Si on met de côté la nostalgie, le jeu n'est pas si incroyable

Okami fait partie de ces jeux cultes que je voulais faire depuis très longtemps. Il profite de cette aura de jeu génialissime, voire de chef d’œuvre, avec un gameplay original et un style visuel unique. Si on rajoute à cela le fait que beaucoup de monde l'a découvert pendant l'enfance ou l'adolescence, on se retrouve avec une réputation de jeu à faire absolument. Pourtant, si on considère Okami pour ce qu'il est, on constate qu'il est rempli de défauts et de problèmes, et qu'il est parfois plus proche du prototype intéressant à peaufiner que du jeu sensationnel.

L'originalité première d'Okami, c'est d'offrir au joueur la possibilité de dessiner directement sur ce qui nous entoure pour interagir avec notre environnement ou les ennemis. Si en soit l'idée est intéressante, l'exécution est assez bancale. Les multiples actions offertes prennent la forme de différents traits à dessiner, par exemple faire un rond dans le ciel fait apparaître le soleil, un trait horizontal sur un ennemi sera l'équivalent d'un coup d'épée, etc. Autant certains traits basiques fonctionnent globalement bien, autant d'autres demandent à être dessinés plusieurs fois avant que le jeu comprennent ce qu'on veut faire. Par exemple, celui pour faire apparaître des fleurs dans les arbres était souvent mal identifié par le jeu, soit il ne fonctionnait pas du tout, soit le jeu croyait que je faisais un autre dessin. Sur cet aspect-là, qui est tout de même le cœur du jeu, j'ai trouvé l'exécution souvent frustrante, notamment lors des passages où le joueur ne dispose que de quelques secondes pour tracer le dessin requis, faute de quoi il faut recommencer toute la séquence. Notons également que certains pouvoir sont très largement sous exploités, par exemple le pouvoir de recréer ce qui a été détruit ou ce qui est manquant, ou le fait de dessiner le soleil ou la lune. Certains pouvoirs sont très situationnels, alors que d'autres sont utilisables constamment.

Autre grande frustration, les dialogues. Le jeu débute par une introduction qui dure facilement dix minutes avec du texte à n'en plus finir. Le problème étant que le texte des cinématiques s'affiche très lentement, la majorité des joueurs lisent plus vite que sa vitesse d'affichage, et il n'est pas possible d'augmenter cette vitesse. Il faut donc attendre que le texte s'affiche pour continuer le dialogue.

De façon générale, le jeu a beaucoup de dialogues, avec souvent des répétitions inutiles. Ça parle pour ne pas dire grand-chose, ça s'éternise, ça casse le rythme de progression, bref, les dialogues sont très mal gérés. D'autant plus qu'ils ne sont vraiment pas particulièrement bien écrits. Je ne sais pas si c'est la traduction française qui veut ça ou si le texte original est pareil, mais les dialogues sonnent très basiques, voire enfantins.

Ce problème avec les dialogues m'amène à un autre problème qui est celui des personnages. On suit deux personnages, Amaterasu et Issun, le souci, c'est que le jeu ne s'exprime qu'à travers Issun, qui est un protagoniste horrible. Ce personnage est pénible, lourd, rude, sexiste et j'en passe. Il n'a rien de sympathique ou d'attirant, rien qui nous donne envie de l'apprécier ou d'en apprendre plus sur lui. Par exemple, tout le passage dans la ville où le joueur doit supporter les trois milles références sexistes concernant la servante, était-ce bien nécessaire? Faire une blague sur le fait que tel personnage féminin a des gros seins, c'est une chose, mais y faire référence dans absolument toutes les scènes où on la rencontre, c'est d'une tristesse pas croyable.

De l'autre côté, on a Amateratsu, qui est censée être un loup classe, puissant, charismatique et unique, sauf que, comme ce personnage ne parle pas, il passe souvent pour un demeuré. Toute l'imagerie du loup divin est constamment cassée, ce qui est assez incompréhensible pour une histoire où il est censé apparaître comme un sauveur.

Pour en revenir au gameplay, le jeu souffre également du fait qu'il est extrêmement simple. En 31h55 de jeu, je ne suis jamais mort. En regardant sur internet, ne jamais mourir est apparemment la norme. Et en dehors du boss final, je n'ai jamais eu à me soigner pendant un combat. Ce qui pose la question de l'intérêt d'avoir une jauge de vie s'il est presque impossible de mourir. Il en va de même des différents objets qui permettent d'affaiblir les ennemis. Pourquoi avoir cette mécanique si les ennemis sont déjà globalement tous très faibles? La conséquence, c'est que les affrontements sont globalement inintéressants. Il suffit de marteler le bouton d'attaque et d'esquiver de temps en temps pour pouvoir dominer la très grande majorité des ennemis. Seuls quelques adversaires nécessitent une approche particulière avec l'utilisation de pouvoirs pour les vaincre.

Cette simplicité se retrouve également dans les énigmes qui sont généralement très évidentes. De mémoire, il n'y a qu'à deux endroits où je suis resté bloqué quelques minutes pour trouver ce qu'il fallait faire parce que le jeu n'a pas présenté au préalable une nouvelle mécanique à appliquer. Okami dispose de tout un système de pouvoirs et d'interactions avec l’environnement, il est dommage que tout cela ne soit pas davantage exploité pour proposer des puzzles plus poussés. Il est également intéressant de noter que ces dernières années, bon nombre de joueurs se sont plaints des personnages qui donnent la solution à une énigme avant même que le joueur ait eu le temps de commencer à réfléchir. Si cette façon de faire vous énerve, alors ne jouez pas à Okami, car c'est une constante pire que dans les jeux actuels. Dès que le joueur arrive dans une pièce avec une énigme à résoudre ou affronte un ennemi qui doit être battu d'une certaine façon, Issun va indiquer quoi faire. C'est à se demander quel est l'intérêt d'avoir des énigmes.

La structure du jeu est également assez étrange. Toute la première partie est focalisée sur un ennemi qui est cette espèce de monstre absolu qui terrorise un village (passons sur le fait qu'il suffirait aux habitants de déménager) et qu'il faut abattre. Une fois cela fait, on passe à tout autre chose et on se retrouve à devoir tuer d'autres grands monstres qui n'ont pas vraiment de rapport avec le début du jeu et qui ne sont généralement pas présentés au joueur. L'impression que j'ai eu, c'est qu'ils avaient une idée de base avec une légende racontée dans l'introduction qui donne lieu aux événements du début du jeu, mais qu'ils se sont rendus compte que ça ne permettait pas d'avoir un jeu suffisamment long, alors ils ont rajouté d'autres trucs en plus.

L'obtention de nouveaux pouvoirs du pinceau m'a aussi paru aller à l'encontre d'une certaine logique. Plutôt que d'obtenir un nouveau pouvoir après avoir surmonté une épreuve (résolu une énigme ou battu un boss), le jeu offre un pouvoir pour permettre au joueur de continuer sa progression. Le joueur n'obtient pas une nouvelle technique en récompense de quoi que ce soit, il l'obtient parce que sinon, il ne peut pas continuer à avancer. J'ai trouvé qu'en soit, ce n'était pas très intéressant, puisqu'on obtient de nouveaux pouvoirs de façon assez aléatoire, sans avoir rien accompli en échange.

Au final, si on prend les différents aspects du jeu, c'est-à-dire la facilité des combats et des énigmes, la simplicité des dialogues, la linéarité de la progression et la structure globale du jeu, on se rend compte qu'Okami est simplement un jeu pour enfants. Je ne dis pas ça de façon péjorative, c'est simplement un constat. Jouer à Okami en tant qu'adulte n'a pas vraiment d'intérêt. Il n'y a pas de profondeur dans l'histoire ni dans l'écriture des personnages, pas de stratégie poussée pour vaincre les ennemis, pas de réflexion à avoir sur ce qu'il faut faire ensuite pour continuer l'aventure. Tout est toujours simple et évident, à tel point que j'ai dû me forcer à jouer pendant les premières heures de jeu face à un gameplay et à un univers qui me semblaient poussifs et peu stimulants.

Est-ce que je recommande Okami ? Si vous êtes à la recherche d'un jeu sans prise de tête qui se fait sans stress avec un univers simple similaire à un dessin animé, pourquoi pas. Mais si vous préférez des jeux avec de la profondeur, à la fois dans le gameplay et dans son écriture, vous risquez d'avoir du mal à terminer le jeu.