier ni le dernier jeu à faire cela. Toutefois, on peut dire qu'il permet d'entrevoir une partie de ce que peut penser une personne dans un état tel que celui que Matt Gilgenbach a voulu représenter, et de nous placer ainsi dans une situation psychologique qui s'inspire finalement d'une réalité.


Bien que l'on puisse interpréter tout cela de multiples façons, en prenant en compte le poids de certaines représentations et de la manière dont elles sont traitées ici, le jeu reste sympa à jouer pour qui veut surmonter des cauchemars le temps d'une partie.

GardinMinta

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