Contrairement aux autres titres issus de l'univers Panzer Dragoon, ce troisième épisode a su prendre de la distance en refusant d'adopter les codes du shoot sur rail (encore qu'il faudrait définir cette notion), pour sortir sous la forme d'un jeu de rôle japonais (J-RPG).
Du coup, c'est comme une évidence si le scénario nous propose d'incarner un adolescent de 15 ans (soit environ un an de plus que le cliché habituel du genre). Mais en réalité, c'est un des seuls lieux communs des J-RPG qui sera repris ici. Et pour tout dire, ce n'est pas plus mal. Je ne vous cache pas qu'à un moment donné, vous aurez la destinée du monde entre vos mains, mais globalement, c'est quand même amené d'une manière un peu plus originale que d'habitude, à défaut d'être plus subtile.

Je ne prendrais pas la peine de détailler le scénario (déjà parce que j'en serais incapable, depuis le temps que j'y ai joué), mais dès les premiers instants, on se retrouve propulsé dans une histoire plus politique que familiale (du type : ton père, ce héros, t'a laissé cette épée...), donnant d'emblée à l'histoire une ampleur pas inintéressante.

Passées les premières minutes d'introduction en vidéo (plutôt bien réalisée pour l'époque et la machine), notre héros, Edge, enfourche son dragon et part à l'aventure. Et la première chose qui frappe, c'est que si quelqu'un doit éprouver une quelconque difficulté dans le jeu, ce ne sera certainement pas à cause de la maniabilité. Celle-ci est un effet d'une simplicité enfantine, et c'est avec un réel plaisir que l'on s'affranchi du défilement continu et inexorable des deux premiers épisodes, pour pouvoir enfin faire demi-tour ou ne serait-ce que du sur-place.
Les premiers passages visités sont d'ailleurs taillés pour l'apprentissage des différentes commandes. On pourrait à ce titre distinguer 3 phases distinctes. La première, la plus commune, est l'exploration à dos de dragon. Comme dit au dessus, on peut désormais se déplacer librement dans les 3 dimensions (avec une limite d'altitude, tout de même). Pas grand chose à signaler, sinon l'extrême simplicité de cette phase, un radar dans le coin de l'écran se chargeant de nous indiquer les points intéressants (passage, interrupteur, ... ). On navigue donc dans un monde relativement vaste à la recherche de ces points sur lesquels on agit via un lock du laser (à la manière des tirs dans les autres épisodes de la saga). Cette phase se rapproche ainsi parfois d'une sorte de point'n'click moderne (les énigmes en moins, bien sûr), dans notre quête d'éléments à actionner, de passages à ouvrir ou d'indices à trouver.
Le second type de gameplay intervient lorsque le héros descend de sa monture pour se promener à pied sur les lieux de campement, dans les villages, etc. Cela constitue sans aucun doute la phase la plus classique pour un J-RPG, celle qui réserve le moins de surprise. Pourtant, elle est intéressante dans son opposition à toutes les parties aériennes, par le changement de rythme qu'elle procure et la possibilité qu'elle fait naitre de rencontrer d'autres personnages.
Penchons-nous maintenant sur la troisième phase, qui correspond au système de combat. Contrairement à la grande majorité des J-RPG, Panzer Dragoon Saga propose un système très dynamique où le timing importe tout autant que le positionnement par rapport à l'ennemi. Là encore, le radar joue un rôle important. Il marque clairement les zones d'impact les plus sensibles dans lesquelles il vaut mieux ne pas se trouver si l'on ne veut pas que notre dragon subisse de dégâts trop importants. Pendant que l'on cherche le placement idéal, 3 jauges se remplissent, permettant des attaques de types et de puissances différents (laser du dragon, arme de Edge, magie, utilisation d'objets, bref, du classique). En définitive, on pourrait rapprocher ce système de combat de celui de Grandia, le dynamisme et le côté stratégique des déplacements et des positionnements en plus.
Une fois cette partie clarifiée, comment ne pas mentionner les capacités du dragon ? Notre monture peut voir ses caractéristiques augmenter en passant à la classe supérieure. Mais à la différence de l'évolution par étapes prédéfinies et scriptées présentes dans Panzer Dragoon Zwei, la grande nouveauté de cet opus est de pouvoir intervenir directement sur les capacités du dragon en temps réel, suivant 4 paramètres (vitesse, puissance, ...). La forme du dragon se trouve alors modifiée et aura des répercutions lors des combats, altérant soit la vitesse de déplacement, la résistance, etc. Cependant, rien n'est figé dans le temps et il est tout à fait possible de revenir au menu pour modifier à nouveau les caractéristiques de notre compagnon ailé.

Ce qui est étonnant, c'est à quel point tous ces éléments de gameplay se combinent de façon simple, presque naturelle. A tel point qu'on oublie vite les ressorts de la maniabilité pour se concentrer uniquement sur le principal : l'univers qu'il nous est offert de parcourir.

Et cet univers est sans conteste un des plus intéressants qu'il m'ait été donné d'appréhender dans un jeu vidéo.
Les musiques, tout d'abord, restent tout à fait dans le ton des premiers épisodes, et sont donc excellentes. Mais bizarrement, elles ne manquent pas quand elles s'arrêtent. Tout simplement parce que les bruitages eux aussi sont parfaitement restitués. On peut entendre par exemple le souffle de notre dragon battant des ailes. Cela lui donne une présence incroyable, comme si ces battements d'ailes devaient réellement soulever sa masse (et la nôtre).
Les graphismes, ensuite, qui, bien que limités par les capacités de la segaSaturn dans le domaine, parviennent à retranscire toute la richesse du monde que l'on découvre. Les déserts de sable, les tornades emportant de vieux vaisseaux abandonnés, les ruines affleurant d'un océan qui parait infini. C'est simple, c'est tellement beau que l'on se prend à aller toujours un peu plus loin, à revenir sur ses pas pour voir les choses sous un autre angle.

Ces éléments aident à rendre le monde de Panzer Dragoon encore un peu plus beau, un peu plus envoûtant. On voudrait en savoir plus sur cette civilisation disparue sous les eaux, sur ces machines volantes qui parsèmenent le ciel, sur ces tours qui témoignent d'une maîtrise scientifique et technique aujourd'hui perdue.

Tout cela ne fait que prouver que l'ensemble du design du jeu a fait l'objet d'une attention particulière. Depuis les menus du jeu jusqu'à la moindre pièce d'éolienne rouillée, tout semble avoir été pensé dans le même but : produire un univers cohérent tout au long des 4 CD que compte le coffret. Imaginez un peu qu'une langue a été spécialement inventée pour ce jeu, et que la quasi totalité des dialogues ont été doublés !


Enfin, pour terminer de décrire le chef d'oeuvre que représente ce jeu à mes yeux, il faut absolument que je m'étende sur une qualité que je n'ai, à ce jour, jamais retrouvée dans aucun autre jeu : l'espace.
L'espace en tant qu'étendue (vaste, ici), mais également l'espace en tant qu'intervalle dans le rythme de l'aventure.
Le fait de pouvoir glisser dans les airs, selon sa volonté, de parcourir des endroits déjà visités, d'en explorer de nouveaux. Tout, absolument tout se fait au rythme du joueur. Il n'y a pour ainsi dire pas d'obstacle insurmontable (je ne me rappelle pas avoir vu l'écran game over), pas de passage introuvable, pas d'énigme insensée. Tout, au contraire, est fluide, facile. La gratification vient alors moins de l'ennemi que l'on vient de battre que des paysages parcourus pour se retrouver face à lui.

Car c'est cela, au final, ce jeu. Un voyage. Comme un tour du monde où chaque phase à dos de dragon est comme un océan à traverser, où chaque phase à pied est comme une escale sur un nouveau continent. On crée alors quelques relations (scriptées), on discute, on apprend, mais on se rend compte également que le reste du temps, on est seul à se battre contre des forces qui nous dépassent.

Le jeu fini, on en ressort comme on sort d'un beau rêve.
On aimerait y retourner régulièrement, le revivre, comme lors de la première partie.
On aimerait en partager la beauté avec d'autres joueurs, mais au final, cette solitude omniprésente, indélébile nous fait comprendre que cette aventure était intérieure et personnelle.
Il ne nous reste alors plus qu'à souhaiter que les autres joueurs aient pu faire un rêve aussi beau.
G_Savoureux
10
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Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à ses listes japonais rôle jouant jeu et autres, La Saturn, c'était bien et

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le 5 déc. 2010

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le 27 juil. 2012

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G_Savoureux

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