Owlboy
6.9
Owlboy

Jeu de D-Pad Studio (2016PC)

Saviez-vous que les chouettes ne riment pas avec intelligence ?


Leur apparence suggère une certaine majesté et les on-dits traitent les chouettes comme les plus sages des animaux. Ben oui, le fameux mythe de la sagesse. Pour leurs beaux yeux ? Du coup, l’histoire faisant bon train, on nous sort parfois des personnages puant ce cliché. Kaepora Gaebora, guide du Link de l’ère Ocarina of Time, en est un bon exemple.


Et si je vous disais qu’Owlboy reprend cette légende… à contre-pieds ? Les chouettes ne sont plus bonnes qu’à pousser des « ouh » et à se briser la nuque à force de tourner le crâne comme des billes (suis-je bête, elles n’ont pas de nuque). Au lieu de ça, le titre de D-Pad Studio projette les piafs au centre d’un conte plutôt original. Inutile donc de vous avouer que le chara-design m’a fait de l’effet. Des chouettes humanisées. Ah !
Et ces concepts-art !


Otus est une Chouette jeune et dynamique. Enfin, elle voudrait l’être. Le pauvre est soumis à l’éducation du trop fier et détestable Asio. Pour alourdir le tout, Otus est muet de naissance. Heureusement pour lui, il arrive à se faire comprendre par ses actes et gestes. Et dans ce monde, être une Chouette est une lourde responsabilité. Chacun de nous a eu droit à un prof qu’on aimait détester. Asio est une ombre qui vous le rappellera.


J’ai failli mettre un autre titre en ayant remarqué le drôle de parallèle Otus/Otis. Vous savez bien, les ascenseurs. En tant que volatile, Otus abusera des voyages verticaux. Avec des hauts et des bas. Sacré hasard comme nom. Ou pas.


Dans un monde tout en fragments de rocs, non pas sans rappeler les innombrables histoires d’îles célestes dans une foulée de fictions, de nombreuses communautés sont nées. Fut un temps où les Chouettes régnaient sur le monde. La fameuse sagesse. Elles ont progressivement déclinées au cours du temps. Les hommes, eux, ont toujours su s’adapter. Le peu de Chouettes restantes se sont assimilés à nos congénères.


J’ai directement fais le lien avec la légende des Chozos dans la saga Metroid. Des oiseaux devenus dieux. Leur savoir, leur technologie et leur vision furent sans égal. Tout comme le peuple qui a élevé Samus, les Chouettes se sont égarées en chemin. Leur savoir était de trop. Au final, une dernière création les a menés vers leur destruction, voire extinction dans le cas des Chozos. Ce qui a tué le peuple des rapaces dans Owlboy vous étonnera. En fait, le twist peut être prévisible avec un regard affuté…


Si vous avez vu Patema… Je dis ça je dis rien.


Puisque je parle du temps et de ses conséquences, parlons du cas Owlboy lui-même. Final Fantasy XV, The Last Guardian et Metroid Prime 4 à l’heure actuelle. Voici une belle famille de jeux ayant un sombre point en commun. Un développement chronophage à mort. Bon, ici, Owlboy est disons le petit frère jumeau de Final Fantasy (FFXV étant Pascal le grand frère, mais avec moins de caractère que le vrai).


Le projet fut en gestation depuis 2006 ! Dix ans ! J’avais quel âge moi ? Ah oui, je jouais à Wii Sports. Quand j’apprends l’existence de tels projets, il me revient en tête le Chef-d’œuvre Inconnu de Balzac. Un artiste qui peaufine, qui peaufine encore et toujours plus son ultime œuvre. Tellement retouchée, retravaillée jusqu’à finir défigurée et… par être incomprise. Que gâchis. Et en une décennie, un enfant deviendra adulte. Il leur fallait réussir.


Je vais être direct. Owlboy n’a pour moi qu’une seule tache sur son beau costume en pixels. Et cette seule erreur n’entache que peu l’immense pied que j’ai pris à le parcourir. Owlboy est un bijou serti de la plus belle pierre de graphismes et du plus brillant joyau de soundtrack. J’ai été happé dans ce périple long de plus de dix heures. Cette unique faute est pardonnable.


Elle m’a d’abord alertée. Avant de toucher du stick, je laissais mes yeux et mes oreilles faire leur travail. Un vrai coup de foudre. Il n’y a pas d’hybride que les Chouettes. Hybride est aussi cet univers à la fois beau et post-apocalyptique. Une superbe nature déréglée, mêlée à un monde humain très steampunk sur les bords. Et cette cohérence, ce souci du détail. Allez faire un tour devant la maison de Mandolyne la musicienne. Même la porte de sa baraque est aussi longue et affinée qu’elle.


C’est la première fois que je le dis : le pixel est vivant. Pas un seul cadre du jeu n’est immobile. Il y aura toujours un insecte, une feuille pour rappeler au joueur la passion du studio D-Pad à créer un véritable écosystème. Et la cerise sur le gâteau, il y a un cycle jour et nuit, lui-même influant sur une bande-son phénoménale.


Il était alors temps de prendre mon envol. Hop, un saut et un coup de pouce vers le haut. Moais, ça manque de vitesse. En explorant ma manette, j’ai appris à lancer des roulades aériennes avec le bouton A.


Petite précision, je joue à la manette One.


Mais merde. Un quart d’heure plus tard, ça y est, j’ai perdu les pédales. C’est moi où les développeurs sont des amoureux fétichistes des touches latérales ? Et je ne mens pas. 50%... Allez, 70% du gameplay s’exécute via les boutons L, R et leurs petites variantes en B.


Monsieur souhaiterai soulever un compagnon pour profiter de ses capacités uniques ? Le bouton LT est fait pour vous.
Utiliser le coup spécial d’un ami ? Appuyez sur RT.
Ramasser un item ? LT. Le bouffer ? RT. Le jeter ? LT + stick gauche. Lire ? Parler ? LT. Entrer ? LT (Parce que oui ! Même pour entrer chez soi il faut LT !) Je dirais même plus : LB = RB dans le cas d’une certaine technique vitale du jeu. Mais merde !


Mais nos chères touches A B X Y servent également. Pour l’accélération d’Otus, c’est A. Et pour un tourniquet assommant, c’est X. Les pauvres. J’ai rarement vu de jeux qui négligent à ce point le quatuor de boutons. Attention, toute action est entièrement modulable via les options, mais de ce que je lis de par le monde, c’est loin d’être évident une fois en jeu. Mais avouez ! C’est kiffant de presser un R ou un L ! Dans un FPS, c’est la gâchette d’une arme. Et c’est grisant ! Dans un jeu de course, c’est l’accélération !


Dans Owlboy, c’est le core gameplay. Et il est tout sauf intuitif. Je crois que j’ai perdu mon affection pour ces touches à cause du jeu… La voilà, la mouche dans la soupe. D’autres pesteront le level-design trop labyrinthique. Parfois un peu lourd en détails et du coup peu lisible. Il est facile de se perdre dans les cieux, surtout quand il n’y a pas de map. Que ceux qui osent traiter ce titre de metroidvania relancent un Super Metroid ou un plus récent Hollow Knight. Owlboy est tout sauf un Metroid-like. Il est un plate-former vertical, comme d’autres avant ou après lui. Un Downwell inversé en quelque sorte.


Plus tard, il m’est arrivé des choses insoupçonnées. Entre deux chasses aux trésors, j’ai dû faire face à face avec le vaisseau mère des Pirates du ciel. C’était Matrix.


Otus devait slalomer entre une vingtaine d’obus aussi vifs et puissants qu’un tank russe.


J’étais sur le cul. L’extase m’attendait plus tard, quand


j’ai pu chevaucher une immense mécha-chenille alors même qu’elle creusait sous terre à vitesse supersonique


, le tout avec une caméra qui faisait des bonds à 360°. Quelle claque ! D’autant plus que… c’est de la 2D.


Même après le four critique de Final Fantasy XV, il reste une lueur d’espoir pour les arlésiennes de longue date. Si un rapace pouvait couver un œuf durant dix longues années pour mettre au monde un jeu aussi chouette qu’Owlboy, je veux bien plus de retardataires comme lui dans l’industrie. Comme le dirait un grand sage Chouette, « la boucle est bouclée ».

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le 22 févr. 2019

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Mottainai

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